B. Une influence certaine
Si l'influence que subit la communauté internationale
dans le débat politique au Togo est quelque fois imperceptible tout de
suite, il est des situations où cette influence se révèle
flagrante. Théoriquement d'abord, il faut valider la présomption
de l'existence d'une influence venant des forces endogènes sur
l'international, acteur agissant au Togo.
183 M. DEBOS et A. GOHENEIX,
« les ONG et la fabrique de l' ?opinion publique internationale »,
Raisons Politiques, N° 19, 2005, pp. 63 - 80.
184 B. BADIE, l'impuissance de la
puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Paris,
Fayard, 2004, p. 246, cité par M. DEBOS et A. GOHENEIX,
Idem.
72
Lorsque Bruno Delaye fut désigné ambassadeur de
France au Togo en février 1991, François Mitterand lui confiait
implicitement la mission de pousser le Général Eyadema à
réformer institutionnellement son pays en faveur du
libéralisme185. Les difficultés
permanentes auxquelles sera confronté le jeune diplomate quelques
années plus tard seront essentiellement liées aux acoquinements
que le Président Eyadema a su entretenir avec l'Elysée. Ainsi
pouvait-on observer des incohérences entre les injonctions de
démocratisation lancées à la Baule deux années
plutôt et la politique étrangère de la France dans ses
anciennes colonies. « De La Baule (juin 1990) à Biarritz
(novembre 1994) en passant par Libreville (octobre 1992) ou Chaillot (novembre
1991), on note un remarquable infléchissement de la
conditionnalité démocratique ramenée à une question
de protection militaro-sécuritaire des pouvoirs africains dont le
dossier est confié à... Eyadéma »
186. Tout cela amènera la France dans un
balbutiement notoire dans le dossier togolais de l'époque ; ce qui
conduira Volker Berresheim, alors conseiller à l'ambassade d'Allemagne
à Paris à souligner l'incapacité coupable de la France
à se prononcer clairement dans la crise et dénoncer ses
manoeuvres tendant à « instrumentaliser la bonne image
supposée ? neutre ? de l'Allemagne dans son ancienne colonie afin
d'impressionner, d'influencer Eyadéma et lui donner un signal clair pour
qu'il accepte le changement » 187.
L'influence du jeu politique togolais (ou mieux de Eyadema)
sur la France s'est aussi faite sentir lorsque celle-ci opposa une fin de
non-recevoir le 28 novembre 1991 à la demande du Premier Ministre de la
transition Joseph Kokou Koffigoh sollicitant au nom des accords de
coopération liant les deux pays, un appui militaire pour libérer
la primature assiégée 188.
Dans la crise politique récente, l'influence des
acteurs politiques togolais a fusée des deux côtés des
protagonistes. Le fait pour l'opposition de récuser par avance la
facilitation de la communauté internationale pour déficit de
neutralité, a indéniablement contraint celle-ci à prendre
au sérieux les revendications de cette opposition dans les pourparlers.
De
185 Propos confiés par F. Delaye
lui-même à C. Toulabor lors d'un entretien à la cellule
africaine de 1'Elysée le 25 janvier 1994, in J. R. HHEILBRUNN
et C. M. TOULABOR, « Une si petite
démocratie pour le Togo ... » Op cit.
186 Idem.
187 Idem.
188 Idem.
73
même, la mouvance présidentielle n'y était
pas du reste dans les tentatives d'attirer la sympathie de la communauté
internationale. Mais quoiqu'on dise, la communauté internationale, du
fait de sa quasi permanence dans le jeu politique togolais, y laisse des traces
indélébiles.
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