II.5. TRAJECTOIRE ET PRINCIPAUX CHOCS SUR
L'ECONOMIE
«L'économie est mouvement»27, tel
qu'on peut le lire régulièrement à travers
l'évolution de la plupart des indicateurs macroéconomiques
utilisés pour le suivi et l'interprétation de la conjoncture. Le
mouvement se conçoit en économie comme une succession d'appels
à l'équilibre en réponse à des perturbations
exogènes ou introduites - délibérément ou pas - par
les agissements des pouvoirs publics. L'économie s'y ajuste
inévitablement à travers les variations du produit global et les
changements du niveau général
27Expression reprise de DUPRIEZ, P., OST C., HAMAIDE
C., VAN DROOGENBROECK, L'économie en mouvement. Outils d'analyse de
la conjoncture, De Boeck &Larcier.
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des prix. Ces ajustements vont dépendre de la plus ou
moins grande rapidité des réactions des agents
économiques.
Pour être à même d'interpréter ici
l'orientation et les effets de la politique économique en RDC, il est
important de pouvoir identifier ce qui, dans les fluctuations observées,
résulte de chocs d'offre ou de chocs de demande. Olivier Blanchard et
Danny Quah28 ont proposé une méthode empirique
d'identification de tels chocs en estimant simultanément des
équations autorégressives liant entre elles des variables
endogènes. Les résidus de leurs estimations sont identifiables
à des chocs exogènes. Dans ce qui suit, il est fait usage
simplement de leur position théorique selon laquelle, à court
terme, un choc de demande fait varier la production et les prix dans la
même direction, tandis qu'un choc d'offre les fait varier dans des
directions opposées. Dans le tableauN°7 ci-après, les
différentes sous-périodes marquant l'évolution de
l'économie congolaise ont été déterminées en
fonction des principaux chocs qui l'ont affectée, en 1965-2005. Les
données de base sont celles qui ont servi à l'élaboration
des graphiquesN°09 et N°10 plus loin.
L'étude précitée suggère que la
décroissance de l'économie congolaise en 1960-2000 est
attribuable pour 40 % au déclin du stock de capital par tête
d'habitant, et pour 60 % à la baisse de la productivité globale
des facteurs (PGF), qui est un indicateur synthétique mesurant
l'efficacité avec laquelle sont combinés les facteurs travail et
capital. Le PGF dépend, entre autres, de l'amélioration du
savoir-faire, du niveau d'éducation, du fonctionnement des
marchés et de l'organisation juridique et réglementaire des
activités de production.
28BLANCHARD, O.
et QUAH, D., «The Aggregate Effect of Demand and Supply
Disturbances», American Economic Review, no. 79, 1989,
pp.655-673.
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Tableau N°7 Identification des principaux chocs
et leurs effets sur l'économie congolaise en
1965-2005.
Source : République Démocratique du Congo ;
commission économique et financier, séminaire d'évaluation
de l'action gouvernementale, 2005.
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Graphique N°20 et N°21 : Evolution du taux
de croissance du FIB réel et du taux d'inflation
en 1966-2005
Source des données : IMF, International Financial
Statistics, 1980 ; BANQUE CENTRALE DU CONGO, Rapports Annuels.
International Financial Statistics, 1980 ; BANQUE CENTRALE
DU CONGO, Rapports Annuels.Source des données : IMF,
International Financial Statistics, 1980 ; BANQUE CENTRALE DU CONGO,rapport
annuel : 2004
Pour un volet historique, nous tenons à montrer
L'économie congolaise face aux chocs de demande et aux chocs d'offre.
Les premiers sont liés aux politiques courantes dans les domaines
budgétaire, monétaire et des changes ainsi qu'aux mesures
nécessitées par la stabilisation macroéconomique. Quatre
grands moments ont été ainsi identifiés :
- La sous-période 1965-1967, allant de l'avènement
du régime Mobutu à la réforme monétaire de juin
1967 ;
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- La sous-période 1968-1974, consécutive
à la réforme monétaire précitée, qui s'est
caractérisée par la poursuite des politiques budgétaire et
monétaire expansionnistes ;
- La sous-période 1980-1988 comprenant les programmes
d'ajustement structurel de la première génération ;
- La sous-période 2002-2005 correspondant à
l'exécution des programmes d'ajustement structurel de la seconde
génération. Quant aux principaux chocs d'offre identifiés,
ils sont négatifs dans leur ensemble. Un premier groupe comprend les
mesures de zaïrianisation (1973) et de radicalisation (1974) et le premier
choc pétrolier (1973). Leurs effets ne se sont pleinement
exprimés qu'en 1975-1979. Un second groupe de chocs négatifs est
relatif aux effets consécutifs à la suspension du programme
d'ajustement en 1988, aux deux vagues de pillages (1991 et 1993), à une
longue et chaotique transition politique (1990-1997) et aux deux guerres
civiles (1996 et 1998). Ces chocs d'offre ont influé
négativement, selon les cas, sur l'outil de production, sur la confiance
dans le gouvernement et sur le climat général des affaires tout
au long de la sous-période 1989-2011.
De l'examen du tableau N°6, il se dégage
clairement que les périodes de stabilisation macroéconomique ont
été précédées, chaque fois, par plusieurs
années de récession et d'aggravation de l'inflation. Une telle
configuration est théoriquement envisageable dans l'hypothèse
d'une présence simultanée des chocs d'offre négatifs et
des chocs de demande positifs ; ce qui interpelle la capacité
réelle de pilotage macroéconomique du gouvernement. Il
transparaît également du tableau N°6 que la reprise de
l'activité économique et la décélération de
l'inflation sont synchroniques en périodes d'exécutiondes
programmes d'ajustement. En outre, en dehors d'un programme de
stabilisation macroéconomique, le taux d'inflation tend
généralement à s'élever. Autrement dit, l'inflation
serait immanente à l'économie congolaise.
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