C. Quelques types de violences maritimes
1. La pêche illicite, non
déclarée, non réglementée (Pêche
INN)
La seule définition convenue au niveau international de
la pêche illicite, non déclarée, non
réglementée (Pêche INN)11 est celle contenue
dans le plan d'action de la FAO (Food and Agriculture Organization of The
United Nations)12 voir annexe 2. La pêche INN se résume
comme étant une pêche effectuée sans autorisation et
à l'encontre de toute réglementation.
Il est important de rappeler que la pêche INN met en
péril les ressources halieutiques des États. Cela résulte
en de graves conséquences tant du point de vue économique,
écologique qu'humain. Il est avéré que cette pêche
illicite crée des pertes financières pour les États qui en
sont victimes, contribue à rompre les équilibres
écologiques et favorise l'appauvrissement des populations riveraines des
côtes dont la pêche constitue le moyen de subsistance. Le GoG dont
les eaux sont poissonneuses souffre de cette menace. Plusieurs cas de
pêche INN sont relayés par les pêcheurs honnêtes et
les organisations non gouvernementales. Malgré la faiblesse des moyens
des États du GoG, certaines marines ont réussi à
appréhender des navires s'adonnant à la pêche INN. La
marine ivoirienne a arraisonné à plusieurs occasions des navires
en situation de pêche INN dont le cas retentissant de deux bateaux
chinois arraisonnés le 26 novembre 201413.
8Convention for the Suppression of Unlawful Acts
against the Safety of Maritime Navigation ( SUA convention)
9Code international pour la sûreté des
navires et des installations portuaires (Code ISPS)
10Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde
de la vie humaine en mer (SOLAS)
11Pêche illicite, non déclarée,
non réglementée : Pêche INN
12Organisation des Nations unies pour l'alimentation
et l'agriculture (FAO)
13Source Article de l'hebdomadaire Jeune Afrique du 01
déc. 2014, Côte d'Ivoire : deux bateaux chinois arraisonnés
pour
pêche illégale.
2.
6
Le terrorisme maritime
Dans le dictionnaire Larousse , le terrorisme est
défini comme l'ensemble des actes de violence (attentats, sabotages,
prises d'otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat
d'insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour
satisfaire une haine à l'égard d'une communauté, d'un pays
ou d'un système.
L'ONU n'ayant pas donné une définition formelle
et consensuelle du terrorisme, chaque État essaie donc de se
définir un cadre juridique qui répondra à ces
défis. Néanmoins, tout le monde s'accorde de nos jours à
qualifier d'acte terroriste , les actions de violence commises par des
individus ou organisations se réclamant de ces individus motivées
par des raisons politiques, ethniques ou religieuses, avec un impact
psychologique et médiatique recherché à l'instar de
meurtre délibéré de civils.
Dans le domaine maritime, les questions de terrorisme bien
qu'ayant de tout temps existé, ont été traitées
pour la première fois par la Convention pour la répression
d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime
(Convention SUA 1) le 10 mars 1988 à Rome, suite à l'attaque du
paquebot italien Achille Lauro en 1985.
La lutte contre le terrorisme maritime est aujourd'hui prise
en compte dans le code ISPS (Code international pour la sûreté des
navires et des installations portuaires) adopté le 12 déc. 2002
suite aux attentats du World Trade Center à New York en 2001. Ce code
fut inséré dans la convention SOLAS et est entré en
vigueur le 1er juillet 2004. Le code ISPS vise également à
préserver le navire et les installations portuaires de tous actes
malveillants ou illicites.
3. La pollution maritime
On entend par pollution maritime, les définitions
telles qu'énoncées par les conventions UNCLOS et MARPOL
73/7814.
- Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
article 1.4 :
On entend par « pollution du milieu marin »
l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou
d'énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a
ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques
et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de
l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et
les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la
qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et
dégradation des valeurs d'agrément;
14Convention MARPOL73/78 la Convention internationale
pour la prévention de la pollution marine par les navires
7
- Convention MARPOL 73/78
Les Parties à la Convention s'engagent à
donner effet aux dispositions de la présente Convention, ainsi qu'aux
dispositions de celles des Annexes par lesquelles elles sont liées, afin
de prévenir la pollution du milieu marin par le rejet de substances
nuisibles ou d'effluents contenant de telles substances en infraction aux
dispositions de la Convention.
Si nous nous référons aux définitions
données par ces deux conventions, nous pourrons citer un nombre
pléthorique de pollutions dont est victime le golfe de Guinée
:
- Déversement d'hydrocarbures - Rejet d'eau de ballast
- Déversement des déchets solides des navires -
Rejet d'eaux usées des navires
- Peinture de coque des navires - Introduction d'espèces
invasives
4. L'immigration clandestine
L'immigration clandestine est l'entrée sur le
territoire d'un État, d'un ou plusieurs individus en violation des lois
de cet État sur l'entrée et le séjour des
étrangers. Dans le golfe de Guinée, elle est de 2 types :
- Le mouvement de personnes de pays en pays par le biais
d'embarcations de fortune.
- Le transport de passager clandestin d'un port vers un
autre.
Nous nous intéresserons ici au deuxième type qui
est relatif aux passagers clandestins dont la gestion relève des
autorités portuaires, des armateurs et des consignataires. Pour avoir
une définition nette du passager clandestin, nous allons nous
référer à La Convention sur la Facilitation du trafic
Maritime International de 1965 (Convention FAL)15, qui
définit le passager clandestin comme une personne qui est
cachée à bord d'un navire, ou qui est cachée dans la
cargaison chargée ultérieurement à bord du navire, sans le
consentement du propriétaire ou du capitaine du navire, ou de toute
autre personne responsable, et qui est découverte à bord du
navire après que celui-ci a quitté le port, ou dans la cargaison
lors du déchargement au port d'arrivée, et est
déclarée aux autorités compétentes, par le
capitaine, comme étant un passager clandestin.
Les gens auront tendance à tenter le voyage clandestin
pour fuir les violences liées aux guerres et à
l'instabilité politique dans leurs États ; pour échapper
aux persécutions politiques, ethniques ou religieuses. Les raisons
climatiques et la recherche d'une vie meilleure constituent aussi des
motivations répandues chez les clandestins.
La gestion du passager clandestin (débarquement et
rapatriement) constitue un frein au bon déroulement du voyage maritime
(retard lors des appareillages dû aux fouilles, frais
15Convention FAL : Convention on Facilitation of
International Maritime Traffic
8
administratifs de prise en charge des clandestins, mauvaises
renommées des ports...). Étant donné que plusieurs navires
en provenance du Ghana venaient faire débarquer leurs clandestins au
Port d'Abidjan, du fait des facilités qui leur avaient été
accordées, l'autorité portuaire d'Abidjan a dû prendre une
circulaire exigeant un certificat de fouille pour tout navire en provenance du
Ghana et une amende d'un million de franc CFA pour tout débarquement de
passager clandestin.
5. La contrebande de
stupéfiants
Au vu des différentes définitions que donnent
plusieurs juridictions et organismes, nous pouvons définir les
stupéfiants comme des substances chimiques ou naturelles dont la
consommation engendre un effet de dépendance qui induit une toxicomanie
et donc des problèmes de santé publiques et de
sécurité. Si la mer fut de tout temps considérée
comme un espace de libre-échange, de rencontre et d'ouverture des
peuples, il est évident que les navires constituent un vecteur pour le
transport des stupéfiants. L'annexe 3, nous permet de voir que les flux
de trafics des stupéfiants sont semblables aux routes maritimes. Le
golfe de Guinée devient selon l'ONUDC (Office des Nations Unies contre
la Drogue et le Crime) un carrefour du trafic de stupéfiant vers
l'Europe. Cette réalité est favorisée par la faillite des
élites politiques dans certains États, la corruption massive,
ajoutée à cela l'incapacité matérielle d'assurer un
contrôle sur la totalité de l'espace maritime.
6. La piraterie maritime et les vols à main
armée
La piraterie maritime est l'une des plus anciennes menaces qui
pèse sur la sécurité maritime. Son origine remonte au
moins à l'antiquité car Cicéron16
définit le pirate comme l'ennemi du genre humain : Hostis humani
generis. Étymologiquement, pirate provient du latin
Pirata, ce qui signifie celui qui tente la fortune. Dans l'entendement
général, le pirate est celui qui tente de faire fortune en
s'attaquant à un navire pour s'emparer de lui ou de sa cargaison.
Aujourd'hui, la définition de la piraterie maritime qui fait
référence au plan juridique est celle de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 dite convention de Montego Bay.
Elle définit la piraterie maritime en son article 101 comme suit :
16Juriste et Homme politique Romain vécu entre
106-43 av J-C
9
Art. 101 Définition de la
piraterie
On entend par piraterie l'un quelconque des actes
suivants:
a) Tout acte illicite de violence ou de détention
ou toute déprédation commis par l'équipage ou des
passagers d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à
des fins privées, et dirigé:
i) Contre un autre navire ou aéronef, ou contre des
personnes ou des biens à leur bord, en haute mer ;
ii) Contre un navire ou aéronef, des personnes ou des
biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun État ;
b) Tout acte de participation volontaire à
l'utilisation d'un navire ou d'un aéronef ;
lorsque son auteur a connaissance de faits dont il
découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef
pirate;
c) Tout acte ayant pour but d'inciter à commettre
les actes définis aux let. a) ou b), ou commis dans l'intention de les
faciliter.
Cette définition qualifie de piraterie maritime
seulement l'acte qui a eu lieu en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la
juridiction d'aucun État. Or, au vu des avancées technologiques
qui font qu'aujourd'hui les brigands de la mer ont des engins rapides qui leur
permettent de passer d'une zone maritime à une autre en un laps de
temps; il est difficile pour le droit international de qualifier de telles
agressions qui débutent en mer territoriale et qui s'achèvent en
haute mer ou vice-versa (voir annexe 4). Du fait de la relation qui lie l'acte
de piraterie au lieu de son exécution, l'OMI a eu à qualifier
certaines attaques de vols à main armée et a en ce sens
défini les vols à main armée au travers de la
résolution A.1025(26) du 02 décembre
2009 sur le Code de bonnes pratiques pour la conduite des enquêtes sur
les délits de piraterie et de vol à main armée à
l'encontre des navires, comme l'un des quelconques actes suivants :
(a) Tout acte illicite de violence ou de détention ou
toute déprédation, ou menace de déprédation, autre
qu'un acte de piraterie, commis à des fins privées contre un
navire, ou contre des personnes ou des biens à son bord, dans les eaux
intérieures, les eaux archipélagiques ou la mer territoriale d'un
État ;
(b) Tout acte ayant pour but d'inciter à commettre un
acte défini ci-dessus ou commis dans l'intention de le
faciliter.
Le golfe de Guinée comme nous l'avons
précédemment signifié est une zone stratégique du
fait de ses ressources minières, halieutiques et
énergétiques. Cela la positionne comme un pôle du commerce
international d'où l'importance du trafic maritime dans cette
région. Cependant le golfe de Guinée abrite aussi plusieurs pays
instables et des millions de populations qui vivent sous le seuil de
pauvreté selon l'ONU. Ces deux facteurs mis ensemble amènent des
individus à tenter fortune en s'adonnant à la piraterie maritime
et aux vols à
10
main armée sur les navires. Selon le Bureau Maritime
International (BMI) 17 les actes de piraterie maritime et vols
à main armée sont en baisse partout dans le monde sauf dans le
golfe de Guinée où les attaques sont en
progression18.
Après avoir défini les diverses violences
maritimes que l'on peut trouver dans le golfe de Guinée, nous nous
intéresserons particulièrement à la piraterie maritime et
aux vols à main armée au large de la Côte d'ivoire et au
Port d'Abidjan.
Section II : Piraterie maritime et vol à
bord des navires au Port d'Abidjan A. Adoption d'une définition pour
notre étude
Pour mieux cerner la piraterie maritime dans le GoG et plus
particulièrement en Côte d'Ivoire, il nous faut revenir sur la
définition que nous avons donnée plus haut et proposer une
définition que nous adopterons pour notre étude. Se
référer à la définition de la piraterie maritime
donnée par la convention UNCLOS réduit énormément
le nombre des actes de piraterie maritime dans le monde car selon cette
définition pour qu'on parle de piraterie maritime, il faudrait que
l'acte soit commis en haute mer. Par haute mer, selon la convention de Montego
Bay de 1982, il faut entendre l'espace maritime qui ne relève de la
juridiction d'aucun État. En d'autres termes, il ne faudra pas que
l'agression soit commise dans la zone économique exclusive (ZEE), les
eaux territoriales ou les eaux intérieures (voir annexe 4). Au vu de
cette définition, la plupart des actes d'agression contre les navires
dans le détroit de Malacca, dans la ZEE du Nigeria et en rade du Port
d'Abidjan, ne peuvent être qualifiés d'actes de piraterie
maritime. Ils doivent être qualifiés de vol à main
armée tel que décrit par la résolution
A.1025(26) de l'OMI. C'est pourquoi, pour notre étude,
nous adopterons la démarche du Bureau Maritime International qui
consiste à considérer l'acte d'agression peu importe la zone
maritime où il a eu lieu pour faire ces statistiques. Cela nous permet
d'adopter la définition suivante de la piraterie maritime:
"l'acte de monter à bord d'un navire avec l'intention de
commettre un vol ou tout autre crime et avec l'intention ou la capacité
d'utiliser la force"19. Il en ressort une
définition plus large de la piraterie maritime qui s'applique que le
navire soit accosté, au mouillage ou en mer.
S'il est vrai que la définition que nous retenons ne
s'entend pas du point de vue de la définition telle
qu'énoncée dans UNCLOS, elle a l'avantage toutefois de coller
à la réalité et
17International Maritime bureau (IMB)
18IMB, Piracy and armed robbery against ship report
for the period of 1 january to 30 june 2016
19Nathalie Fau, thèse 2003, Le nord de Sumatra:
une périphérie indonésienne sur le détroit de
Malacca : un espace partagé entre intégration nationale et
recompositions transnationales.
11
permet une approche plus pragmatique que juridique du
phénomène de la piraterie. Ces effets pour l'armateur
étant identiques quel que soit le lieu de l'agression (vol de cargaison,
prise d'otage, agressions des marins, vol de biens, etc...).
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