§ 2. UN JEU POLITIQUE CONDITIONNÉ
L'espace politique togolais subit de toute évidence des
influences qui laissent des effets sur le jeu politique qui s'y déploie.
Il ne pouvait d'ailleurs pas en être autrement vu que les relations
internationales sont entrées dans ce que John Burton qualifie de ?
Cobweb ? 189 c'est-à-dire « toile
d'araignée », c'est-à-dire un conglomérat de
relations complexes et interdépendantes reliant tous les points du
globe. De ce fait, le jeu politique subit de plein fouet les mutations
profondes qui affectent l'ordre mondial. Plus exactement, le jeu politique
togolais ne peut plus non seulement se soustraire du poids de la
société monde (A) mais aussi se trouve contraint de compter avec
l'international comme acteur à part entière (B).
A. Le poids de la société-monde
Dans le jeu politique au Togo comme partout ailleurs, se
développent chaque jour des groupes de pression organisés ou
parfois non organisés, mais qui ont une véritable influence sur
les Policy makers. Il s'agit généralement des groupes
constitués à l'intérieur des Etats, défendant les
principes démocratiques à l'instar de la protection des droits de
l'homme, d'alternance au sommet des Etats etc. On peut ranger dans cette
catégorie à titre d'exemple le Mouvement Y'en a marre,
né au Sénégal et qui s'étend progressivement dans
les pays environnants. On peut dès lors arguer de la constitution d'une
société civile internationale traitant des questions
transversales qui intéressent l'humanité. La notion de «
la société monde » va au-delà d'une
émanation d'une société civile internationale et elle ne
se confond nullement pas en elle ; elle est plutôt « le
résultat de l'ouverture des sociétés interne à
l'extérieur. Celle-ci (ouverture) fut favorisée par l'essor des
moyens de communication puis par le développement des instruments
d'information. L'Etat fut associé à cette évolution en
fournissant l'infrastructure logistique indispensable à la
189 J. BURTON in World Society
propose de remplacer le modèle des Boule de billards centré
sur les Etats par celui de la toile d'araignée. Voir, D.
BATTISTELLA, Théories des relations internationales,
5ème éd. Paris, Les Presses de Sciences Po, 2015.
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recherche [...] puis en offrant à la
société civile les moyens d'utiliser à son profit ces
nouvelles technologies »190.
L'imbrication des sociétés entraine aujourd'hui une mutualisation
des valeurs et une universalisation des croyances. Le monde, derrière
l'écran de la diversité des peuples, tend de plus en plus
à se centrer autour de l'individu considéré comme le
baromètre de l'humanité. On est bien en présence - ou peu
s'en faut - du « dernier homme »191
décris par Francis Fukuyama quand on songe à l'ampleur qu'ont
aujourd'hui les principes démocratiques sur la conduite des affaires
publiques. L'individu est bien la mesure de toute chose dans la nouvelle
configuration du jeu politique intra étatique. Ainsi, les gouvernants ne
peuvent plus gouverner dans l'arbitraire sans heurter la hargne d'une
société civile prête à en découdre à
tout moment. C'est généralement elle qui fait inscrire sur
l'agenda de la communauté internationale des sujets qu'elle estime
pertinents, nécessitant une intervention.
L'action de la société monde sur le jeu
politique se trouve également renforcée par le
développement des moyens de communication et l'accès de plus en
plus facile à l'information. En effet, les médias constituent un
véritable vecteur des idéos et d'information permettant
d'interconnecter plusieurs points du globe en même temps. La gouvernance
est dans ces conditions passée au crible par ce «
4ème » pouvoir, ce qui induit de la retenue des
gouvernants car chacune de leurs actions est scrutée à la
loupe.
Si la société monde exerce une influence
réelle sur le jeu politique togolais, il convient mieux de dire que
c'est le camp présidentiel qui se trouve le plus visé parce que
détenant l'appareil d'Etat. Néanmoins, étant donné
que le pouvoir est supposé changé de titulaire
périodiquement par le jeu de l'alternance, les mutations
impulsées par la société monde affecte aussi bien ceux qui
exercent le pouvoir que ceux qui sont appelés à le faire un
jour.
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