Paragraphe II : La réflexion sur l'application
à l'expéditeur du régime de la réparation reconnu
au transporteur
Une réflexion sur l'application à
l'expéditeur du régime de la réparation reconnu au
transporteur s'avère nécessaire car ce régime est plus
adapté à une responsabilité fondée sur le contrat
de transport (A) et cette application n'est pas sans
conséquence (B).
193 Articles 7 et 8 de l'AUCTMR.
194 M. KOUEKE, La responsabilité de
l'expéditeur dans l'Acte Uniforme relatif au contrat de transport de
marchandises par route, Université de Yaoundé II,
mémoire DEA, 2008, p. 21 : les causes évoquées sont les
dommages corporels et les dommages aux biens des cocontractants de
l'expéditeur et les dommages aux biens des tiers.
195 Lorsque des limitations légales ou contractuelles
de responsabilité ne visent pas la responsabilité de
l'expéditeur.
196 Article 1382 du code civil et Article 118 du code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal.
197 Article 1149 du code civil et Article 134 alinéa 1 du
code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.
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A- Un régime adapté à une
responsabilité fondée sur le contrat de
transport
L'application de ce régime mieux adapté à
la responsabilité de l'expéditeur fondée sur le contrat de
transport passe par une reconnaissance à l'expéditeur du
régime de réparation du transporteur (1) et
cette application permettra une unicité de régime applicable aux
parties au contrat de transport (2).
1- Une reconnaissance à l'expéditeur du
régime de réparation du
transporteur
L'AUCTMR ne prévoit pas de régime de
réparation applicable à l'expéditeur. Elle le passe sous
silence et se contente d'encadrer la responsabilité de son
cocontractant, le transporteur. Vu que la faute de l'expéditeur, pouvant
consister en un défaut ou une inexactitude de
déclaration198 ou un défaut d'emballage199,
résulte de l'exécution du contrat de transport routier de
marchandises, il parait nécessaire de lui reconnaitre le régime
de réparation applicable au transporteur.
Mais il convient de déterminer les contours d'une telle
application. Cette reconnaissance ne devrait être général
et s'étendre à l'exécution d'un éventuel contrat
entre l'expéditeur et le destinataire ou entre l'expéditeur et
des tiers. Elle doit se limiter à l'exécution du contrat de
transport routier de marchandises. Ainsi si l'expéditeur et le
destinataire sont liés par un contrat de vente, l'expéditeur ne
pourrait invoquer les limites de responsabilité résultant du
contrat du transport pour réduire l'étendue de sa
réparation.
Un problème se présente lorsque les pertes ou
avaries sont causées par le vice propre de la marchandise. Ce vice peut
causer en plus des dommages au transporteur, des dommages à
d'éventuels expéditeurs ayant aussi confié leurs
marchandises au transporteur. Le transporteur étant
exonéré, l'expéditeur responsable devra
répondre200. Le vice propre étant une cause
antérieure et distincte à l'exécution du contrat, on peut
se demander si l'expéditeur pourrait bénéficier du
régime de la réparation du transporteur pour une
responsabilité fondée sur le vice propre de la marchandise. La
reconnaissance à l'expéditeur du régime de
réparation du transporteur occasionnera une unicité de
régime applicable aux parties au contrat de transport.
2- Une unicité de régime applicable aux
parties au contrat de transport L'AUCTMR en ne prévoyant pas la
réparation de l'expéditeur, l'abandonne au droit commun
applicable dans chaque Etat membre en cas de responsabilité. Cela soumet
le contrat de transport routier de marchandise à un double régime
de responsabilité pour des fautes émanant d'un même
contrat. Reconnaitre à l'expéditeur le régime de
réparation du transporteur reviendrait à
198 Article 8.2 de l'AUCTMR.
199 Article 7 de l'AUCTMR.
200 Article 8.2 de l'AUCTMR.
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soumettre les parties à un régime unique et
soumettre à l'AUCTMR la réparation due par une partie au contrat
qu'il a délaissé.
L'expéditeur et le transporteur seraient soumis aux
mêmes règles. Le contrat serait exécuté avec
l'idée d'une réparation identique pour les deux parties. L'AUCTMR
ne se contenterait plus de protéger in extremis le transporteur
exclusivement mais plutôt la protection qu'il assure, couvrirait les deux
parties qui se sont engagées dans le contrat de transport.
Cela permettra aussi une uniformisation des règles en
matière de réparation due par l'expéditeur. En effet le
droit commun de la responsabilité n'est pas uniforme. Chaque Etat a ses
propres règles en matière de responsabilité 201
et les juridictions de chaque Etat sont amenées à appliquer ces
règles nationales sans tenir compte d'éventuelles
différences avec celles des autres Etats membres. Une uniformisation du
régime de réparation de l'expéditeur laisserait
très peu de place à d'éventuelles divergences dues aux
différents droits nationaux202. Les juridictions
émettront des décisions convergentes et uniformes. Après
avoir démontré que le régime de réparation
applicable au transporteur est mieux adapté à la
responsabilité de l'expéditeur fondée sur le contrat de
transport, il convient de montrer ces conséquences si ce régime
était prévu par l'AUCTMR à l'égard de
l'expéditeur.
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