La communauté internationale dans le jeu politique togolais à partir de 1990.par Rodolphe Assataclouli BAKOUSSAM Université de Kara - Master en Gouvernance internationale (Sciences politiques) 2018 |
CHAPITRE II.L'ACTION INTERNATIONALE DANS LE JEU POLITIQUE TOGOLAISDepuis la fin de la seconde guerre mondiale, Les mutations subies par les relations internationales démontrent qu'il est dorénavant impossible ou presque pour un Etat d'évoluer en vase clos. Les défis sécuritaires, économiques et actuellement migratoires, astreignent les Etats à fédérer les efforts dans une synergie d'action, afin d'y répondre efficacement. La formation des blocs régionaux, l'établissement des alliances bilatérales ou multilatérales souvent même « contre nature » entre Etats justifient la nécessité de collaboration qui s'impose aujourd'hui à nos Etats face à l'importance des enjeux mondiaux. L'international est devenu une communauté159, pourrait-on dire ! Seulement à y regarder de près, cette apparente unicité des nations ne serait que l'arbre qui cache la forêt d'intérêts qui déterminent et guident l'action de tout acteur des relations internationales. L'intérêt serait la négation de toute idée de philanthropie sur la scène internationale et la pierre d'achoppement de toute action engagée dans ce champ politique. Les actions de la communauté internationale dans le jeu politique togolais seraient à ce titre empreintes de la poursuite d'intérêts matériels ou immatériels souvent voilés (section I). Cependant, la poursuite des intérêts de la communauté internationale ne peut oblitérer l'impérative symbiose qui doit caractériser les interactions (section II). SECTION I. : L'INTÉRÊT AU COEUR DE L'ACTION INTERNATIONALE : LECTURE À TRAVERS LE PRISME DU RÉALISMELa présence de la communauté internationale dans le jeu politique est perceptible à la simple observation. Ce qui l'est moins, c'est savoir si sa position sur le terrain du jeu politique togolais répond à l'impératif de neutralité recommandé par les bonnes moeurs internationales. Dans une perspective strictement réaliste, la réponse est négative. Ainsi sous l'auspice de cette grille de lecture, nous analyserons tour à tour l'action de la communauté internationale comme une unité (Paragraphe I) puis comme un conglomérat d'acteurs aux volontés spécifiques (Paragraphe II). 159 Référence ici est faite à la conception de F. TÖNNIES de la notion de communauté. Elle est selon lui « une forme d'organisation sociale dans laquelle les individus sont liés entre eux par une solidarité naturelle ou spontanée et sont animés par des objectifs communs ». D. ALCAUD et Al. Dictionnaire de sciences politiques, 2ème éd. Sirey, 2010. 63 § 1. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE UNITAIREDans ses différentes interventions dans les affaires politiques togolaises (du moins sur la période considérée), la communauté internationale fait montre d'une certaine unanimité sur les sujets concernés. Du point de vue politique, on peut analyser son intervention à travers la promotion de la démocratie (A) et la coordination des actions en matière de gestion de crise (B). A. Les vertus démocratiques promuesLe point de départ des exigences démocratiques dans les Etats d'Afrique francophone est comme nous l'avons montré, le désormais célèbre discours de la Baule, prononcé le 20 juin 1990 par l'ancien Président français François Mitterrand160. Dans ce discours, le Président français annonce à la face du monde que la France « liera tout son effort de contribution financière aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »161. La promotion de la démocratie va apparaitre dans ces conditions comme un moyen de pression à l'encontre des pays africains dont le Togo, pour espérer continuer la jouissance de l'aide publique au développement. Sur cette question, il s'est créé une certaine unanimité entre tous les partenaires au développement du Togo. Ainsi, l'Union Européenne (UE), la Banque Mondiale, le FMI, et d'autres vont imposer au Togo la conditionnalité démocratique comme conditions sine qua non du maintien des relations de coopération. L'UE, suivie ou quelques fois précédée de l'Allemagne, va rompre sa coopération avec le Togo à deux (2) reprises pour déficit démocratique162. Le ministre allemand de la coopération dira à cet effet lors de la Conférence de Vienne de 1993 qu' « il est maintenant fondé de dire que la démocratie et la défense des droits de l'homme d'une part, et le développement économique d'autre part, se renforcent mutuellement »163. Avant le triomphe universel de la démocratie libérale à la fin de la décennie 1980, la Charte des Nations Unies ainsi que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme faisaient une part belle aux principes démocratiques, fixant ainsi un cadre de légitimation 160 T. KPOBIE, Action internationale en faveur de la démocratie au Togo, mémoire de DEA, 2012, Université de Lomé, Togo. 161 Discours de la Baule, https://nsarchive2.gwu, consulté le 02 avril 2019 à 16H04. 162 K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76. 163 Y. KPEDU, « Essai sur le principe de légitimité démocratique en droit international et sa mise en oeuvre dans les accords d'aide au développement », Thèse, droit public, 2007, p.258. 64 de toute action de nature internationale en faveur de ce mode de gouvernement. De même, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) va adopter en 1986, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, un instrument devant permettre à l'organisation continentale « d'afficher ouvertement sa préférence au régime démocratique »164. Par la suite, d'autres textes 165 de promotion de la démocratie verront le jour renforçant ainsi la légitimité des décisions des organisations internationales dont est membre le Togo. Au plan sous régional également existe un corps de règles de promotion des principes démocratiques qui sont à bien des titres opposable au Togo. C'est dans cette logique qu'il faut comprendre la décision de la Cour de justice de la CEDEAO dans l'affaire dite des « neufs députés ANC», qui a condamné la décision d'exclusion prise par le parlement et entérinée par la cours constitutionnelle à l'encontre de de neuf (9) députés mis en cause166. En somme, il est clair que lorsqu'il s'agit de la protection des droits de l'homme ou plus globalement, des principes démocratiques, aucune voie dissidente ne s'élève dans l'ensemble de la communauté internationale. Il en va de même lorsqu'elle intervient pour juguler une crise politique. |
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