Paragraphe II : Les droits des travailleurs
L'économie informelle est un domaine où les
droits concernant les conditions générales de travail sont les
plus bafoués. En effet, José Luis Daza, spécialiste du BIT
soutient que « s'il existe un cadre juridique fixant les obligations de
l'employeur et si ce dernier ne s'y conforme pas, alors informalité
devient synonyme d'irrégularité ou d'illégalité, ce
qui pose la question de la responsabilité »59.
L'inspection du travail au Burkina Faso est donc chargée de veiller au
respect des dispositions légales relatives aux conditions du travail.
Elle dispose ainsi de deux principaux moyens pour faire respecter les droits au
travail. Il s'agit de ses missions de contrôle et de conseil.
A- En matière de contrôle
La mission de contrôle est la mission essentielle qui
permet à l'inspecteur du travail de rentrer en contact avec
l'économie informelle : « c'est quand vous sortez en contrôle
que vous allez voir des situations. Vous allez trouver des unités
économiques dont vous supposez que des travailleurs y sont
occupés. C'est une fois
à l'intérieur que vous allez savoir qu'elles
fonctionnent de manière informelle. »60 Les
contrôles en matière de conditions générales de
travail portent généralement sur les éléments
suivants : le salaire, la durée du travail et le repos du
travailleur.
1- Le Salaire
Le salaire, du fait de son caractère alimentaire,
bénéficie d'une protection particulière au Burkina Faso.
L'article 202 du code du travail le définit comme « la prestation
versée au travailleur par l'employeur en contrepartie de son travail
(...). Le salaire comprend le salaire de base, quelle que soit sa
dénomination et les accessoires du salaire, notamment, l'allocation de
congé payé, les primes, les indemnités et les
58 Rapport général de l'inspection du travail
2017
59 Daza ; Economie informelle, travail non déclaré
et administration du travail, BIT ; Département du dialogue social, la
législation et l'administration du travail, Document 9, Genève,
Juin 2005 ;
60 Monsieur Sandouidi, Inspecteur du travail.
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prestations de toute nature. » Deux
formes de salaire est à distinguer à savoir : -le salaire au
temps qui est déterminée suivant le temps où le
travailleur est à la disposition de l'employeur. L'unité de temps
servant de base à la fixation de ce salaire est l'heure, la
journée, la semaine ou le mois. On parle alors de salaire horaire,
journalier, hebdomadaire ou mensuel ;
-le salaire au rendement qui est un mode de
rémunération dans lequel le salaire varie en fonction de la
quantité de production réalisé par un individu ou une
équipe en un temps donné selon une formule donnée et
répondant aux normes de qualité. Le code du travail
complète en son article 188 que « la rémunération
d'un travail à la tâche ou à la pièce doit
être calculée de telle sorte qu'elle procure au travailleur un
salaire au moins égal à celui du travailleur
rémunéré au temps effectuant un travail analogue.
»
En plus, il faut préciser que le code du travail
burkinabè prône le principe d'égalité du salaire en
ces termes : « à condition égale de travail, de
qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour
tous les travailleurs quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge
et leur statut. » Le montant du salaire est-il fixé dans le contrat
de travail à travers une libre négociation entre les parties.
C'est ainsi que, pour prémunir les travailleurs contre les abus des
employeurs, la loi a prévu un salaire minimum. Le DECRET N°
2006-655/PRES/PM/MTSS/MFB du 29 décembre 2006 fixant les salaires minima
interprofessionnels garantis, porte le salaire horaire minimum à 176,83
francs et le salaire mensuel à 30 684 francs CFA.
Par ailleurs, la loi recommande la constitution de
pièces justificatives en cas de paiement de salaire. Ce sont le bulletin
de paie qui est détenu par l'employé et le registre de paiements
qui est conservé par l'employeur.
2- La durée du travail
La Loi N° 028-2008/AN du 13 mai 2008 portant code du
travail au Burkina Faso et l'arrêté N°2007-004/MTSS/SG/DGT/
du 07 mars 2007 DER fixant les modalités d'application de la semaine de
40 heures dans les établissements non agricoles fixent la durée
légale du travail à 40 heures par semaines et à 8 heures
par jour dans les établissements non agricole, correspondant à
173,33 heures par mois. La durée
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légale, c'est en quelque sorte, un
maximum d'heures ouvrables autorisées par semaine.
Les inspecteurs du travail sont chargés de faire
respecter cette prescription légale dans toutes les entreprises
privées, formelles ou informelles. Par ailleurs, des exceptions à
la durée légale du travail sont prévues dans certains
secteurs d'activités en raison de leur caractère intermittent.
Ainsi, l'article 3 de l'Arrêté N°2007-004/MTSS/SG/DGT/DER du
07 mars 2007 fixe, par exemple, la durée équivalente aux 40
heures par semaine à :
- 42 heures pour le personnel affecté à la vente
dans les pharmacies et le commerce en détail ;
- 45 heures pour le personnel des hôpitaux,
stations-services, cuisiniers dans les hôtels,... ;
- 56 heures pour le personnel des services d'incendies.... ;
- 60 heures pour les gens de maison ;
- 72 heures pour les gardiens de nuit et de jour.
L'article 138 du code du travail précise que « Les
heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire sont
considérées comme heures supplémentaires et donnent lieu
à une majoration de salaire. »
La violation des dispositions des actes réglementaires
en application de l'article 138 du code du travail est punie d'une peine
d'amende prévue à l'article 421 alinéa 2 du code du
travail. Le tableau suivant montre l'évolution des infractions
concernant la durée de travail sur un temps donné.
Tableau 5: Evolution des infractions
concernant la durée de travail de 2013 à 2017
Objet
|
2013
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2014
|
2015
|
2016
|
2017
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d'infraction
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|
Durée du
|
286
|
307
|
470
|
871
|
335
|
travail
|
|
|
|
|
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|
|
|
|
Source : DGESS : Annuaire statistique 2017
L'évolution de ces infractions est croissante jusqu'en
2016, ce qui peut s'expliquer par un accroissement des actions de l'inspection
du travail sur le terrain.
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3- Le repos du travailleur
Le repos hebdomadaire est obligatoire pour tout travailleur,
au Burkina Faso, qu'il soit de l'économie formelle ou informelle. Cette
obligation est prévue par le code du travail qui dispose que « Le
repos hebdomadaire est obligatoire. Il est de vingt-quatre heures minimum par
semaine et a lieu en principe le dimanche sauf dérogation
accordée par voie réglementaire par le ministre chargé du
travail. » Ainsi, peut-il avoir des dérogations au repos
hebdomadaire qui peut être donné un autre jour en dehors du
dimanche, soit par roulement, soit reparti sur une période plus longue
que la semaine.
Par ailleurs, la Loi N°079-2015/CNT du 23 novembre 2015
portant institution de fêtes et événements à
caractère historique au Burkina Faso, fixe les jours
fériés, chômés et payés sur toute
l'étendue du territoire national. C'est ainsi que les heures de travail
effectuées les jours fériés sont payées au tarif
majoré des heures supplémentaires.
En outre, la loi burkinabè a prévu des
congés pour tous les travailleurs résidents au Burkina Faso, en
ces termes : « Le travailleur a droit au congé payé à
la charge de l'employeur, à raison de deux jours et demi calendaires par
mois de service effectif, sauf dispositions plus favorables des conventions
collectives ou du contrat individuel. » En plus du congé annuel,
des congés spéciaux sont accordés au travailleur pour lui
permettre de prendre part aux événements familiaux, aux
activités socio-culturelles et aux activités syndicales. Au sens
de l'article 159 du code du travail, les congés spéciaux
accordés au travailleur à l'occasion d'événements
familiaux touchant directement son foyer ne sont pas déduites de la
durée du congé payé dans la limite annuelle de dix jours
ouvrables.
Le repos étant très important pour la
santé physique et mentale du travail, les inspections du travail sont
chargées de veiller à la bonne application des dispositions y
relatives.
4- Le travail des enfants
Le travail des enfants est une réalité au
Burkina Faso. En effet, selon l'Enquête Nationale sur le Travail des
Enfants (ENTE) réalisée en 2006, environ 41,1% des enfants
âgés de 5 à 17 ans sont économiquement actifs. Dans
le but de combattre ce phénomène et surtout ses pires formes, le
gouvernement du Burkina Faso a
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souscrit à un engagement au niveau
international en ratifiant la Convention 138 sur l'âge minimum
d'admission à un emploi et la Convention 182 sur les pires formes de
travail des enfants. Au niveau national, il faut signaler que le code du
travail dont l'inspecteur du travail est sensé vérifier
l'application incrimine le travail des enfants. L'article 152 fixe l'âge
minimum d'accès à tout type d'emploi ou de travail à 16
ans et l'article 153 donne les caractéristiques des pires formes de
travail des enfants. Par ailleurs, les articles 422 et 424 punissent de peines
délictuelles les violations des articles 152 et 153 du Code du
travail.
Tableau 6: Nombre d'enfants trouvés en situation de
travail par sexe
Source : DGESS : Annuaire statistique 2017
2013 a connu beaucoup d'actions en faveur du travail des
enfants grâce au soutien des partenaires financiers d'où le
résultat élevé. Par contre de 2014 à 2017, on note
une baisse significative des cas d'enfants trouvés en situation de
travail. Cela peut être dû à l'impact des activités
d'envergures menées en 2013 et, aussi grâce aux actions de
contrôle et de sensibilisation menées les autres années par
les inspecteurs du travail.
B- En matière de conseil aux partenaires sociaux,
d'observation sur les déficiences des normes et de
conciliation
1- Les conseils et les renseignements
Conformément à l'article 3 alinéa (b) de
la Convention 81 sur l'inspection du travail,
le système d'inspection du travail est chargé
« de fournir des informations et
conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens
les plus efficaces d'observer les dispositions légales », les
inspecteurs du travail, au Burkina Faso, offrent des conseils et orientations
aux partenaires sociaux sur les bonnes manières d'appliquer la
législation sociale. Cette mission de conseil se fait souvent
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par accueils des usagers à
l'inspection du travail, par téléphone ou lors des
contrôles. Certains employeurs sollicitent des avis techniques sur les
domaines de la législation qu'ils ne comprennent pas. De plus, en
matière de lutte contre le travail des enfants, la sensibilisation y est
de mise : « c'est de les (acteurs de l'informel) sensibiliser, leur faire
comprendre la nécessité de protéger les enfants. Nous,
à Ouaga ici, on l'a fait. On a fait dans des quartiers des projections
de films, on a engagé des troupes pour faire des animations de
théâtre. Tout ça, c'est des actions de préventions
pour aider à ce que les gens prennent conscience du
phénomène. »61
2- Les observations sur les déficiences des
normes
La convention 81 stipule toujours en son article 3
alinéa (c) que le système d'inspection du travail est
chargé : « de porter à l'attention de l'autorité
compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas
spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.
» La mise en oeuvre de cette disposition intervient souvent dans le
processus de relecture du code du travail, dans les travaux
d'élaboration de ses textes d'applications et les conventions
collectives.
3- La conciliation
La conciliation est aussi le lieu privilégié
pour les inspections du travail de promouvoir les droits des travailleurs. En
effet, lors des conciliations, l'inspecteur du travail fait savoir aux
partenaires sociaux les droits qui ont été violés et la
manière d'y remédier. Seulement, il n'est pas tenu d'une
obligation de résultat pour amener les parties à parvenir
à un accord. A titre illustratif, pour la seule année 2015, les
13 Directions régionales du travail et de la protection sociale ont
traité 3839 conflits individuels de travail (Rapport sur l'inspection du
travail 2015, p. 68.).
61 Monsieur Sandouidi, Inspecteur du travail.
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SECTION II : Analyse de la
contribution de l'Inspection de travail en matière de protection sociale
et de dialogue social
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