Section II : Les carences d'ordre pratique
105 Titre V Chapitre II du décret
n°2014-683/PRES/PM/MIDT/MEF/MATS/MICA portant fixation des
catégories de transports routier transport routiers et des conditions
d'exercice de la Profession de transporteur routier au Burkina.
106 Article 4 du règlement
n°14/2005/CM/UEMOA.
107 Article 5 du décret n° 2008-533 fixant les
règles d'application de la loi n° 2003-04 du 27 mai 2003 portant
orientation et organisation des transports terrestres.
108 Titre II du décret
n°2014-683/PRES/PM/MIDT/MEF/MATS/MICA portant fixation des
catégories de transports routier transport routiers et des conditions
d'exercice de la Profession de transporteur routier au Burkina.
109 P. DUFLOT, F. HOFFMAN, Études d'accidents : conducteur
et véhicule, France, 1963, p. 13.
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Au niveau de la pratique, deux lacunes majeures sont
relevées, l'ineffectivité du droit du transport routier de
marchandises (Paragraphe I) et le problème de la
corruption dans les opérations de transport routier de marchandises
(Paragraphe II) font obstacle à une application totale
du droit du transport routier de marchandises.
Paragraphe I : L'ineffectivité du droit du transport
routier de marchandises
L'ineffectivité du droit du transport routier de
marchandises est due d'abord à sa suspension et à
l'indifférence des transporteurs (A) et ensuite
à la passivité des juridictions (B).
A- La suspension de l'application du droit du transport
routier de marchandises et l'indifférence des transporteurs
L'application de certaines normes en matière de transport
routier de marchandises a été suspendue faisant ainsi obstacle
à son effectivité sur l'ensemble du territoire des Etats membres
de l'UEMOA (1). Mais une cause majeure de
l'ineffectivité du droit du transport routier de marchandises est
l'indifférence des transporteurs (2).
1- La suspension du droit du transport routier de
marchandises
Le règlement N°14/2005/CM/UEMOA relatif à
l'harmonisation des normes et des procédures du contrôle du
gabarit, du poids et de la charge à l'essieu des véhicules lourds
de transport de marchandises, est effectivement en vigueur sur l'ensemble du
territoire des Etats membres de l'UEMOA depuis le 1er février 2017. Ce
règlement est donc censé être non seulement connu des
différents acteurs du transport110 mais aussi être
appliqué et respecté par ces acteurs.
Mais un obstacle majeur à l'application uniforme de ce
règlement va se présenter. Il s'agit d'une suspension de
l'application du règlement dans un Etat membre de l'UEMOA. En effet, le
ministre des infrastructures et des transports du Bénin a, par un
communiqué111, informé les différents acteurs
du transport de la suspension du règlement n°14/2005/CM/UEMOA et
maintient un taux de tolérance de 20% sur les poids
règlementaires en lieu et place du taux de tolérance de cinq pour
cent (5%) instauré par le règlement n°14/2005/CM/UEMOA. Une
telle suspension devrait faire l'objet de sanction prononcée par la cour
de justice de l'UEMOA112.
Si en ce qui concerne le transport national au Bénin,
cela ne semble poser un problème, les conséquences
indésirables de cette suspension apparaissent en ce qui concerne un
transport inter Etats. En effet, les forces de contrôle
béninoises
110 Communiqué de la Commission de l'UEMOA, Ouagadougou,
10 Février 2017.
111 Communiqué n°5107/MIT/DC/SGM/ANATT/SA,
Cotonou, 21 Juin 2017.
112 Article 5 du Protocole additionnel N°1 relatif aux
Organes de contrôle de l'UEMOA.
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effectueront le contrôle en application de la suspension
à la différence des forces de contrôles des autres Etats
membres. Les transporteurs sur le territoire béninois pourront effectuer
des transports en violation du règlement. Un tel transporteur ne subira
pas les sanctions prévues par le règlement113 à
l'issu de contrôle par les forces de contrôle béninoises
alors qu'il le serait sur le territoire d'un autre Etat de l'Union.
On assiste alors non seulement à une effectivité
partielle du règlement en ce sens qu'il est appliqué sur le
territoire de certains Etats membres à l'exclusion du Benin. La
suspension affecte surtout l'harmonisation des règles en matière
de limitation et de contrôle de contrôle du gabarit, du poids, et
de la charge. Elle fait échec à une telle harmonisation. Alors le
caractère préventif lié aux limitations n'est pas
assuré et des dommages dus aux surcharges ou au surdimensionnement ne
pourront être évités. En plus de la suspension du droit du
transport routier de marchandises, une autre cause de l'ineffectivité du
droit du transport routier de marchandises est l'indifférence des
transporteurs.
2- L'indifférence des transporteurs
Les principaux sujets114 des règles en
matière de transport, les transporteurs font preuve d'apathie face aux
dispositions de l'AUCTMR115. Les raisons d'une telle apathie serait
d'abord une ignorance du droit OHADA. Ainsi « L'ignorance de l'AUCTMR par
les praticiens des transports ne serait en réalité qu'un miroir
au travers duquel transparait l'ignorance du droit OHADA des affaires par les
strates socioprofessionnelles destinées à en faire usage
»116. Les sujets du droit du transport ignoreraient le droit du
transport ce qui a pour conséquence de les rendre involontairement
indifférents aux dispositions de l'AUCTMR et à ne pas les
appliquer. Une deuxième raison serait « un désaveu
législatif »117. Cette raison se traduit par la
réticence à saisir les juges en cas de litige. Ainsi certains
transporteurs, ayant connaissance des dispositions de l'AUCTMR ne saisiraient
pas les juges en cas de litiges appelant une application de l'AUCTMR. Une
troisième raison serait la difficulté de l'AUCTMR à
s'appliquer aux contrats internes118. En effet l'AUCTMR cadrerait
mieux avec les opérations de transports routiers transfrontalier
à la différence des opérations de transport interne.
Cette indifférence des transporteurs a pour
conséquence l'ineffectivité du droit OHADA en matière de
transport routier de marchandises par les sujets. Ainsi le régime des
obligations et le régime de responsabilité prévus par
l'AUCTMR pourraient se trouver inappliqués. La protection des
marchandises censée être assurée par les obligations mises
à la charge des parties se trouvera par conséquent remise en
cause.
113 Article 14 et 15 du règlement
n°14/2005/CM/UEMOA.
114 Il y a, en plus des transporteurs, les expéditeurs,
les forces de contrôles.
115 É. FOKOU, « L'effectivité de l'Acte
Uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route : entre
avant-gardisme et passéisme socio-professionnel »,
Réflexions critiques sur l'appropriation sociale de l'AUCTMR et son
application par les juges africains, Québec, 2015, pp. 13-14.
116 É. FOKOU, op.cit. p. 13.
117 É. FOKOU, op.cit. p. 14.
118 P. POUGOUE et Y. KALIEU ELONGO, Introduction critique
à l'OHADA, Yaoundé, édition PUA, 2008, p. 120.
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La solution préconisée à un tel
problème est la vulgarisation du droit OHADA en la matière par
différents moyens. Ces moyens peuvent être des colloques et des
forums. Il peut aussi s'agir de moyens médiatiques tels que les bandes
d'annonces et des émissions radiotélévisées. En
somme la règle devrait parvenir aux sujets et ces sujets devrait
être conduit au respect de celle-ci. A côté de la suspension
de l'application du droit du transport routier de marchandises et de
l'indifférence des transporteurs, une autre cause de
l'ineffectivité du droit du transport routier de marchandises est la
passivité des juridictions.
B- La passivité des juridictions
La passivité des juridictions en matière de
transport routier de marchandises est perceptible à travers la faible
application de l'AUCTMR par les juridictions (1). Cette
situation conduit impérativement à trouver des solutions à
celle-ci (2).
1- La faible application de l'AUCTMR par les
juridictions
La jurisprudence en matière de contrat de transport
routier de marchandises est réduite. On compte huit (8) décisions
de justices119 concernant le transport de marchandise en
général dont six (6) concernent spécialement le transport
routier de marchandises. Parmi celles-ci, seules deux décisions font
application de l'AUCTMR120 et sont rendues dans les Etats membres de
l'UEMOA. La première décision faisant application de l'AUCTMR est
un arrêt n°24 du 27 Avril 2006 de la Cour d'appel de Zinder. Il
ressort de l'arrêt que M. Ali Oumarou, l'expéditeur, a fait
transporter des cartons de produits pharmaceutiques par M. Omar Sidi, le
transporteur. Des pertes ont été constatées lors du
déchargement. La valeur déclarée par M. Ali Oumarou
était différente de la valeur réelle de la marchandise. La
Cour en retenant d'abord la responsabilité du transporteur
conformément aux articles 26-1 et 17 de l'AUCTMR et en condamnant
ensuite celui-ci au paiement de la valeur déclarée, confirme le
jugement rendu en première instance sur ces points121.
Quant à la seconde décision, il s'agit du
jugement n°195 du tribunal de grande instance de Bobo Dioulasso rendu le
14 Juin 2006. Il ressort des faits que la société MICRODIS,
société de droit togolais, concluait avec FOFANA MASSE un contrat
de transport de marchandises constituées de 7300 colis de lait en
poudre. Un accident est survenu et des dommages ont été
causés aux marchandises. Le tribunal a rejeté l'action du
demandeur subrogé, la société AGF Togo assurances agissant
en subrogation de la société MICRODIS, au motif que d'abord le
demandeur n'apporte pas la preuve de la réception de la
réclamation par la défenderesse et que cette réclamation
soit intervenue plus de six mois après
119 Voir site de l'OHADA :
http://www.ohada.com/jurisprudence/categorie/43/transport-de-marchandises.html.
120 Cour d'appel Niger, arrêt n°24, 27
Avril 2006, Ali Oumarou dit Abani contre Omar Sidi, OHADATA J-10-289 ; Tribunal
de grande instance Bobo Dioulasso, jugement n°195, 14 Juin
2006, Société AGF Togo Assurances contre Fofana Assiata Masse.
121 Cour d'appel Niger, arrêt n°24, 27
Avril 2006, Ali Oumarou dit Abani contre Omar Sidi, OHADATA J-10-289.
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la prise en charge de la marchandise122. Le
tribunal bien qu'ayant fait une bonne application de l'AUCTMR, « aurait
dû tout simplement constater l'absence ou le défaut de la
réclamation préalable dans les 6 mois suivants la prise en charge
et prononcer la forclusion »123.
La consistance de la jurisprudence est un indicateur dans
l'effectivité d'une norme. En effet, une abondance de jurisprudence est
révélatrice de l'application de la norme concernée.
L'effectivité du droit OHADA en général, y compris le
droit OHADA des transports routiers de marchandises, doit passer par une
jurisprudence réactive et efficace124. A voir la faible
consistance de la jurisprudence dans les Etats membres de l'UEMOA en
matière de droit des contrats de transport routier de marchandises,
l'effectivité de l'AUCTMR peut être mise en cause dans les Etats
de l'UEMOA. Après avoir montré que les juridictions font une
faible application de l'AUCTMR, il convient de rechercher et trouver des
solutions à cette faible jurisprudence en matière de transport
routier de marchandises.
2- Les solutions à la faible jurisprudence en
matière de transport routier La faible jurisprudence est une
conséquence de l'indifférence des transporteurs face au droit du
transport routier de marchandises mais aussi de celle de ses cocontractants. Le
juge ne pouvant se saisir lui-même125, la saisine des
juridictions par les parties au litige en matière de transport routier
de marchandises ne peut qu'accroitre la densité de la jurisprudence en
la matière. Une vulgarisation du droit en la
matière126 permettra au transporteur, à
l'expéditeur et même au destinataire127 d'avoir recours
aux juridictions étatiques ce qui les amènera à rendre un
plus grand nombre de décisions. Cela témoignera de
l'effectivité du droit en la matière.
On peut dès lors se demander s'il est plus
nécessaire d'encourager la voie juridictionnelle étatique en vue
renflouer la consistance de la jurisprudence par préférence
à la voie alternative ouverte par l'AUCTMR128. La saisine des
juridictions étatiques appelle celles-ci à l'application de
l'AUCTMR. Par contre le recours à l'arbitrage ne conduit pas
nécessairement à l'application de cet acte uniforme129
car les parties ont le choix de la loi applicable à leur litige. Pour
une application de l'AUCTMR aux contrats de transport routier de marchandises
et
122 Tribunal de grande instance Bobo Dioulasso, jugement
n°195, 14 Juin 2006, Société AGF Togo Assurances
contre Fofana Assiata Masse.
123 É. FOKOU, « L'effectivité de l'Acte
Uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route : entre
avant-gardisme et passéisme socio-professionnel »,
Réflexions critiques sur l'appropriation sociale de l'AUCTMR et son
application par les juges africains, Québec, 2015, p. 13.
124 Voir J. GATSI, « La jurisprudence, source du droit
», in juriscope, 2012, p. 1 et s.
125 Y. STRICKLER, L'office du juge et les principes, Formation
Ecole Nationale de la Magistrature, 2012, p. 7.
126 É. FOKOU, « L'effectivité de l'Acte
Uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route : entre
avant-gardisme et passéisme socio-professionnel »,
Réflexions critiques sur l'appropriation sociale de l'AUCTMR et son
application par les juges africains, Québec, 2015, p. 20.
127 Il faut ajouter à ceux-ci, les personnes agissant par
voie de subrogation.
128 Article 26 de l'AUCTMR.
129 Article 14 de l'Acte uniforme relatif au droit de
l'Arbitrage.
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une redynamisation de la jurisprudence en la matière,
un abandon des voies alternatives au profit des juridictions étatiques
est nécessaire. A côté du problème de
l'ineffectivité du droit du transport routier de marchandises, un autre
problème va faire obstacle à un encadrement efficace et suffisant
des opérations de transport routier de marchandises à savoir le
problème de la corruption.
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