2.4. Les remèdes
Comment devrait réagir une Banque Centrale face au
risque de trappe à liquidité ? Le premier
remède15 consiste alors à changer les anticipations de
déflation en tentant d'adopter une politique de reflation (de
redémarrage de l'inflation) crédible. Si la Banque Centrale
arrive à convaincre que sa politique monétaire va augmenter les
prix (et cela de façon franche et durable, malgré souvent un
mandat contraire), cela réduit le taux réel et relance
l'économie. Le problème de
15Keynes préconisait la taxation des
dépôts bancaire, ce qui, associée à une restriction
de la convertibilité des dépôts en pièces et
billets, permettrait de passer le taux nominal dans les négatifs. En
effet, les titres comme la monnaie auraient un rendement nominal
négatif. C'est toutefois politiquement peu faisable...
Les politiques de ciblage d'inflation prennent un autre
objectif intermédiaire plus opérationnel : la prévision
d'inflation à moyen terme. Une stratégie de ciblage de
l'inflation
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crédibilité s'inverse : comment convaincre les
agents que la banque centrale souhaite durablement une inflation significative.
A priori, plus une banque centrale est réputée dure sur
l'inflation, plus elle aura du mal à sortir d'une déflation.
Cercle vertueux : anticipation d'inflation => taux
réel faible => PM expansive => demande forte et inflation.
Une solution complémentaire est d'adopter un taux de
change sous-évalué pour importer de l'inflation et ainsi
dynamiser l'économie.
2.5. Le ciblage de l'inflation
2.5.1. Motivation et présentation
Depuis une quinzaine d'années, de nombreuses banques
centrales ont adopté une stratégie de ciblage de l'inflation. La
différence entre un objectif de stabilité des prix et une
stratégie de ciblage de l'inflation est importante. Lorsqu'une banque
centrale adopte un objectif de stabilité des prix, elle s'engage
à produire un certain résultat à MT. Sa performance ne
peut qu'être évaluée ex post. Étant donnés
les délais d'action de la politique monétaire, cela signifie
qu'il faut en pratique entre un à deux ans pour juger des
résultats de l'action conduite. En effet, la Banque Centrale ne peut
être tenue responsable d'un accroissement soudain de l'inflation qui peut
être causé par des chocs économiques. En revanche, elle ne
doit pas laisser une inflation élevée s'installer.
Les banques centrales manquent par conséquent d'un
objectif immédiat à atteindre, un objectif qu'elles peuvent
essayer d'atteindre chaque année et sur lequel sa performance peut
être jugée.
L'objectif d'inflation est l'objectif final mais n'est qu'un
objectif à moyen terme sur lequel elle ne peut pas être
jugée mois après mois.
Quel objectif intermédiaire adopter ? La Banque
Centrale doit adopter comme objectif intermédiaire la croissance de la
masse monétaire sur lequel elle était jugée. Mais cette
référence comporte de nombreux défauts comme un manque
évident de contrôle à court-terme de la masse
monétaire. L'adoption d'une règle de Taylor ferait un objectif
intermédiaire plus intéressant mais les Banques Centrales se
refusent à se lier les mains de cette façon.
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consiste non seulement à annoncer un objectif, mais
aussi à publier en temps réel les prévisions d'inflation,
et à adopter des mesures correctrices à chaque fois que
l'inflation anticipée diffère de l'objectif. Elle peut être
évaluée ex ante.
Une telle stratégie se caractérise par un
objectif d'inflation explicite et publiquement annoncé et par la
publication de prévisions d'inflation à moyen terme. Dans ces
conditions, la banque centrale se doit d'agir dès que les
prévisions ne sont pas en ligne avec l'objectif.
Le grand changement de paradigme a été
amorcé en 1989 lorsque la Nouvelle-Zélande a changé le
statut de sa banque centrale, la rendant formellement indépendante et
lui confiant comme mission de cibler le taux d'inflation. Cette
définition de la tâche d'une banque a rapidement fait des
émules.
Aujourd'hui, un grand nombre de banques centrales ont aussi
adopté la stratégie de ciblage de l'inflation: c'est le cas au
Royaume-Uni, en Suède, en Pologne, en Israël, au Mexique, au Chili,
etc., et même, sous une forme altérée par des conditions
spéciales, au Japon depuis peu. Parmi les grandes banques centrales, la
Réserve fédérale et la BCE n'ont pas adopté la
stratégie de ciblage de l'inflation. La BCE poursuit un objectif
d'inflation, puisque telle est la mission que lui a assignée le
traité de Maastricht. Elle publie ses prévisions d'inflation mais
souligne avec insistance que ces prévisions sont purement indicatives et
ne constituent en aucun cas un engagement en ce qui concerne la conduite de la
politique monétaire. Les projections jouent un rôle utile, mais
limité, dans la stratégie.
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