I.1.1. Les effets du stock de
la dette extérieure sur croissance économique
La gestion du stock de l'endettement externe est un
problème qui touche toutes les sociétés. En ce sens qu'une
accumulation de lourdes dettes a des effets pernicieux sur les performances
économiques notamment la croissance (Patillo et al, 2002). A cet
égard, il n'existe pas de consensus quant aux canaux d'influence du
stock de la dette extérieure sur le développement des pays
notamment son incidence sur la croissance. Néanmoins, les principaux
arguments pour l'une ou l'autre approche reposent sur le fardeau de la dette
etlesconsolidations budgétaires expansionnistes qu'elle induit.
a) Surendettement et croissance
économique : « Debt overhang theory »
Les arguments théoriques favorables
à la réduction de la dette extérieure des pays en
développement reposent sur l'idée selon laquelle ces pays font
face à une situation de surendettement « debt overhang ».
Selon J.Sachs (1989), le surendettement est
analogue à la situation d'une entreprise insolvable non
protégée par les lois de la faillite. Dans ce cas, les
créanciers prennent des actions antagoniques pour se servir sur la
valeur restante des actifs, préjudiciables à la survie de
l'entreprise. Ainsi, le service de la dette agit comme une taxe
désincitative à la production. A cet effet, il existe un seuil
optimal d'endettement pour lequel tout supplément marginal d'endettement
conduit à une réduction importante de l'investissement et le
débiteur aurait intérêt à ne pas rembourser la
dette. Cela signifie que les emprunts supplémentaires vont
décroître la probabilité de rembourser. D'où la
notion de « debt overhang » (le fardeau virtuel de la dette). La
théorie du surendettement considère qu'une dette
élevée qui se révèle difficile ou impossible
à rembourser exerce des effets désincitatifs sur le pays
débiteur à entreprendre des réformes favorables à
l'investissement et / ou à la croissance économique.
A cet égard, le surendettement
désigne couramment l'existence d'un encours important de dette
extérieure ayant des conséquences négatives sur
l'investissement et la croissance. Les investisseurs s'attendront à une
hausse des impôts actuels et futurs pour permettre le nécessaire
transfert des ressources à l'étranger. La réduction
anticipée du rendement après impôts des investissements
privés et l'utilisation d'une part croissante de l'épargne
intérieure aux fins du service de la dette ont pour effet
d'évincer l'investissement intérieur et de décourager
l'investissement étranger. Ces effets peuvent également motiver
la fuite des capitaux, les propriétaires cherchant à
protéger la valeur de leurs avoirs en profitant d'occasions
d'investissement plus alléchantes à l'étranger (Deppler et
Williamson, 1987).
Cependant, Corden (1988) démontre qu'un
allégement décidé de façon exogène par les
créanciers peut, dans certaines circonstances, augmenter les incitations
du débiteur à entreprendre des réformes, et évite
la possibilité qu'il recourt à un défaut de remboursement,
qu'il assimile à un « allégement endogène »,
c'est-à-dire décidé par le débiteur. Cette
même idée a été développée par Krugman
(1988) qui démontre qu'en augmentant l'incitation d'un pays
surendetté à entreprendre des réformes économiques,
les créanciers pourront voir la valeur de leurs créances sur le
marché secondaire s'améliorer car les perspectives de
remboursement du débiteur auront augmentées. En ce sens, l'effet
possible d'une désincitation en termes de réformes
économiques risque d'être plus sérieux pour les pays
à faible revenu et très endettés où les distorsions
structurelles profondes et la gestion macroéconomique inadéquate
(combinées à un accès limité aux marchés
étrangers des capitaux privés) font déjà obstacle
à une réforme soutenue (Elbadawi,Ndulu et Ndung'u, 1997). Il est
ainsi possible d'affirmer qu'au-delà d'un certain niveau, l'accumulation
des dettes extérieures décourage l'investissement et ralentit la
croissance.
Au regard, des effets du surendettement sur la
croissance mais aussi sur les capacités de remboursement des pays
à faible revenu, certains soutiennent l'idée de la
nécessité des allègements de la dette, la pertinence d'une
telle stratégie a été relativisée par certains
auteurs qui voient que l'accumulation de la dette n'est pas la cause mais la
conséquence d'une faible croissance (Bulow et Rogoff, 1990), ou que la
réduction de la dette ne serait pas suffisante pour rétablir
l'investissement et la croissance (Easterly et Levine, 2003 ; Asiedu, 2003).
Ainsi, une dette élevée est un symptôme plutôt qu'une
cause d'une faible croissance, cette dernière étant le
résultat d'une mauvaise gestion macroéconomique (Bulow et Rogoff,
1990). Pour Easterly et Levine (2002), cette possibilité est encore plus
forte dans les pays en développement caractérisés par une
forte préférence pour le présent. En effet, de son
modèle, l'auteur conclut que les gouvernements de ces pays chercheront
à accumuler de nouvelles dettes une fois que des réductions ont
été obtenues dans l'espoir d'être éligibles à
de nouvelles initiatives en matière d'allégement. L'échec
des schémas dits traditionnels à réduire les ratios
d'endettement dans les pays à faible revenu est une illustration pour
l'auteur de l'existence de ce problème d'aléa moral et du fait
que les allégements accordés n'ont pas réussi à
changer le comportement de certains pays hautement endettés.
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