I.2.2. Endettement externe et
croissance endogène : « l'effet déprimogène
de la fiscalité »
Dans l'approche néoclassique, la théorie de la
croissance endogène mérite un traitement spécifique. Cette
approche s'est répandue au cours des années 1990 en tentant
d'expliquer comment la croissance à long terme peut être
générée sans s'appuyer uniquement sur des changements
technologiques exogènes ou "résiduels" comme dans le
modèle fondateur de Solow. Ce courant de littérature
économique est pertinent car, suivant le modèle proposé
par Barro (1990), il examine comment les variables budgétaires
interagissent avec les variables qui génèrent la croissance
endogène.
L'interaction peut être indirecte (c'est
généralement le cas de la fiscalité) ou directe dans la
mesure où les dépenses publiques peuvent soutenir une croissance
endogène. Ce dernier cas est particulièrement important parce
qu'il marque un changement d'approche par rapport aux vues néoclassiques
examinées ci-dessus, qui considèrent généralement
les dépenses publiques comme une simple consommation de ressources. Le
modèle de Barro obtient une fonction U inversée typique de la
relation entre les dépenses publiques et la croissance, avec un niveau
optimal de dépenses (fiscalité) qui maximise la croissance. Les
dépenses publiques sont entièrement couvertes par la
fiscalité (des revenus du capital) et la fiscalité freine la
croissance. En deçà du niveau optimal des dépenses
publiques, le gouvernement n'exploite pas son effet de stimulation de la
croissance, au-delà duquel l'effet déprimogène de la
fiscalité prévaut. D'autre part, l'essentiel de cette
littérature porte sur les effets des variables budgétaires sur la
croissance le long d'une trajectoire budgétaire
équilibrée, avec une grande variété de
résultats et d'implications politiques (Zagler et Dürnecker, 2003),
qui ne se prêtent toutefois pas immédiatement à une analyse
du problème de la croissance et de la dette.
Plus précisément, Teles et
Cesar-Mussolini (2014) ont proposé un modèle de croissance
endogène dans lequel l'effet de la politique budgétaire sur la
croissance économique est affecté négativement par le
niveau du ratio de la dette au PIB. Cet effet passe par les
intérêts de la dette : une partie de l'épargne des jeunes
est extraite et versée aux personnes âgées, qui
n'épargnent pas, ce qui implique un échange d'allocations entre
générations. Les effets négatifs de la dette publique sur
la croissance ont également été démontrés
par Saint-Paul (1992) et, en étudiant l'impact des contraintes
budgétaires sur la croissance, c'est-à-dire la capacité
fiscale et la capacité d'endettement limitées, Aizenman et al
(2007) ont tiré des conclusions similaires : un taux d'imposition
maximal plus faible et un encours de dette plus élevé peuvent
réduire le taux de croissance, ce qui confirme que des
différences dans le taux de croissance peuvent résulter de
différences de contraintes budgétaires.
Dans cette première section, il a
été question pour nous de mettre en évidence l'influence
de la solvabilité de la dette extérieure sur la croissance
économique. Pour ce faire, nous avons dans un premier temps
montré la nécessité d'assainir l'environnement
économique notamment à travers la bonne gestion du service et du
stock de la dette extérieure. Dans un second temps, nous nous sommes
intéressés à l'incertitude économique compte tenu
de l'évolution perpétuelle de l'économie mondiale. Dans la
section qui va suivre, nous allons analyser
l'influence de la soutenabilité de la dette extérieure sur la
croissance économique.
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