Chapitre II
Les carences quant aux modalités de la
réparation des dommages aux
marchandises
L'analyse des règles en matière de la
réparation des dommages aux marchandises révèle des
carences. Certaines carences sont relatives à la réparation due
par le transporteur (Section I). Une autre carence est
relative au fait que la réparation due par l'expéditeur n'est pas
règlementée (Section II).
Section I : Les lacunes quant à la
réparation due par le transporteur
Quant à la réparation due par le transporteur,
l'évaluation de la réparation prévue par l'AUCTMR
révèle des insuffisances (Paragraphe I). La
règlementation aussi, se trouve être insuffisante au niveau de la
mise en oeuvre de la réparation (Paragraphe II).
Paragraphe I : Les insuffisances de l'évaluation de
la réparation
L'évaluation de la réparation comporte des
insuffisances car cette évaluation offre au transporteur des
expédients (A) et ces insuffisances ne sont pas sans
conséquence (B).
A- Les expédients au transporteur
L'AUCTMR offre des expédients, des échappatoires
au transporteur en limitant l'indemnité due par lui (1)
et en abandonnant le principe de la réparation intégrale au
profit d'une réparation limitée (2).
1- Une limite d'indemnité
discutable
L'article 18 de l'AUCTMR dispose que : «
L'indemnité pour avarie ou perte totale ou partielle de la marchandise
est calculée d'après la valeur de la marchandise et ne peut
excéder cinq mille (5000) francs CFA par kilogramme de poids brut de la
marchandise » au cas où il n'y a pas de déclaration de
valeur ou une déclaration d'intérêt spécial ».
Une telle limite d'indemnité rappelle celle de la Convention relative au
contrat de transport international de marchandises par route147.
Cette règle, protectrice du transporteur, pourrait
poser un véritable problème. Le législateur limite le
montant de l'indemnité à un maximum de cinq mille francs par
kilogramme sans tenir compte du type de marchandise. Encore si la
détermination de la valeur se fait selon le lieu et le jour de la prise
en charge148, cette détermination ne fait pas obstacle
à la limite de cinq mille (5000) francs CFA par kilogramme. Si la valeur
de la marchandise d'après le prix courant des
147 Article 23 § 3 de la Convention relative au contrat
de transport international de marchandises par route de 1956 : celle-ci est
fixée 8,33 DIS par kilogramme de poids brut soit environ 7.000 FCFA.
148 Article 19.1 de l'AUCTMR.
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marchandises de même nature et qualité
excède cinq mille (5000) francs CFA, la solution sera une
réduction à ce seuil.
Cette limite presqu'incontournable se trouve être une
échappatoire infaillible pour le transporteur sans faute inexcusable.
L'AUCTMR n'offre pas la possibilité aux ayant-droits de prouver que la
valeur de la marchandise est supérieure à cette limite et ainsi
bénéficier d'une indemnité plus importante en cas de
défaut de déclaration de valeur ou de déclaration
d'intérêt spécial. On peut se demander si cette limite est
maintenue au cas où la valeur de la marchandise est fixée par
voie règlementaire149 et que cette valeur est
supérieure à la limite. En appliquant fidèlement l'AUCTMR,
le juge ne tiendrait compte que de l'article 18.1 pour limiter
l'indemnité. En plus de la limite d'indemnité qui est une
véritable échappatoire au transporteur face à
l'étendue de sa responsabilité, un autre expédient offert
au transporteur est l'abandon du principe de la réparation
intégrale.
2- L'abandon du principe de la réparation
intégrale
« Le principe de réparation intégrale est
le principe en vertu duquel le responsable du préjudice doit indemniser
tout le dommage et uniquement le dommage, sans qu'il en résulte ni
appauvrissement, ni enrichissement de la victime »150. Le sens
de ce principe est la recherche de l'équivalence stricte entre la
réparation et le dommage. La réparation ne peut donc ni
excéder ni être inférieur au dommage réellement subi
en raison du fait dommageable.
On peut constater un abandon de ce principe en droit OHADA du
transport routier de marchandises. D'abord la limite de la valeur
susmentionnée conduit à une réparation limitée du
dommage en ce sens que le reliquat d'un dommage excédant
pécuniairement cinq milles francs CFA est supporté par la
victime. Ensuite la détermination du prix au lieu et au moment de la
prise en charge qui empêche de tenir compte des gains
manqués151, qui auraient pu être obtenus en cas de
transport régulier des marchandises.
L'exclusion du principe de la réparation
intégrale n'est pas absolue. Le retour à la réparation
intégrale est possible en cas de déclaration de valeur ou de
déclaration d'intérêt spécial152, de
faute inexcusable ou de faute dolosive153. Mais l'AUCTMR fait de
cette exclusion un principe dont le principe de la réparation
intégrale est l'exception.
Cette exclusion du principe de la réparation
intégrale est la conséquence de la protection du transporteur au
détriment des ayant-droits et de tout autre demandeur. Ceux-ci ne
peuvent, à défaut de déclaration de valeur ou de
149 Décret n°2017-469 portant
plafonnement des prix et marges de certains produits, Abidjan, 12 Juillet 2017
: le décret détermine des plafonds de prix de produits de
première nécessité. Ces prix n'excèdent pas cinq
mille (5000) francs FCA par kilogramme.
150 Y. MENDY, « Le principe de la réparation
intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime
», 2015, p. 1.
151 Article 1149 du code civil.
152 Article 18.1 de l'AUCTMR.
153 Article 21.1 de l'AUCTMR.
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déclaration d'intérêt
spécial154, de faute inexcusable ou de faute dolosive, faire
échec à cette exclusion afin que l'indemnité comble
l'intégralité du dommage. Les insuffisances de
l'évaluation que constituent les expédients au transporteur
examinés, ne sont pas sans conséquence.
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