Section 2 : Les limites liées aux
contrôles juridictionnels
La portée des différentes modalités de
contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux ressort des
limites d'ordre juridictionnel.
Ces limites concernent les insuffisances liées à
la procédure et moyens de contrôle des juridictions locales
(Paragraphe 1) ; mais concernent l'usage abusif des
décharges de responsabilité et des remises gracieuses de
débet (Paragraphe 2) faites aux agents publics,
gestionnaires de fonds publics.
Paragraphe 1 : Les insuffisances liées à la
procédure et aux moyens des juridictions locales
Le contrôle des juridictions locales connait des
insuffisances lorsque l'annulation de l'acte budgétaire attaqué
intervient de manière tardive. Le contrôle peut alors
s'avérer inefficace : les dépenses pouvant déjà
être réalisées. Tout comme lorsque le rapport de la
juridiction financière mettant en cause un receveur local n'est pas
délibérément suivi de sanctions de la part des
autorités compétentes.
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Nous analyserons d'abord les difficultés que
rencontrent les juridictions financières locales (A),
avant de voir spécifiquement celles des tribunaux
administratifs provinciaux (B).
A- Les difficultés des juridictions
financières locales
L'instauration récente des chambres provinciales des
comptes et le faible nombre des juridictions existantes123
constituent une difficulté non négligeable pour une meilleure
gouvernance financière locale. Mais elles rencontrent, par ailleurs,
d'autres difficultés.
D'abord, les périodes d'intervention restent
aléatoires et décalées des faits. Même si le
président de la juridiction décide annuellement du programme des
travaux, le calendrier de contrôle est en effet un mystère. Le
rythme d'intervention peut être variable suivant l'importance de la
collectivité. La pertinence de ces contrôles semble, de plus,
être remise en cause dans la mesure où un décalage temporel
important existe entre les faits et la révélation de
l'irrégularité ou de l'inefficacité. Que représente
en effet, aux yeux des citoyens ou d'autres acteurs de la vie communale, une
révélation d'actions et de décisions vieilles de trois (3)
voire de cinq (5) années ? D'ailleurs, il est assez fréquent que
les gestionnaires en cause ne soient plus responsables de la
collectivité au moment où sont rendues publiques les observations
définitives des magistrats financiers.
Ensuite, pour les méthodes de collecte des
éléments probants, la cour des comptes ou les chambres
provinciales des comptes effectuent généralement des
contrôles sur pièces et sur place afin d'obtenir les
éléments sur lesquels seront fondés les jugements, avis ou
observations. Le contrôle de la gestion d'une collectivité, ainsi
pratiqué, débute habituellement par un examen des pièces
à la disposition de la cour et du dossier de la collectivité
(contrôles antérieurs, coupures de presse et correspondances).
Après une évaluation de l'état général des
finances de la collectivité, le magistrat fixe le champ de ses
investigations en sachant que les dépenses de personnel, les
procédures de marchés publics et les investissements constituent
des domaines essentiels. Une fois les champs d'investigation choisis, le
magistrat pourra demander pour tout document les renseignements manquant, en
vue d'une analyse de régularité et d'efficacité. Cette
procédure rigoureuse des magistrats financiers semble trouver toutefois
ses limites dans les durées importantes d'exécution des
contrôles qui augmentent d'autant plus le décalage de
l'observation avec les faits.
De même, dans la pratique, les chambres provinciales des
comptes sont confrontées à certaines contraintes
préjudiciables à l'exercice de leur contrôle et relatives
à l'état de reddition des comptes des collectivités
locales contrôlées.
La reddition des comptes se fait dans un environnement peu
favorable. En effet, bon nombre de comptables locaux ne rendent pas compte de
leur gestion devant la
123 Les chambres provinciales n'existent pour le
moment que dans certaines provinces (Haut-Ogoué, Ogoué maritime,
Ngounié, Nyanga et l'Estuaire).
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juridiction des comptes dans les délais légaux.
Pour les collectivités locales dont la chambre reçoit tout de
même les comptes, généralement ceux-ci ne sont pas en
état d'être jugé car n'étant pas accompagnés
de toutes les pièces générales tel que le compte
administratif du Maire ou du Président du conseil départemental.
Ce qui est significatif d'une défaillance des comptables
supérieurs de la DGCPT sensés centraliser et veiller à
l'état d'examen des comptes de gestion des collectivités locales
au terme de chaque exercice budgétaire. Cette difficulté majeure
tenant à la mise en état d'examen des comptes des
collectivités locales est d'ailleurs déplorée dans les
nombreux rapports annuels de la Cour des comptes. Elle constitue une entrave
fondamentale à l'efficacité du contrôle juridictionnel.
C'est ce qui ressort du rapport public 2010 de la Cour des
comptes dans lequel elle souligne : « en effet, les conditions dans
lesquelles sont produits les comptes de gestion des comptables publics limitent
les performances de la Cour en matière de contrôle juridictionnel.
Les comptes ne sont pas déposés à la Cour à la
bonne date et lorsqu'ils sont produits, ils sont très rarement en
état d'examen ».
Toujours au plan procédural, les dispositions
règlementaires exigent, en l'occurrence dans le cadre du contrôle
juridictionnel des comptes des receveurs des collectivités locales, une
double transmission des comptes locaux. Une première transmission du
fascicule de gestion par le receveur au service de la Direction
Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor
(DGCPT) pour centralisation et vérification sur chiffre. Une seconde
transmission, cette fois du compte de gestion accompagné de
pièces essentielles, par le DGCPT à la Cour des comptes. Cette
règle de double transmission provoque des lourdeurs dans la
procédure du contrôle juridictionnel, et révèle un
problème de sincérité des écritures
comptables124 produites à la cour des comptes.
En outre, on peut relever l'encombrement de la Cour des
comptes, si l'on tient compte de l'importance quantitative des organismes
publics soumis à son contrôle. C'est la raison pour laquelle il
est nécessaire, en ce qui concerne les collectivités locales,
d'alléger sensiblement le travail de la haute juridiction
financière en étendant la création des chambres
provinciales des comptes à l'intérieur du pays.
Mais au-delà de son encombrement, l'action de la Cour
des comptes, et partant celle des chambres provinciales des comptes, pose
surtout le problème des suites données à ses rapports car
il y va de l'efficacité de son contrôle. En effet, la relative
publicité donnée aux contenues de son rapport annuel
(communiqué de presse, diffusion sur son site Internet et celui du
gouvernement, et dans le journal officiel de la République...) a pour
but d'inciter les pouvoirs publics, sous la pression de l'opinion publique,
à prendre les mesures de réformes convenables. Ce
procédé de contrôle repose sur l'idée selon laquelle
l'exposition publique de mauvaises gestions financières ou de
défectuosités dans le fonctionnement des services peut
contraindre les autorités responsables à agir. Malheureusement
des exemples de personnes sanctionnées dans ce sens, sont très
rares. Les observations formulées par la
124 « Les comptes des receveurs des
collectivités locales, lors des opérations de centralisation
à la Trésorerie Générale ou Trésorerie
Centrale, sont en fait préalablement corrigés par la DGCPT
», Source : entretien avec un agent du trésor.
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
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Cour des comptes ne sont pas toujours suivies d'effets. Ce qui
fait que les mêmes problèmes reviennent, souvent, dans ses
rapports (état de reddition des comptes, retard dans leur
dépôt, insuffisances de son personnel, irrégularités
récurrentes dans la gestion financière des marchés
publics, du personnel des collectivités locales entre autres).
Que dire à présent des difficultés que
rencontrent les juridictions administratives
locales ?
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