B- Les conséquences des insuffisances de
l'évaluation
Les insuffisances de l'évaluation prévue par
l'AUCTMR ont non seulement des conséquences à l'égard des
parties (1) mais aussi des conséquences extra
contractuels (2).
1- Les conséquences des insuffisances à
l'égard des parties au contrat
Entre les parties au contrat, une telle évaluation ou
limitation de l'indemnité ne peut qu'être favorable au
transporteur et défavorable aux ayants droit155. Cette limite
de responsabilité est favorable au transporteur en ce sens qu'elle le
décharge d'une partie de sa responsabilité. Il paiera une
indemnité couvrant partiellement le dommage. Elle l'épargne d'une
indemnisation excessive et insupportable.
Mais à l'égard des ayants droit, les effets sont
plutôt défavorables. La limitation de responsabilité fait
supporter aux ayants droit les conséquences de la responsabilité
du transporteur. Bien que le transporteur soit tenu responsable156,
les ayants droit supporteront la part du dommage non pris en charge dans
l'indemnité notamment les gains manqués, le surplus pour une
valeur de marchandises supérieure à cinq mille (5000) francs CFA
ou la différence de prix en cas d'inflation à une date
postérieure à la prise en charge.
Ainsi les parties au contrat de transport routier de
marchandises se trouvent dans une situation inégalitaire d'un point de
vue de la réparation, les conséquences de la
responsabilité de chacun étant distinctes. L'expéditeur
est parti à un contrat qui, en cas de faute de sa part, l'obligerait
à une réparation intégrale alors que le cocontractant, le
transporteur, ne serait tenu à une réparation limitée.
L'AUCTMR devrait plus tenir compte des intérêts
des ayants droit et offrir la possibilité aux ayants droit de pallier
cette inégalité. Il devrait leur permettre au moins d'apporter la
preuve ultérieure de la valeur de la marchandise si celle-ci a une
valeur supérieure à cinq mille (5000) francs FCA malgré le
défaut de la déclaration de valeur ou d'intérêt
spécial ou à défaut faire une classification des
marchandises avec des seuils correspondants plutôt que fixer une limite
générique. En plus d'avoir des conséquences à
l'égard des parties, ces insuffisances ont aussi des conséquences
extracontractuelles.
2- Les conséquences extracontractuelles des
insuffisances
154 Article 18.1 de l'AUCTMR.
155 Sur la question de la qualité de partie du
destinataire, voir É. FOKOU, La qualité de destinataire dans
l'Acte Uniforme relatif au Contrat de Transport de Marchandises par Route,
Mémoire DEA, 2014, 183 p.
156 Au cas où il n'est exonéré ni
partiellement ni totalement.
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Ces limites ont une portée assez large en ce sens
qu'elles sont opposables aux tiers au contrat de transport agissant contre le
transporteur157. Aussi leur portée est large parce que les
limites de responsabilité s'appliquent en cas d'action dirigée
contre toute personne dont le transporteur doit répondre158.
Une telle extension du champ d'application des limites de responsabilité
ne peut que reproduire au-delà du contrat les conséquences des
insuffisances entre les parties.
Dans le cas de l'opposabilité de la limite de
responsabilité au tiers, cette opposabilité est la
conséquence d'une surprotection du transporteur par l'AUCTMR. Ainsi
cette opposabilité est défavorable au tiers qui ne peut lui aussi
réclamer d'éventuels gains manqués ni une indemnité
ayant une valeur supérieure à cinq mille (5000) francs CFA par
kilogramme159. Leur situation est d'autant plus complexe dans la
mesure où ceux-ci ne peuvent faire de déclaration de valeur ou de
déclaration d'intérêt spécial, étant
donné qu'ils ne sont pas parties au contrat. A ce niveau, l'AUCTMR
aurait dû prévoir des moyens pour ceux-ci d'obtenir la
réparation intégrale à défaut de faute inexcusable
ou dolosive du transporteur vu qu'ils ne participent pas à la formation
du contrat de transport160. Un moyen serait la preuve d'une valeur
supérieure à cinq mille (5000) francs CFA par kilogramme pour
faire échec au plafond de l'indemnité.
Dans le cas de l'extension des limites de
responsabilité aux personnes dont le transporteur doit répondre,
cette extension ôte la possibilité aux ayants droit et aux tiers
de réclamer une réparation intégrale au tiers qui a
effectivement effectué le transport. La protection du transporteur est
ainsi étendue aux tiers. Si cette extension fait obstacle à ce
que les ayants droit contournent les limites de responsabilités du
transporteur pour réclamer une réparation intégrale aux
personnes dont le transporteur répond, cette extension maintient les
ayants droits dans la même position défavorable que celle des
parties. Outre les insuffisances perceptibles dans l'évaluation
prévue par l'AUCTMR, une autre carence est la règlementation
insuffisante de la mise en oeuvre de la réparation due par le
transporteur.
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