I.3/Arbitrage
inflation-chômage
La relation entre l'inflation et le chômage a
traditionnellement été une corrélation inverse. Cependant,
cette relation est plus compliquée qu'il n'y paraît à
première vue et s'est effondrée à plusieurs reprises au
cours des 45 dernières années. L'inflation et le chômage
étant deux des indicateurs économiques les plus
étroitement surveillés, nous allons examiner l'interaction qui
existe entre ces deux concepts.
Si l'on utilise l'inflation salariale (le taux de variation
des salaires) comme indicateur de l'inflation dans l'économie, il
apparait que lorsque le chômage est élevé, le nombre de
personnes à la recherche d'un emploi dépasse largement le nombre
d'emplois disponibles. En d'autres termes, l'offre de travail est
supérieure à la demande. Etant donné le nombre
élevé de travailleurs disponibles, les employeurs n'ont pas
besoin de « soumissionner » pour obtenir les services de leurs
employés en leur versant des salaires plus élevés. En
période de chômage élevé, les salaires restent
généralement stagnants et l'inflation salariale (la hausse des
salaires) est inexistante. Par ailleurs, en période de faible
chômage, la demande de travail (par les employeurs) dépasse
l'offre. Dans un marché du travail aussi serré, les employeurs
doivent généralement payer des salaires plus élevés
pour attirer les employés, ce qui entraîne en fin de compte une
hausse de l'inflation salariale (Snowdon et Vane, 2005).
Phillips (1958) a été l'un des premiers
économistes à présenter des preuves convaincantes de la
relation inverse entre le chômage et l'inflation salariale. Il a
étudié la relation entre le chômage et le taux de variation
des salaires au Royaume-Uni sur une période de près d'un
siècle (1861-1957), et il a découvert que ce dernier pouvait
s'expliquer par le niveau du chômage et le taux de variation du
chômage. De ce fait Phillips (1958) a émis l'hypothèse que
lorsque la demande de main-d'oeuvre est élevée et qu'il y a peu
de chômeurs, on peut s'attendre à ce que les employeurs fassent
monter les salaires assez rapidement. Toutefois, lorsque la demande de
main-d'oeuvre est faible et que le chômage est élevé, les
travailleurs sont réticents à accepter des salaires
inférieurs au taux en vigueur et, par conséquent, les taux de
salaire baissent très lentement (Snowdon et Vane, 2005). Etant
donné que les salaires constituent un coût important pour les
entreprises, l'augmentation des salaires va entraîner une hausse des prix
des produits et des services dans une économie, ce qui par
conséquent, fait augmenter le taux d'inflation global (Phillips,
1958).
L'arbitrage entre l'inflation et le chômage a conduit
les économistes à utiliser la courbe de Phillips pour affiner la
politique monétaire ou budgétaire. Etant donné qu'une
courbe de Phillips pour une économie donnée indiquerait un niveau
d'inflation explicite pour un taux de chômage donné et vice versa,
il devrait être possible de viser un équilibre entre les niveaux
souhaités d'inflation et de chômage. Cependant, à la fin
des années 1960, un groupe d'économistes monétaristes
convaincus a établi que la courbe de Phillips ne s'applique pas à
long terme. Ils ont soutenu qu'à long terme, l'économie tend
à revenir au taux naturel de chômage à mesure qu'elle
s'ajuste au taux d'inflation (Friedman, 1968 ; Phelps, 1969). En effet, le taux
naturel est le taux de chômage de longue durée qui est
observé une fois que l'effet des facteurs cycliques à court terme
s'est dissipé et que les salaires se sont ajustés à un
niveau où l'offre et la demande sur le marché du travail sont
équilibrées. Si les travailleurs s'attendent à ce que les
prix augmentent, ils exigeront des salaires plus élevés afin que
leurs salaires réels (corrigés de l'inflation) soient constants
(Snowdon et Vane, 2005). Dans un scénario où des politiques
monétaires ou budgétaires sont adoptées pour faire baisser
le chômage en dessous du taux naturel, l'augmentation de la demande qui
en résulte encourage les entreprises et les producteurs à
augmenter les prix encore plus rapidement. Au fur et à mesure que
l'inflation s'accélère, les travailleurs peuvent fournir de la
main-d'oeuvre à court terme en raison de salaires plus
élevés, ce qui entraîne une baisse du taux de chômage
(Friedman, 1968). Toutefois, à long terme, lorsque les travailleurs sont
pleinement conscients de la perte de leur pouvoir d'achat dans un environnement
inflationniste, leur volonté de fournir de la main-d'oeuvre diminue et
le taux de chômage augmente au taux naturel (Phelps, 1969). Ainsi,
à long terme, un taux d'inflation plus élevé ne profite
pas à l'économie si le taux de chômage diminue. De
même, un taux d'inflation plus faible ne devrait pas avoir un coût
pour l'économie en raison d'un taux de chômage plus
élevé. Comme l'inflation n'a aucune incidence sur le taux de
chômage à long terme, la courbe de Phillips à long terme se
transforme en ligne verticale au taux de chômage naturel (Snowdon et
Vane, 2005).
Dans cette première sous-section, il a
été question pour nous de mettre en évidence l'influence
de la dette extérieure sur le chômage. Pour ce faire, nous avons
dans un premier temps montré la nécessité pour un Etat
d'être solvable de la dette extérieure notamment à travers
les processus de création d'emploi et d'atténuation du
chômage. Dans un second temps, nous nous sommes intéressés
à la soutenabilité de la dette extérieure qui peut
être un gage que les gouvernements peuvent utiliser dans le but
d'atteindre certains objectifs de politiques économiques. Dans la
section suivante, nous allons analyser l'influence de la dette
extérieure sur la stabilité extérieure.
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