La communauté internationale dans le jeu politique togolais à partir de 1990.par Rodolphe Assataclouli BAKOUSSAM Université de Kara - Master en Gouvernance internationale (Sciences politiques) 2018 |
SECTION II. LES FONDEMENTS ÉCONOMIQUES DE L'IMPLICATIONOutre les considérations politiques qui ont milité en faveur de l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, les différentes mutations subies par l'économie du pays y ont joué un rôle pas des moindres. En effet, la libéralisation de l'espace politique s'est accompagnée de l'impératif de libéralisation économique. Le Togo comme tous les Etats africains partageant quasiment les mêmes pratiques en matière de gestion des finances publiques, ont été bon gré mal gré, soumis à l'école de la démocratie financière. Ces réformes structurelles profondes auxquels le pays a été soumis sont la conséquence d'une série de conjonctures économiques aux effets poignants (Paragraphe I) qui dans une certaine mesure ont suscité et légitimé l'implication de l'international (Paragraphe II). § 1. UNE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE POIGNANTELe champ de la présente étude couvre la période 1990 à aujourd'hui. Seulement pour mieux appréhender et comprendre le contexte de l'implication de la communauté internationale au Togo à partir des facteurs économiques, il parait tout à fait loisible de faire une rétrospection (A) sur la période antérieure pour analyser la genèse des choses et comprendre les mobiles de cette implication (B). A. Rétrospection sur l'économique du Togo avant 1990Aux lendemains de son accession à l'indépendance, le Togo a connu une économie plus ou moins florissante favorisée essentiellement par un contexte internationale propice à l'exportation des matières premières. En effet, l'augmentation fulgurante sur le marché international des cours des principaux produits d'exportation dans les années 1970, notamment le café, le cacao, le phosphate, a permis à l'Etat togolais, qui a le monopole de 102 Dans cette affaire, la cour constitutionnelle du Togo avait prononcé une décision de révocation de neuf (9) députés de leurs mandats d'élus du peuple. Ainsi, par la décision N° ECW/CCJ.JUD/09/11, la Cours de justice de la CEDEAO condamne l'Etat togolais et « lui ordonne de réparer la violation des droits de l'homme des requérants ... » 40 leur commercialisation, d'accroître sa part dans les dépenses nationales. Les dépenses budgétaires sont ainsi passées de 10,9% du PIB en 1970, à 28,2% en 1980, après avoir atteint un pic de 36,7% en 1976. Le solde budgétaire de l'Etat également va passer de 1,6% du PIB en 1970 à moins de 8,4% en 1979103. Mais cette floraison économique sera de courte durée. En effet, après cette période de prospérité, « des déséquilibres économiques importants, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, de la balance des payements, de l'endettement extérieur ou de l'emploi, ont commencé à apparaitre à partir du début des années 1980 »104. Les illustrations immédiates furent entre autre la baisse des dépenses budgétaires qui sont ramenées à 20,8% en 1990 puis l'aggravation du déficit du compte courant, passant de 1,1% du PIB en 1970 à 21,3%, en 1979. Plus encore, le service de la dette extérieure devenait de plus en plus insupportable à partir de 1979. « L'encours de la dette publique extérieur rapportée au PIB, est passée de 16% en 1970 à 82% en 1980, alors que le service de la dette en pourcentage des exportations des biens et services évoluait de 3,1 à 8,2 puis à 18,2% en 1970, à 21,3 en 1980 et en 1989 respectivement »105. Tous ces indicateurs montrent une décadence soutenue dans les performances économiques du Togo. Les causes profondes de cette récession sont à rechercher prioritairement dans la gestion patrimonialiste des affaires publiques même si le contexte international y est aussi pour quelque chose. Profitant en effet du système de parti unique qui avait cours à l'époque, l'Etat ou mieux encore le parti-Etat avait le monopole sur la quasi-totalité des transactions économiques et commerciales internationales avec le Togo. Ainsi l'on pouvait constater à cette époque des investissements tous azimuts, débouchant sur ce qui était communément appelé « les éléphants blancs » 106 c'est-à-dire des réalisations d'envergure et prestigieuses, souvent d'initiative publique, mais qui s'avèrent plus couteuses que bénéfiques et dont l'exploitation ou l'entretien devient un fardeau financier. Cela, doublé de la gestion clientéliste qui était faite, ne pouvait produire que des résultats chaotiques avec un impact social significatif. 103 T. A. GOGUE, « Impact des programmes d'ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas du Togo », Nouvelles pratiques sociales, 1997, 10, (1), pp. 163-179. 104 Idem. 105 Idem 106 Un éléphant blanc https://fr.m.wikipedia.org 41 |
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