4.2. Influence du mode d'incubation sur la qualité
des larves
Le statut lipidique est un indicateur qui permet
d'apprécier le succès de l'ontogenèse précoce chez
les poissons. Les lipides neutres sont en général des lipides de
réserves fournissant notamment l'énergie tandis que les
phospholipides jouent un rôle plus structurel et physiologique au niveau
de la membrane cellulaire (Henderson et Torcher, 1987;Socknes et al, 2004). Des
différences significatives ont été détectées
pour les niveaux des lipides totaux et des lipides neutres entre la condition
tiroir alimenté avec l'eau de forage (respectivement 212 #177;13 mg/g de
poids sec et 92 #177; 8 mg/g de poids sec) et la condition claie avec galets
(respectivement 172 #177;13 mg/g de poids sec et 65#177; 9 mg/g de poids sec).
Les larves à l'émergence dans la condition tiroir alimenté
avec l'eau de forage ont également les poids et longueurs les plus
importants. Bamberger (2009) a déjà montré que les larves
de saumon les plus grosses à l'émergence avaient également
une meilleure réserve énergétique. Au même
âge, les larves de saumon avec les meilleurs caractéristiques
poids-longueurs ont également les meilleurs niveaux de lipides totaux et
de lipides neutres (Murzina et al, 2016). Pour les autres modalités
d'incubation, il est difficile de faire le lien entre la taille de l'alevin
à l'émergence et la composition lipidique dans le cas de notre
étude. Les larves des conditions claie avec galets ont eu à
l'émergence, des tailles statistiquement similaires avec celles des
conditions tiroirs à eau de forage. Pourtant, ces larves semblent
présenter les plus faibles taux de lipides totaux et de lipides neutres.
De plus, les plus petites larves à l'émergence venaient des
conditions claies sans substrat. Cependant, les larves de cette condition n'ont
pas montré une mauvaise composition lipidique. Ces résultats ne
sont pas en accord (en sachant que les lipides sont hautement
énergétiques) aux conclusions d'autres recherches qui stipulent
que les contenus énergétiques des larves sont beaucoup plus
élevées chez les individus incubés sur substrat que chez
ceux incubés sans substrats (Audic, 2006;). Toutefois, nos
résultats pourraient bien rejoindre les conclusions de Berg et al
(2001), à savoir que le statut énergétique des larves
à l'émergence est
29
surtout influencé par l'efficacité de
l'utilisation des protéines après éclosion et non par la
synthèse lipidique. En effet après éclosion,
l'augmentation de la synthèse et du stockage des lipides chez les
larves, révèle que ces composés sont critiques pour la
survie post-émergente. Les stocks de lipides après
émergence peuvent favoriser la survie, la capacité
concurrentielle et la croissance parce que ces composées sont efficaces
et rapidement métabolisables. Après éclosion, le
métabolisme augmente de façon logarithmique tandis que le
stockage des protéines décroît très
considérablement. Ceci peut vouloir dire que la grande majorité
de l'énergie métabolique à ce moment-là, provient
des protéines stockées. De plus, les larves semblent transformer
les protéines en graisses dans le but de maximiser leur fitness (Berg et
al, 2001). Ceci pourrait expliquer le fait que même dans la condition
claie sans substrat qui est considérée comme un témoin
négatif, le statut lipidique n'est pas trop affecté. La larve
semble, au lieu de perturber sa synthèse et stockage lipidique pour
s'adapter à une condition défavorable, préférer
diminuer sur l'allocation de l'énergie métabolisable des
protéines destinées à la formation de ses tissus.
Les acides gras saturés particulièrement le C14
et le C16, sont des importants précurseurs des acides gras
nécessaires à la vie des cellules et à la formation des
tissus. Ils proviennent de la synthèse de novo à partir de
précurseurs non lipidiques, particulièrement les acides
aminés (Mellinger, 95). Les acides gras monoinsaturés sont
essentiellement utilisés comme source d'énergie pour le
catabolisme. Dans les lipides neutres, les larves de la condition tiroir
alimenté avec l'eau de forage présentent des niveaux plus
élevés en acide palmitique (C16:0) et stéarique (C18:0)
(respectivement 3 #177; 0,8 mg/g de poids sec et 4 #177; 0,4 mg/g de poids sec)
comparées aux larves des modalités claie avec galets
(respectivement 8,4 #177; 0,8 mg/g de poids sec et 4 #177; 0,4 mg/g de poids
sec). La même tendance persiste avec le C18:0 dans les phospholipides.
Les juvéniles de saumon ont besoin des AGPI n-3
particulièrement l'ALA ((C18:3 (n-3)), l'EPA (0:5 (n-3)), le DHA (2:6
(n-3)) et des AGPI n-6 dont l'acide linolenique (C18:2(n-6) et surtout l'acide
arachidonique (0: 4 (n-6)) comme facteurs nutritionnels importants liés
aux mécanismes biochimiques et physiologique de leur
développement (Bell et al, 1997; Arts et al, 2001; Huang et al, 2008).
Le 2:6 (n-3) est un composé essentiel des cellules rétiniennes
oculaires et nerveuses des jeunes vertébrés (Arts et al, 2001)
tandis que le 0: 4 (n-6) est à l'origine de la synthèse des
eicosanoïdes, composés impliqués dans plusieurs fonctions
biologiques (osmo-régulation, défense humanitaire...) (Bell et
al, 1997). Dans la fraction des lipides neutres et des phospholipides, ces
acides gras n-3 et n-6 sont significativement plus élevés chez
les larves de la condition tiroir à eau de forage comparées aux
larves du système claie avec galets. Peng et al (2003) a trouvé
des résultats similaires chez de gros alevins de saumon Atlantique
comparés aux individus plus petits.
Nos résultats en général semblent montrer
que les conditions claies sont moins performantes comparées aux
modalités tiroir, plus particulièrement alimenté avec
l'eau de forage qui semble donner de meilleurs résultats pour ces AGPI.
De plus, ces résultats révèlent le rôle de la
qualité de l'eau d'incubation. Car incubé dans les mêmes
conditions, les larves issues des tiroirs alimentés avec l'eau de
rivière ne sont pas toujours significativement plus riches en ces AGPI
que les larves
.
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venant des conditions claies contrairement aux individus des
modalités tiroir alimenté avec l'eau de forage.
Qu'ils s'agissent des contenus lipidiques en
général ou d'acides gras en particulier, les résultats
trouvés dans les rivières sont très similaires à
ceux trouver en écloserie. Or l'on sait que généralement,
les saumoneaux d'écloserie sont plus riches en lipides que leur
congénères sauvages au même âge et après une
même période d'alimentation (Peng et al, 2003;Medale et al, 2003;
Bourre et al, 2006). Cela pourrait bien montrer, que cette différence de
contenu lipidique généralement observée, est d'avantage
liée à l'alimentation exogène des larves et non celle de
la mère.
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