Section II : La non réglementation de la
réparation due par l'expéditeur
par l'OHADA
En effet si l'AUCTMR prévoit la faute de
l'expéditeur, il passe sous silence la réparation due par ce
dernier en cas de dommage résultant de sa faute. Cela conduit
inéluctablement à lui appliquer le régime de
réparation de droit commun (Paragraphe I). Mais
plutôt que de se contenter de critiquer un tel silence de l'AUCTMR, on
peut envisager une application à l'expéditeur du régime de
la réparation reconnu au transporteur d'où la réflexion
sur l'application à l'expéditeur du régime de la
réparation reconnu au transporteur (Paragraphe II).
Paragraphe I : Une application du régime de la
réparation de droit commun à l'expéditeur
L'application du régime de la réparation de
droit commun à l'expéditeur n'est pas compatible à la
responsabilité basée sur le contrat de transport
(A) et cette application a des conséquences qui sont
assez perceptibles (B).
A- L'incompatibilité entre une
responsabilité basée sur le contrat de transport et le
régime de réparation de droit commun
La responsabilité de l'expéditeur qui est
basée sur le contrat de transport ne convient pas à une
application du régime de réparation de droit commun et la
176 Article 16 de l'AUCTMR : les pertes et avaries visent les
marchandises.
177 F. TERRÉ, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cit. p.
660.
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négation à une partie au contrat de transport du
régime de réparation reconnu au transporteur ne peut que faire
l'objet de critique (1). Une telle application du droit commun
instaure une dualité de régimes applicables au contrat de
transport en matière de réparation (2).
1- Une négation critiquable du régime de
réparation du transporteur à une partie au contrat de
transport
L'AUCTMR a prévu les obligations
contractuelles178 de l'expéditeur dont l'inexécution
conduisait à la responsabilité de celui-ci. L'AUCTMR a donc tenu
à préciser la faute de l'expéditeur quant à
l'exécution du contrat sans en tirer les conséquences attendues.
En effet l'AUCTMR en a fait de même concernant le transporteur et a
prévu un régime de réparation mais celui-ci est silencieux
quant à réparation de l'expéditeur l'abandonnant au droit
commun de la réparation.
On peut alors se demander pourquoi l'AUCTMR abandonne
l'expéditeur au régime de la réparation intégrale
pour des fautes résultant de l'inexécution du contrat et qu'elle
a prévues alors que le transporteur bénéficie d'un
régime de réparation spécifique au contrat de transport
routier de marchandises. On assiste à un délaissement de
l'expéditeur et à une surprotection du transporteur. La raison
d'une telle protection pourrait être la responsabilité
présumée du transporteur en cas de pertes ou
d'avaries179.
Mais si la présomption peut justifier les limitations
de responsabilités, elle ne justifie pas un tel délaissement de
l'expéditeur qui ne demeure pas moins une partie au contrat de
transport. L'AUCTMR aurait pu, à défaut d'appliquer le
régime de réparation du transporteur à
l'expéditeur, prévoir un régime spécial de
l'expéditeur relatif à l'exécution du contrat de
transport. L'AUCTMR devrait mieux encadrer non seulement la
responsabilité de l'expéditeur mais aussi le retirer d'une
soumission au droit commun de la réparation alors que son cocontractant
bénéficie d'un régime de réparation
spécifique à l'exécution du contrat de transport. La
négation du régime de réparation par le transporteur
à une partie au contrat de transport, en l'occurrence
l'expéditeur, conduit inévitablement à instaurer une
dualité de régimes applicables au contrat de transport en
matière de réparation.
2- Une dualité de régimes applicables au
contrat de transport en matière
de réparation
178 Articles 7 et 8 de l'AUCTMR.
179 I. DIALLO, « Etude de l'Acte Uniforme relatif au
Transport de Marchandises par Route », Ohada
D-05-08, p. 25.
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L'AUCTMR prévoit un régime spécifique de
réparation applicable exclusivement au transporteur. La
réparation due par l'expéditeur est soumise aux règles de
droit commun en la matière180. Alors le contrat de transport
est soumis à une dualité de régimes quant à la
réparation due en cas de responsabilité des parties, une
réparation relevant du droit commun et l'autre relevant de l'AUCTMR.
Cela a pour conséquence de faire échapper une
des parties du champ d'application de l'AUCTMR et de confier celles-ci au
différent droit commun des Etats membres. Si au plan communautaire, on
pourra assister à une convergence de jurisprudence en raison des
règles uniformes, la possible diversité des droit communs dans
les Etats membres pourrait conduire une divergence des solutions
jurisprudentielles à l'égard de l'expéditeur. Le droit
commun sénégalais relève du code des obligations civiles
et commerciales à la différence du Bénin, du Burkina, de
la Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger et du Togo qui ont maintenu code
civil napoléonien de 1804 et de la Guinée Bissau qui dispose de
son propre code civil181. Les sensibles différences entre ces
textes182 qui sont pour le moment sans conséquence, font
naitre la nécessité de soumettre l'expéditeur, du moins sa
responsabilité à des règles uniformes.
Une autre conséquence de cette dualité de
régime est l'apparition d'un déséquilibre entre la
réparation due par le transporteur qui est, en principe,
limitée183 et celle due par l'expéditeur qui est
intégrale. Ce déséquilibre qui est négligeable en
cas de responsabilité totale de l'une ou l'autre partie, est assez
perceptible en cas de partage de responsabilité. La survenance d'un
dommage causé partiellement par des défauts d'emballages
adéquats et conduisant à une responsabilité du
transporteur pour l'autre partie du dommage, conduira à la fois à
une réparation intégrale du dommage pour l'expéditeur,
à la fois à une réparation limitée du transporteur.
L'AUCTMR aurait pu éviter une telle complexité de partage de
responsabilité ou d'indemnité et un tel
déséquilibre à l'égard de parties à un
même contrat en les soumettant à un même régime de
réparation. Après avoir démontré
l'incompatibilité entre une responsabilité basée sur le
contrat de transport et le régime de réparation de droit commun,
il convient d'analyser les conséquences de l'application du
régime de la réparation de droit commun à
l'expéditeur.
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