II.6. LES LECONS DE LA POLITIQUES MONETAIRE
CONGOLAISE
Comparant les différents programmes de stabilisation
initiés au Congo, Mukoko Samba29 note que l'économie
politique de l'ajustement est demeurée inchangée : les efforts
sont constamment tournés vers le rééquilibrage
macroéconomique à l'aide des instruments monétaires et de
change. Il relève en outre qu'en cette matière «le Congo
détient un impressionnant record d'échecs. Combien de temps
durera la stabilité relative retrouvée depuis juin-juillet 2002
?». Remarque très pertinente et question inévitable
concernant précisément l'avenir du PEG, ce programme d'ajustement
qu'exécute le gouvernement depuis le 1eravril 2002.
Conçu pour se terminer normalement le 31 er juillet 2005, le PEG a vu
l'année dernière sa date de clôture être
prorogée jusqu'au 31 mars 2013, le Conseil d'administration du FMI ayant
espéré que le gouvernement congolais pourrait en améliorer
la performance jugée trop mitigée.30 Aujourd'hui, tout
laisse entrevoir l'échec du PEG et sa suspension formelle par le FMI. Un
crédit stand-by' de 27 millions de dollars américains
était disponible auprès du FMI. Il ne fut jamais utilisé
à la suite de la remontée des cours du cuivre, principale source
de financement de l'économie congolaise à l'époque.
Dans cette perspective, il convient de rappeler deux
caractéristiques importantes de l'économie congolaise
déjà évoquées:
1) La permanence de l'inflation et
2) L'existence simultanée de la récession et
d'une inflation qui s'aggrave durant les années précédent
la mise en route des programmes d'ajustement. Cette dernière
configuration a prévalu en 1975-1979 et en 1989-2001, comme
indiqué dans le tableau N°7 plus haut. Il est évident, au
regard de la combinaison des paramètres précités, que
l'économie congolaise était soumise en permanence à des
chocs positifs de demande qui sont à l'origine des tensions sur les
marchés des produits et des changes ; et périodiquement, à
des chocs négatifs d'offre qui ont entamé l'outil de production
et dégradé le climat de l'investissement. L'instabilité
macroéconomique elle-même et l'incertitude de la politique du
gouvernement y ont particulièrement contribué.
29MUKOKO, S., «Politique économique en
RDC : leçons des trois dernières décennies», in Notes
de Conjoncture, nouvelle série, vol. 1, n°1, octobre 2003.
30Lire à ce sujet TSHIUNZA, M. et
LUWANSANGU, P., «Le FMI entre le `flexibilisme' des critères
quantitatifs et la primauté des critères structurels », in
Notes de Conjoncture, nouvelle série, vol. 1, n°2, août 2005,
pp.15-23.
88
S'agissant des mesures de redressement, il est bien
établi que les finances publiques, la monnaie et le taux de change
constituent le ventre mou' de l'économie congolaise.
Dès lors, il n'est pas étonnant que des mesures de
réduction de la demande (par des politiques budgétaire et
monétaire restrictives) et de réorientation de la demande globale
(par des modifications du taux de change) aient constitué le socle
invariable des programmes de stabilisation et des programmes d'ajustement
structurel.
II.7.2. ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA POLITIQUE
MONÉTAIRE DE 2013-2018
La politique monétaire, en 2013 a été
conduite dans un contexte marqué par la divergence de l'environnement
économique aux niveaux international et national. Sur le plan
international, il a été observé une
décélération de la croissance économique suite
à la poursuite des politiques d'austérité dans la plupart
d'économies des pays avancés alors que sur le plan national,
l'environnement a été marqué par une variation
déduisant la maîtrise de l'inflation d'une part et une forte
hausse inflationniste en mai 2017 ainsi qu'une variation
accélérée et décélérée de la
croissance économique durant la même période (2013-2018).
Dans ce contexte, la politique monétaire a été assouplie.
En 2013, l'objectif final de la politique monétaire a été
atteint. En effet, le taux d'inflation s'est établit à 1,07%
contre une cible de 4,0%.
Pour ce qui est des objectifs intermédiaire et
opératoire, ils ont globalement subi des dépassements par rapport
à leurs niveaux programmes. En effets, la base monétaire au sens
strict s'est accrue de 17,0% contre un accroissement programmé de 15,3%.
Quant à la masse monétaire hors provisions et dépôts
en devises, elle a progressé de 21,3% contre une hausse
programmée de 18,3%.
Au cours de l'année 2014, l'action de l'Autorité
monétaire s'est de nouveau inscrite dans le sens de l'assouplissement de
sa politique monétaire. En effet, le coefficient de la réserve
obligatoire sur les dépôts a terme en monnaie nationale a
été revu à la baisse et une injection de la
liquidité a été opéré via l'encours du Bon
BCC. Par ailleurs, le taux directeur a été maintenu à un
niveau très bas. Toutes l'objectif final de la politique
monétaire s'est situé en deçà de sa cible.
En effet, le taux d'inflation s'est établi à
1,03% contre un objectif de 3,7%. En outre, la base monétaire au sens
strict et la masse monétaire hors provisions et dépôt en
devises ont enregistré des croissances respectives de 11,3% et 9,8%
contre de niveaux programmés de 13,9% et 20,1%. Cette situation
s'explique principalement par un faible accroissement des facteurs autonomes de
la liquidité, en particulier les avoirs intérieurs nets.
89
Au cours de l'année 2015, les objectifs de la politique
monétaire on été atteints avec les mêmes instruments
les taux directeur, le coefficient de réserve et les bons BCC. Elle est
restée prudentielle avec une tendance d'assouplissement de ces
instruments traditionnels.(31)
S'agissant de l'orientation de la politique monétaire
en 2016, l'Institut d'Émission a poursuivi une politique
monétaire proactive en vue d'atténuer la volatilité sur le
marché des biens et services. Dans cette perspective, la politique
monétaire a été orientée dans le sens du
durcissement. En effet, entre janvier et décembre 2016, plusieurs
décisions ont été prises par la Banque Centrale du Congo
notamment le relèvement du taux directeur qui est passé de 2%
à 7% et l'ajustement à la hausse des coefficients de la
réserve obligatoire en devises qui sont passés de 10% à
13% pour les dépôts en devises à vue et de 9% à 12%
pour ceux à terme après une première hausse intervenue au
mois de février dernier.
Pour ce qui est de la régulation de la
liquidité, elle a été réalisée via les
adjudications des Bons de la Banques Centrale. Néanmoins, le niveau
d'encours des Bons BCC est resté faible à 8,5 milliards de CDF
par rapport au niveau réalisé à fin décembre 2015
de 47,0 milliards de CDF.
Compte tenu de la persistance des tensions sur les
différents marchés, le comité de Politique
Monétaire a décidé ce qui suit :
1. Le relèvement du taux directeur de 7% à 14%
;
2. L'intervention sur le marché des changes par la vente
des devises ;
3. La poursuite de la régulation de la liquidité
via le Bon BCC ;
4. Le maintien des coefficients de la réserve
obligatoires à leurs niveaux actuels, à savoir 13% et 12% pour
les dépôts en devises à vue et à terme ainsi que 2%
et 0% pour les dépôts en monnaie nationale à vue et
à terme
Les chiffres des années 2016 et 2017 témoignent
de l'importance même des défis à relever par
l'autorité monétaire au cours de cette année. En effet, la
RDC a enregistré, en fin 2016 et en 2017, son plus bas niveau des
réserves internationales de change après la crise
financière de
31 POLITIQUES MONETAIRES EN RDC
Depuis 2015, la Banque Centrale du Congo a mené sa
politique monétaire dans un environnement économique difficile
caractérisé par un ralentissement de la croissance aussi bien sur
le plan national qu'international. A cet effet, l'Autorité
Monétaire a maintenu la mise en oeuvre d'une politique monétaire
accommodante. En effet, le coefficient de la réserve obligatoire sur les
dépôts à vue en monnaie nationale a été revu
à la baisse ; en plus, l'instrument Bon BCC est resté dynamique
et son action a été orientée vers l'injection de la
liquidité. Le taux directeur, pour sa part, a été maintenu
inchangé. Par ailleurs, il convient de révéler que
l'objectif final de la politique monétaire a été
réalisé.
90
2008. Cela représente environ 860 millions de dollars
américains ou l'équivalent de 3,7 semaines d'importations des
biens et services. En septembre 2017, le niveau était de 661 millions de
dollars, soit l'équivalent de près de trois semaines
d'importations de biens et services. Grâce à l'intervention de
l'Etat, il y a eu une amélioration.
Par ailleurs, il faut signaler une forte inflation
enregistrée au cours des années fin 2016, 2017 et 2018. La RDC a
terminé l'année 2017 avec un taux de 55% contre un objectif
dépassé de 7%. Au regard de l'environnement économique
très difficile, cette inflation aurait pu s'avérer beaucoup plus
catastrophique, érodant ainsi le pouvoir d'achat de la population. Au
cours des années 2017 et début 2018, la monnaie nationale a
enregistré une dépréciation de 31% (taux interbancaire) et
28% (taux parallèle moyen). Cette pression inflationniste est le
résultat d'abord de la dépréciation du franc congolais
face aux devises pour l'importation des biens et services. Pour autant, l'offre
des devises continue à baisser.(32)
Cette progression serait consécutive à
l'amélioration attendue des avoirs extérieurs nets et à
l'augmentation des créances sur le secteur privé. Les avoirs
extérieurs passeraient sur la période prévisionnelle de
2015 à 2018, de 1.742,6 milliards en 2015 à 3.109,7 milliards de
CDF en 2018(33).
Cette hausse de 78,5% s'expliquerait par une augmentation
attendue des avoirs de l'institut d'émission et des banques
commerciales. S'agissant des créances sur le secteur privé, elles
pourraient se situer à 2.634,3 milliards de CDF en 2018, soit une
croissance de 20,4% par rapport à 2015, soulignant une
amélioration du concours bancaire à l'économie.
Pour ce qui est de l'évolution des principales
composantes de la masse monétaire sur la même période, une
hausse serait anticipée de 18,8% en moyenne du stock monétaire
tirée par une forte augmentation de la circulation fiduciaire et de 7,7%
en moyenne de la quasi-monnaie impulsée par l'accroissement
modéré des dépôts en devises. Par ailleurs, le
multiplicateur monétaire devrait au cours de la période
précitée reste relativement stable et le taux de dollarisation
connaitrait une évolution baissière.
32 La politique monétaire : pas de
changement de dispositif monétaire de la BCC - BCC 2016-2017.
L'autorité monétaire table sur un taux directeur à 20% des
coefficients de la réserve obligatoire sur les dépôts en
devises à vue et à terme respectivement à 13% et 12%, sans
oublier ceux pour les dépôts en monnaie nationale à vue et
à terme à 2% et 0%.
33 TSHIUNZA MBIYE : l'évolution de la masse
monétaire à la fin de l'année 2018, serait de 6.072,4
milliards de CDF (article/Kinshasa 21-12-2018). La masse monétaire en
circulation serait a la fin de l'année 2018 de 6.072,4 milliards de CDF
contre un niveau programmé de 4.483,9 milliards de CDF en 2015, indique
le ministère du plan dans sa publication intitulée « Guide
de cadrage macroéconomique ».
91
En effet, il pourrait s'établir autour de 3,6 en
moyenne annuel et le taux de dollarisation passerait de 81% en 2015 à
76% à la fin de 2018(34).
L'analyse de l'évolution du taux de change de janvier
2015 à août 2018 dégage trois tendances :
- Une période de stabilité du taux de change
s'étendant de janvier 2015 à février 2016 où sa
dépréciation a été de 0,93%.
- La période qui s'ensuit du caractérisée
par une surchauffe sans précédent sur le marché de change
depuis mars 2016. En l'espace de dix-sept mois, soit de mars 2016 à
juillet 2017, le CDF a connu un taux de dépréciation de 76,4%. Le
dollar américain qui s'échangeait contre 934 CDF en début
mars 2016, s'est échangé contre 1 648 CDF à fin
décembre 2018.
- Face à ce dérapage, le gouvernement et la BCC
ont pris, depuis le début du mois d'août 2017 des mesures urgentes
de stabilisation et raffermissement du CDF. Ces mesures ont abouti à une
légère appréciation du CDF par rapport à l'USD de
5,5% de fin juillet à fin août 2017. Elles ont aussi permis de
contenir de taux de change autour d'une valeur moyenne de 1 542 CDF pour 1 USD
pendant tout le mois d'août.
a) Période de
stabilité
Durant cette période, le taux de change interbancaire
s'est situé autour de 927 CDF pour une unité de dollar
américain en moyenne.
Le niveau des réserves de change était aussi
acceptable. Il était de 1 753 millions USD équivalent à
7,23 semaines d'importations des biens et services au début de
l'année 2015.
Quant au taux d'inflation, il était de 0,815% en 2015
pendant que le taux de croissance du PIB était de 6,9%. Ce fut
déjà le début des signes annonciateurs de la fin de la
période faste attendu que la croissance économique
réalisée un an plus tôt était de 9,5% (2014).
34 TSHIUNZA MBIYE : l'évolution de la masse
monétaire à la fin de l'année 2018, serait de 6.072,4
milliards de CDF (article/Kinshasa 21-12-2018). La masse monétaire en
circulation serait a la fin de l'année 2018 de 6.072,4 milliards de CDF
contre un niveau programmé de 4.483,9 milliards de CDF en 2015, indique
le ministère du plan dans sa publication intitulée « Guide
de cadrage macroéconomique ».
92
b) Période de surchauffe
Le cycle glorieux de stabilité du taux de change a
été rompu vers la fin du troisième trimestre de
l'année 2015.
La monnaie nationale s'est dépréciée
graduellement jusqu'à perdre 78% de sa valeur à partir 31 juillet
2017 jusqu'en décembre 2018 (1 648 CDF/USD) comparativement à sa
valeur au 30 janvier 2015 (925 CDF/USD). Cette perte de valeur du CDF s'est
accompagnée d'un faible niveau de l'activité économique,
d'une inflation à la hausse et du désinvestissement dans des
secteurs d'activités (industries brassicoles, cimenteries).
Les réserves de change ont connu une baisse drastique.
Elles se sont évaluées à 722,50 millions USD
équivalent à 3,17 semaines d'importation des biens et services
à la fin du mois de juillet 2017.
Les taux de croissance économique et d'inflation se
sont situés respectivement à 2,4% et 23,6% en 2016.
Des causes majeurs qui ont été à la base
de la rupture de la stabilité du taux de change et d'autres indicateurs
macroéconomiques (PIB, inflation, investissement), il y a notamment :
- La baisse des recettes d'exportation due à la chute
des cours des matières premières à l'international ;
- La structure non diversifiée de l'économie
nationale ;
- La dépendance de l'économie envers les
importations des produits de première nécessité ;
- L'implémentation des politiques publiques inefficaces
;
- La prise des décisions inadaptées ;
- Le climat des affaires non propice pour les investissements
;
- La non-prise en compte des préoccupations et des
recommandations des opérateurs du secteur privé ;
- La situation politique peu rassurante.
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