La communauté internationale dans le jeu politique togolais à partir de 1990.par Rodolphe Assataclouli BAKOUSSAM Université de Kara - Master en Gouvernance internationale (Sciences politiques) 2018 |
B. De l'universalisation de la démocratieLa fin de la guerre froide a sonné le glas des régimes d'obédience communiste et d'autres calqués sur un déni des principes démocratiques notamment ceux dictatoriaux et totalitaires en Europe et dans le monde. En Afrique, la chute du mur de Berlin a eu un écho retentissant, provoquant un sursaut démocratique encouragé et soutenu par la communauté internationale. Le point de départ de l'implication de l'international sur les impératifs démocratiques dans les pays d'Afrique francophone s'avère être le discours prononcé par le Président français François Mitterrand, lors de la séance solennelle d'ouverture de la 16ème Conférence des Chefs d'Etats de France et d'Afrique tenue à la Baule le 20 juin 1990. L'heure de gloire de la démocratie avait sonné et les Etats quelques furent leurs contextes sociopolitiques, devraient se mettre au pas91. En effet, il s'agissait pour le Président français de monter la voix, pour ne pas dire la seule voix qui doit dorénavant gouverner les orientations sociales, politiques et économiques des Etats Africains. « C'est la seule façon de parvenir à un Etat d'équilibre au moment où apparait la nécessité d'une plus grande liberté »92. En somme, le Président invitait les Etats africains à la mise en place systématique de dispositifs constitutionnels sur fond des valeurs suivantes : « Système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure », 93 seules valeurs susceptibles d'impulser leur développement. Les valeurs ainsi présentées dans ce discours ne sont ni plus ni moins celles sur lesquelles se fonde la démocratie. Imposer la démocratie comme forme ou mode de gouvernement universel vers lequel l'on doit tendre n'est pas sans moyens d'action. D'abord par ce que l'URSS qui parrainait les régimes marxistes-léninistes a été dissoute, (ce qui rendrait absurde toute référence au communisme par un pays africain francophone) mais aussi et surtout du fait des économies 91 "Transposer d'un seul coup le parti unique et décider arbitrairement le multipartisme, certains de nos peuples s'y refuseront ou bien en connaîtront tout aussitôt les effets délétères" ; "nous l'avons déjà fait et nous en connaissons les inconvénients". Propos tenues par certains Chefs d'Etats avant la conférence et repris dans le discours de la Baule par le Président français François Mitterrand. Voir https://nsarchive2.gwu 92 Discours de la Baule, op cit. 93 Discours de la Baule, idem. 35 fragiles, dépendantes pour l'essentiel de l'extérieur notamment de l'aide publique au développement. En effet, le discours de la Baule constitue le point de départ de la désormais célèbre « conditionnalité démocratique » de l'aide publique au développement. Dorénavant, le bénéfice de l'aide est subordonné au degré de libéralisation au double plan politique et économique. Cela sous-entend un contrôle permanent des efforts de démocratisation consentis par les Etats candidats à cette aide par les donateurs qui peuvent être soient des Etats ou soient des organisations internationales. Le fronton du Togo porte encore de façon très lisible, le reflet de la conditionnalité démocratique de l'aide étrangère. En effet le Togo a fait l'objet par deux fois de rupture de la coopération pour déficit démocratique94. Pour la reprise de la coopération à la suite des élections législatives du 14 octobre 2007, il a fallu que les partenaires techniques et financiers du Togo (notamment l'Union Européenne, l'Allemagne etc.) accompagnent le processus depuis la constitution du fichier électoral à l'observation du déroulement du scrutin. Ils ont joué un rôle de premier plan dans ses élections en finançant une partie de leur organisation, mais aussi en y apportant la certification de leur régularité. Se faisant, l'on peut estimer que ces partenaires étrangers se sont mus en véritables acteurs du jeu politique togolais en y jouant un rôle pas des moindres, celui d'arbitre95. Il faut dire que l'implication de la communauté internationale pour promouvoir les vertus démocratiques au Togo sont devenues quasi permanentes et peut se remarquer dans nombre de domaines et à travers les années. Aujourd'hui, la coopération allemande par exemple à travers la GIZ96, est profondément impliquée au moyen de son appui technique dans le processus de la décentralisation à travers le ProDeGoL (Programme Décentralisation et Gouvernance Locale). Outre le triomphe et l'universalisation de la démocratie comme justification de l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, le communautarisme Etatique vient légitimer davantage cette immixtion. 94 La première en 1993 et la deuxième en 1998. Voir à cet effet Kodjo Koffi, « Togo : les deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76. 95 Ce rôle est à souligner quand on connaît l'influence et les conséquences que les missions d'observations électorales peuvent avoir sur le devenir même d' pays. On peut voir l'exemple de la Côte-d'Ivoire pour s'en convaincre. 96 GIZ : Gesellschaft für Internationale Zuzammenarbeite. 36 |
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