B- La perspective d'une réparation en nature en
cas de dommages causés par le transporteur
La perspective d'une réparation en nature due par le
transporteur fait naitre la difficulté d'une réparation en nature
face aux limites de responsabilité dont bénéficie le
transporteur (1). Cette difficulté peut être
contournée en laissant le choix entre les différents modes de
réparation d'où la perspective d'un choix entre la
réparation en nature et la réparation pécuniaire
(2).
1- La difficulté de réparation en nature
face aux limites de responsabilité
du transporteur
La réparation en nature des dommages en cas de
responsabilité du transporteur poserait le problème du respect
des limites de responsabilité. D'abord concernant la
détermination de la valeur des marchandises d'après le prix
courant sur le marché au lieu et au moment de la prise en
charge169, la réparation en nature conduira les parties
à contourner cette règle. Ainsi le transporteur pourra, pour
effacer le préjudice, remplacer les marchandises en les acquérant
non pas au prix pratiqué le jour de la prise en charge mais plutôt
au jour effectif de l'exécution de la réparation. Aussi si le
transporteur se trouve dans un lieu diffèrent de celui de
167 Cour d'appel Niger, arrêt n°24, 27
Avril 2006, Ali Oumarou dit Abani contre Omar Sidi, OHADATA J-10-289.
168 Com. 30 Mai 1967, D. 1967-566.
169 Article 19.1 de l'AUCTMR.
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la prise en charge170, celui-ci serait soit
obligé de retourner au lieu de la prise en charge pour
l'exécution de sa réapparition en nature en respect de la
détermination de la valeur dans l'espace, soit il se resignera à
exécuter cette réparation dans ce lieu diffèrent de la
prise en charge. C'est surement pour éviter tout assouplissement
à cette détermination de la valeur au lieu et au moment de la
prise en charge que le législateur OHADA n'a pas prévu de
réparation en nature.
Aussi l'exécution d'une réparation en nature est
confrontée au respect de la limite de l'indemnité171.
Si l'AUCTMR prévoyait une réparation en nature, elle offrirait la
possibilité au transporteur responsable de dépasser la limite de
cinq mille francs CFA. En effet dans le cas d'une marchandise valant plus de
cinq mille francs CFA par kilogramme, une remise en état par le
transporteur l'amènerait à excéder cette
limite172. C'est pour éviter une contradiction dans ses
dispositions que l'AUCTMR a ignoré la réparation en nature en cas
de responsabilité du transporteur.
La difficulté d'exécution d'une
réparation en nature ressurgit si l'on tient compte de l'objet de
l'obligation du transporteur. En effet le transporteur a pour obligation de
livrer la marchandise, d'effectuer un transport sans perte ni avarie de
marchandise et son obligation est une obligation de faire. Le transporteur n'a
pas d'obligation de donner, c'est-à-dire de transférer la
propriété173.
La conséquence de l'inexécution de son
obligation de faire, aussi obligation de résultat,
caractérisée par des avaries ou pertes174, ne peut
qu'être l'octroi de dommages-intérêts175. Face
à une telle difficulté, il convient d'accorder un choix entre la
réparation en nature et la réparation pécuniaire
d'où la perspective d'un choix entre la réparation en nature et
la réparation pécuniaire.
2- La perspective d'un choix entre la réparation
en nature et la réparation
pécuniaire
L'AUCTMR n'a pas prévu de réparation en nature
en cas de responsabilité du transporteur. Il n'a laissé de choix
ni aux parties d'opter pour une réparation en nature ni au juge de la
prononcer. Bien que cela permet un respect de limites de responsabilité,
l'AUCTMR réduit les parties et le juge à la seule
réparation pécuniaire c'est-à-dire les
dommages-intérêts.
Le législateur aurait pu concilier la réparation
en nature et les limites de responsabilité. Ainsi l'AUCTMR pourrait
prévoir non seulement une réparation en nature mais aussi que
cette réparation en nature ne saurait faire obstacle aux
170 Article 27.1 de l'AUCTMR : la juridiction
compétente est soit celle du pays où le défendeur a sa
résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou
l'agence l'intermédiaire de laquelle le contrat est conclue, soit celle
du pays de livraison ou de prise en charge.
171 Article 18 de l'AUCTMR : cinq mille francs CFA par
kilogramme.
172 En absence de déclaration de valeur ou de
déclaration d'intérêt personnel.
173 F. TERRÉ, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cit. p.
207.
174 H. MAZEAUD, L. MAZEAUD et J. MAZEAUD, op.cit. pp.
14-15 : le défaut du résultat constitue une inexécution
d'une obligation de résultat.
175 Article 1142 du code civil : « Toute obligation de
faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts
en cas d'inexécution de la part du débiteur ». Cet article
pose un principe qui semble faire l'assentiment de l'AUCTMR qui opte pour
l'octroi de dommages-intérêts et excluent la réparation en
nature.
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limites de responsabilité. Après avoir
déterminé la valeur des marchandises au jour et au lieu de la
prise en charge, la possibilité peut être laissée aux
parties de faire le choix du mode de réparation sans toutefois que la
valeur déterminée ne soit dépassée, ni que la
valeur des biens restitués ne dépasse la limite de cinq mille par
kilogramme. Cela donnerait au moins l'opportunité au transporteur
responsable de remettre les choses atteintes du dommage, en l'état
quoique cette remise en état soit partielle ou totale. L'AUCTMR devrait
intégrer ce choix dans ses dispositions afin que les parties, le
demandeur et le défendeur, puisse évaluer et choisir en fonction
de leurs intérêts, le mode de réparation qui leur
siérait d'autant plus que l'objet de l'atteinte est une
chose176.
L'AUCTMR devrait donner aussi plus de pouvoir au juge en lui
laissant la liberté « d'ordonner, selon les cas » « une
réparation en nature ou une réparation par équivalent
»177. L'insuffisance de l'encadrement de la réparation
du dommage aux marchandises au cours des opérations de transport routier
est due non seulement aux lacunes au niveau de la réparation par le
transporteur sus-examinées mais aussi à la non
réglementation par l'OHADA de la réparation due par
l'expéditeur.
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