B. Présentation du champ politique togolais
Le champ politique togolais présente tous les attributs
du champ politique au sens bourdieusien du terme. Du point de vue spatial, il
faut dire qu'il se fond dans les limites de la superficie du Togo ; mais du
point de vue symbolique, ses bornes sont poussées au-delà. Un
regard sur les types d'acteurs qui structurent l'échiquier politique
togolais permet de comprendre l'étendue symbolique du champ politique
togolais. Mais d'entrée de jeu, signalons qu'il s'agit d'un champ
politique stratifié en champ politique national, marqué par les
luttes en vue du contrôle de l'appareil d'Etat ; et un champ politique
infranational, caractérisé par les compétions au niveau
locale130.
Depuis le début de la décennie 1990, la
scène politique togolaise a vu émerger de nouveaux acteurs dans
le ballet politique du pays et ceci, à la faveur de la
démocratisation dans laquelle le Togo s'est vu embarqué au regard
des mutations politiques globales intervenues dans le monde. A proprement
parler cette période constitue la renaissance d'un champ politique au
Togo entendu comme un espace concurrentiel, mettant aux prises des
entrepreneurs politiques, porteurs de l'offre devant satisfaire la demande du
peuple. Ainsi, à côté du pouvoir d'Eyadéma, ce sont
mises en place des coalitions politiques allant du FAR (Front des Associations
pour le Renouveau) au COD (Coalition de l'Opposition démocratique) en
passant par le FOD (Front de l'Opposition Démocratique), pour ne citer
que ceux-ci, afin de disputer la direction du pays. Le champ politique togolais
s'est révélé proprement comme champ concurrentiel pour la
première fois lors de la tenue de la Conférence Nationale, qui a
dressé un panorama des rapports de forces en présence. Là
s'est dressé deux (2) blocs opposant d'un côté le RPT de
Eyadéma et de l'autre, les jeunes partis de l'opposition et d'autre
organes de la société civile. A la suite de ces grands
'Etats généraux'' de la vie politique togolaise, s'est
ouvert des élections disputées qui constituait un enjeu majeur de
l'histoire du Togo, vue la longue parenthèse du monopartisme dans lequel
le pays a végété pendant plus de deux décennies. La
participation aux premières élections de l'ère
démocratique permet, au regard des alliances qui s'y sont nouées
(notamment entre le CAR et l'UTD) de penser à un champ politique
bipolaire avec un pouvoir qui a accumulé des ressources
énormes131, et une opposition
désireuse de renverser la distribution de ces ressources. Mais l'issue
de cette élection avec la nomination d'Edem
130 Il s'agit d'un champ politique plus ou
moins nouveau, qui englobe toutes les interactions à l'élection
des conseillers municipaux.
131 C. TOULABOR, Togo : Les Forces
Armées Togolaises et le Dispositif Sécuritaire de
Contrôle, Bordeaux, CEAN-Sciences Po Bordeaux, 2005.
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Kodjo comme Premier Ministre aux dépens de Yaovi
Agboyibor qui avait recueilli plus de voix, permet de confirmer la
férocité du jeu politique. Et comme le soulignait Pierre LENAIN,
« le jeu politique n'est pas un jeu abstrait, mathématique,
comme un jeu d'échecs, c'est un jeu avec des hommes, en chair et en os,
qui ont du plaisir, qui souffrent, qui sont promis à la mort, qui sont
cruels »132. Cette structuration du champ
politique va perdurer jusqu'aux compétitions actuelles où l'on
voit naitre des alliances stratégiques non pas sur la base d'une
convergence idéologique, mais sur celle des opportunités
politiques. C'est ce qui explique par exemple, les défections
essuyées par la coalition des quatorzes (C14) au lendemain de
l'élection législative du 20 décembre 2018 et comme
d'autres coalitions avant. Le champ politique togolais à l'observation
présente, (comme tout champ politique d'ailleurs) un tableau aux
ressources très inégalement réparties et une
récurrence de 'coup politique''
133 ainsi qu'une perception différente des
enjeux de ce champ. Néanmoins, c'est un champ politique concurrentiel
qui plus est, met constamment aux coudes les acteurs à travers leurs
offres vis-à-vis des enjeux qui y émergent.
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