2-2-3- Les règles d'objectifs
Les règles objectives sont basées sur la
réalisation d'un objectif fixé par les autorités
monétaires (Rudebusch et Svensson, 1998 ; Svensson, 2005). La
littérature économique identifie deux types de concepts : les
variables cibles et les niveaux cibles attendus de variables (sur la base des
informations pertinentes disponibles). La règle d'objectif vise alors
à réduire la différence entre le niveau attendu de la
variable cible et le niveau cible de la variable via une fonction de perte
(Svensson, 2005). Le but ultime est de contrôler l'inflation.
L'une des règles cibles qui a produit de nombreuses
publications ces dernières années est la règle cible du
taux d'inflation. En conséquence, certaines banques centrales ont
spécifiquement choisi des cibles d'inflation depuis le début des
années 90 (Siklos, 1999 ; Svensson, 2010).
Les promoteurs de la règle d'objectif indiquent que la
Banque centrale ne cible pas les variables intermédiaires, mais elle
doit opérer directement sur l'objectif d'inflation. En vue de cela,
faute d'un consensus sur un canal de transmission prédominant à
travers lequel la politique monétaire opère au sein de
l'économie, c'est la prévision de l'inflation qui tient lien
d'objectif intermédiaire. La Banque centrale doit donc veiller à
l'évolution d'un certain nombre d'indicateurs reconnus comme
étant aptes à prévoir l'inflation pour parvenir à
contrecarrer les tensions inflationnistes avant qu'elles ne se
concrétisent. L'intervention de la Banque centrale sur le marché
monétaire vise dans ce cas à ramener le taux d'inflation
anticipé proche de l'inflation ciblée (Svensson, 1997 ; Gregory,
2003 ; Agenor, 2008).
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La définition de la règle de l'objectif
d'inflation peut être attribuée à deux conditions
(Rudebusch et Svensson, 1998). Le premier est que les objectifs d'inflation
doivent être quantifiés. Il peut s'agir d'un point bien
défini dans la règle de Taylor (point d'inflation cible) ou d'une
plage de points (fourchette cible). La seconde est que les institutions
financières doivent être en mesure d'estimer les niveaux
d'inflation futurs sur la base d'informations internes et conditionnelles. Le
niveau d'inflation attendu représente un objectif
intermédiaire.
Les principales caractéristiques du système de
ciblage de l'inflation sont une transparence et une responsabilisation
élevées. Par conséquent, les banques centrales ayant des
objectifs d'inflation sont tenues de publier une déclaration d'inflation
et d'expliquer leurs politiques. Cette transparence en soi signifie un
engagement à minimiser la fonction de perte.
Lorsque l'objectif d'inflation est le seul objectif de la
Banque centrale, il s'agit d'un régime strict de ciblage d'inflation.
Par contre, si la Banque Centrale poursuit d'autres objectifs tels que la
stabilisation de la production ou du taux d'intérêt, il s'agit
d'un régime flexible de ciblage d'inflation. Dans ce dernier cas, la
politique monétaire est moins activiste, dans le sens où les
instruments sont faiblement ajustés par rapport à un choc
donné, et le niveau d'inflation s'ajuste progressivement au niveau
objectif ou cible de l'inflation. Il en résulte que l'horizon de
l'ajustement du niveau de l'inflation à la cible est plus long.
Dans un régime flexible de ciblage d'inflation, il y a
asymétrie entre l'inflation et la production dans la fonction de perte.
En effet, pour l'inflation, il s'agit à la fois d'un objectif de niveau
(la cible fixée) et de stabilité (écart entre le niveau
anticipé de la variable cible et l'objectif fixé de ladite
variable). Mais pour la production, on ne retient que l'objectif de
stabilité.
En effet, cette approche est formalisée selon
l'expression de Bernanke et Mishkin (1997) comme un cadre de «
discrétion contrainte ». Il s'agit de fixer des objectifs et de
déterminer avec précision le poids de ces objectifs (minimisant
ainsi la perte de fonctionnalité) pour les autorités
monétaires, tout en leur permettant de percevoir les directions en
utilisant toutes les informations qu'elles jugent pertinentes. Attentes des
agents, donc pouvoir choisir l'orientation future de la politique
monétaire (Bernake et al., 1999 ; Pollin, 2005, 2008). Ces informations
comportent plusieurs indicateurs, financiers et réels, susceptibles de
rendre compte des origines multiples de l'inflation et d'éclairer les
autorités monétaires sur l'évolution future de l'inflation
(Cecchetti, et al., 2000 ; Payelle et al., 2001 ; Mishkin, 2004 ; Brand, 2008 ;
Diane, 2011).
D'autre part, dans cette nouvelle formulation, la recherche
est portée sur les indicateurs qui peuvent bien anticiper l'inflation,
tandis que dans le cas des objectifs intermédiaires la variable doit
avoir une relation structurelle causale avec l'inflation. C'est le pouvoir de
prédiction et le fait de ne pas être directement sensibles aux
manipulations des instruments, et non plus la relation de causalité
structurelle, qui devient la caractéristique la plus importante
(Allegret et Goux, 2003 ; Layouni, 2007).
Donc, la pertinence d'un indicateur est jugée à
partir de son pouvoir de prédiction qui détermine la
qualité du signal et l'information qu'il peut renvoyer. Ce pouvoir de
prédiction est d'autant
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plus précieux qu'il est avancé dans le temps.
À cet effet, l'idéal serait que cette avance dans le temps
correspond aux délais de transmission des actions de la politique
monétaire jusqu'à l'objectif final pour que la Banque centrale
ait le temps de l'exploiter pleinement et surtout de réagir (Allegret,
1999).
Avec cette approche pour garder la réputation, la
crédibilité et l'engagement de la banque centrale à faible
inflation, stabilité et prévisibilité, il y a le
privilège de discrétion qui leur permet de concilier la poursuite
des prix à long terme et la stabilisation du PIB réel à
court terme.
Par ailleurs, dans un environnement caractérisé
par une hétérogénéité de l'information
(Morris et Shin, 2002), source de la non neutralité de la monnaie, la
politique monétaire ne doit pas seulement reposer sur ses actions, mais
la priorité à la communication est essentielle pour aider les
entreprise et les ménages à mieux prédire ses
interventions futures ; ce qui permet de réduire l'incertitude (Croce et
al., 2000 ; Baeriswil et Cornand, 2008 ; Cateau et Murchison, 2010).
Puisque le ciblage de l'inflation est une stratégie de
moyen et long terme pour la politique monétaire, elle
présenterait un certain nombre d'avantages et d'inconvénients.
En effet, l'un des principaux avantages en faveur de la cible
d'inflation est que celle-ci accroît la confiance des agents
économiques dans la stabilité des prix futurs. Elle contourne en
outre le lien incertain établi entre la croissance monétaire et
l'inflation et évite par conséquent le problème
d'instabilité des fonctions de demande de monnaie lié au ciblage
d'agrégat monétaire. Elle est plus proche de l'objectif final et
accorde une grande importance à la transparence de la prise de
décision et à la communication régulière avec les
agents privés. Ce régime permet éventuellement de
réagir face à des chocs macroéconomiques imprévus,
de manière plus flexible (Lecarpentier-Moyal et al., 2001 ; Mishkin,
2007 ; Stuckey, 2011).
Le principal inconvénient de cette politique
réside dans la longueur des délais existant dans la transmission
des effets de la politique monétaire, il faut attendre longtemps pour
voir les conséquences de la manipulation du taux directeur sur
l'inflation. Dans ces conditions les agents privés ne sont pas
conscients de l'impact immédiat de la politique monétaire et les
signaux des agrégats monétaires, des prix des actifs ou des
objectifs de taux de change sont immédiatement transmis au
marché. De plus, des facteurs exogènes à la politique
monétaire peuvent intervenir pendant l'intervalle de temps
nécessaire à l'action de cette dernière, remettant en
cause les résultats escomptés de la politique monétaire et
sa crédibilité. L'inflation observée peut s'écarter
de l'inflation anticipée en raison des chocs affectant le niveau
général des prix (Lecarpentier-Moyal et al., 2001 ; Mishkin, 2007
; Bousrih, 2011).
Dans cette configuration, le prix courant des actions peut
contenir une information supplémentaire sur l'inflation future, soit
parce qu'il reflète les anticipations du marché, relatives aux
évolutions économiques, soit en raison de son incidence sur les
évolutions économiques. Ce qui conduit à une dynamique
déstabilisante de l'économie débouchant sur d'amples
fluctuations des prix d'actifs. La crise financière de 2007-2009 a remis
en question le comportement que doit adopter la Banque centrale pour limiter
les fluctuations des prix des
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actifs, qui exercent des effets aussi bien sur les
activités de production que sur le système économique dans
son ensemble. D'où l'intérêt de la construction d'une
règle d'objectif spécifique intégrant l'objectif de
stabilisation des prix des actifs (Goodhart et Hofmann, Durré, 2001 ;
2001 ; Myftari et Rossi, 2010 ; EngoneMvé, 2013).
Après cette présentation des règles
d'instrument et de ciblage, nous pouvons conclure que de façon
générale, dans un modèle donné, une règle
d'objectif fait appel à une règle d'instrument, cette
dernière étant implicite (Huchet, 2003 ; Pollin, 2008). Ainsi, au
lieu de travailler sur des règles de ciblage qui dans leur application
posent le problème de transparence et de responsabilité de la
part des autorités monétaires, il est préférable de
retenir des règles d'instruments. Surtout que, la banque centrale ne
retient aucun élément qu'elle manipule plus ou moins directement,
quotidiennement ou hebdomadairement, pour atteindre des objectifs
spécifiques. (McCallum, 1997).
Les règles d'instruments sont
préférées aux règles de ciblage d'autant plus
qu'une règle fait appel à l'autre même de manière
implicite.
En résumé, les règles activistes
d'instrument permettent une meilleure représentation du comportement des
Banques centrales. Cependant, ces règles sont formulées à
partir d'une fonction de perte et ont un caractère particulier qui nous
montrons dans la seconde articulation de cette section.
Ainsi, après ces débats, il convient à
présent de statuer sur les caractéristiques propres à la
formulation d'une règle monétaire.
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