III-2.1.2. Composition minérale de
l'attiéké, du thon frit et du plat de « Garba »
Les résultats de la composition minérale sont
présentés dans le Tableaux XI. Il ressort de l'analyse des
résultats que la teneur en sodium (Na) du thon frit (1670,54#177;677,55
mg/kg) est significativement supérieure (p=0,05) à celle du plat
de « Garba » (899,75#177;123,449 mg/kg) et de l'attiéké
frais (548,39#177;73,60 mg/kg). Cependant, le taux de potassium (K) du mets
« Garba » (1368,52#177;191,99 mg/kg) est plus élevé que
celui du thon frit (801,92#177;117,11 mg/kg) et de l'attiéké
frais (317,76#177;17,30 mg/kg). De même, le « Garba » a le taux
le plus élevé de calcium (Ca) (2504,75#177;283,19 mg/kg). Les
résultats révèlent également que la teneur en
magnésium (Mg) du thon frit est significativement plus
élevée (898,10#177;169,36 mg/kg) que celle du mets « Garba
» (338,06#177;160,38 mg/kg) et de l'attiéké frais
(329,56#177;12,01 mg/kg). Pour ce qui concerne le fer (Fe), le « Garba
» a le taux le plus élevé (132,28#177;9,00 mg/kg)
contrairement au thon frit qui enregistre le taux le plus faible
(31,78#177;2,46 mg/kg).
93
Tableau XI: Composition minérale du plat de «
Garba » et ses composants
Eléments
|
Attiéké frais n = 10
|
Thon (SKJ) frit n = 10
|
Mets « Garba » n = 10
|
Sodium (mg/kg)
|
548,39#177;73,60a
|
1670,54#177;677,55c
|
899,75#177;123,449b
|
Potassium (mg/kg)
|
317,76#177;17,30a
|
801,92#177;117,11b
|
1368,52#177;191,998c
|
Calcium (mg/kg)
|
433,52#177;52,19a
|
1141,80#177;105,36b
|
2504,75#177;283,1972c
|
Magnesium (mg/kg)
|
329,56#177;12,01a
|
898,10#177;169,36c
|
338,06#177;160,388b
|
Fer (mg/kg)
|
121,43#177;112,68a
|
31,78#177;2,46b
|
132,28#177;9,008a
|
L'analyse des variances suivie du test de comparaison
multiples de Newman-Keuls au seuil de 5 %. Les lettres a, b, c, etc.
en super script suivent les moyennes issues du test de classement des
moyennes de Newman-Keuls. Sur la même ligne les moyennes suivies de
lettre différentes sont significativement différentes (p = 0,05).
Ca = calcium, Fe = Fer, K =
Potassium, Mg = magnésium, Na =
sodium, SKJ= skipjack tuna ou thon listaoHCN
= acide cyanhydrique, Ca = calcium, Fe
= Fer, K = Potassium, Mg =
magnésium, Na = sodium, SKJ= skipjack
tuna ou thon listao, n = nombre d'échantillons.
94
III-2.2. Discussion
Le mets « Garba » et l'attiéké frais
seul, sont plus riches en glucides par rapport au thon frit. Les teneurs
moyennes déterminées sont relativement proches de ceux
identifiés par Yao et al. (2015) sur des
échantillons d'attiéké frais collectés à
Abidjan. En effet, ces auteurs ont montré que l'attiéké
frais contenait 49,13#177;0,7 % de glucides et 51,8#177;0,85 % de
matière sèche. Ces mets sont préparés à
partir de tubercule de manioc qui est un féculent très riche en
hydrates de carbone. Ainsi, les mets dérivés ont une très
forte teneur en glucides. Cependant, les teneurs en glucides totaux
déterminés dans la présente étude, diffèrent
de celles de Gbané et al. (2012), qui ont
trouvé 63,47 % de glucides dans des échantillons de plat de
« Garba » et de Yéboué et al. (2017)
qui ont obtenu 96,10 % de glucides dans l'attiéké frais.
Ces différences obsevées peuvent s'expliquer par le fait que le
processus de fabrication de l'attiéké du mets « Garba »
requiert moins d'attention. Ainsi, certaines étapes telles que la
fermentation, le séchage sont précipitées
(Assanvon et al., 2016).
La teneur moyenne en acide cyanhydrique (HCN) du plat de
« Garba » et d'attiéké frais de la présente
étude sont plus faibles que ceux trouvés par Yao et
al. (2015) dans l'attiéké (0,47 mg/100g). La faible
teneur en HCN obtenue, est dûe au fait que l'eau qui s'écoule lors
du pressage du manioc broyé permet d'éliminer 90 % de l'HCN du
manioc (Iwuoha & Ubeng, 2013; Modesto et al.,
2019). En outre, Ojo et al (2013), ont
découvert que la fermentation du manioc permet d'éliminer le HCN
dans le fufu, qui est une pâte préparée avec la farine de
manioc fermenté. Ainsi, le risque d'intoxication que peut induire le
cyanure présent dans le manioc est moindre car la teneur en acide
cyanhydrique déterminée est inférieure à la valeur
standard de 1 mg/100 g recommandée par la FAO
(2019).
Le mets « Garba » a une teneur en lipides
supérieure à celle de l'attiéké frais et du thon
frit. Cette forte teneur en lipides du plat de « Garba » est le
résultat de sa composition, qui est un mélange
d'attiéké, de poisson frit, et d'huile de friture. Toutefois,
Gbané et al. (2012), ont trouvé des
teneurs en lipide du « Garba » (21,01 %), supérieures à
celles de la présente étude. Cette différence
observée peut s'expliquer par les conditions de
prélèvement des échantillons. En effet, l'huile est
ajoutée au mets « Garba » de façon volontaire. Ainsi,
une quantité importante peut être ajoutée d'un plat
à l'autre. Les protéines du mets « Garba » sont
supérieures à celles de l'attiéké frais grâce
à la présence du thon dans le plat. Des résultats
comparables sont obtenus par Gbané et al. (2012)
qui ont trouvé 10,47 % de protéines sur des
échantillons de mets « Garba ». Les teneurs en
protéines du thon frit obtenues dans la présente étude,
sont similaires aux résultats des travaux de Nurjanah et
al. (2015). L'ajout du thon au « Garba » constitue une
voie d'enrichissement protéique et d'équilibre du plat.
95
En effet, dans une optique d'enrichissement, Essia
et al. (2003) ont entrepris des travaux de fortification de
l'attiéké avec des levures susceptibles d'augmenter les teneurs
en protéines (jusqu'à 10,5 %) et en cendres, sans affecter
significativement les qualités organoleptiques.
La forte teneur en hydrate de carbone, complétée
de source de protéines (thon frit) et de lipides (huile de friture),
fait du « Garba » un aliment à valeur
énergétique plus élevée que l'attiéké
frais et le thon frit. Cependant, la valeur énergétique du mets
« Garba » déterminée dans la présente
étude, est inférieure à celle déterminée par
Gbané et al. (2012) sur des
échantillons de « Garba » (483,75 kcal/100g). La forte teneur
en glucide (63,47 %) et lipides (21,01 %), obtenue dans les travaux de
Gbané et al. (2012), justifie la
différence de la valeur énergétique avec celle de la
présente étude. Le mets « Garba » et le thon frit sont
plus riches en sodium (Na) et en potassium (K) que l'attiéké
frais. Ces résultats diffèrent de ceux des travaux de
Nurjanah et al. (2015), qui ont rapporté des
teneurs de potassium (K) (8316,22#177;141,55 ppm) dans le thon frit. De plus,
Yéboué et al. (2017) ont obtenu des
teneurs de potassium (K) de 47,22#177;0,76 mg/100 g dans
l'attiéké.
La forte teneur en sodium du thon frit, est liée
à la saumure utilisée pour conserver les thons lors des
opérations de pêche en haute mer. De plus, le faux thon
utilisé par les vendeurs de « Garba », est constituée
de la fraction de thon rejetée par les industries de transformation de
thon, parce que trop salé (Monin et al.,
2017). Par ailleurs, la forte teneur en sodium (Na)
déterminée dans le plat de « Garba », est due d'une
part, à l'ajout de sel de cuisine lors du processus de
préparation de l'attiéké et d'autre part, à
l'assaisonnement du plat avant sa consommation (ajout de sel de cuisine et de
bouillons d'assaisonnement). L'apport en sodium est certes, indispensable aux
fonctions normales de l'organisme ; cependant, il peut être
préjudiciable s'il est pris au-delà des besoins alimentaires. En
effet, une consommation excessive de sel peut provoquer le développement
de l'hypertension et des maladies cardiovasculaires. Mais, le sel est reconnu
également comme un modulateur potentiel des maladies inflammatoires et
auto-immunes par ses effets directs et indirects sur les cellules immunitaires
(Wilck et al., 2019). Le thon frais présente
un meilleur profil lipidique par rapport au thon frit. La friture
entraîne la perte importante des acides gras présents dans l'huile
du thon frais. De plus, une augmentation des acides gras saturés (AGS)
et monoinsaturés (AGMI) est observée au détriment d'une
baisse des acides gras polyinsaturés (AGPI). Concernant les acides gras
bénéfiques pour la santé, notamment, l'acide
docosahexaénoïque (DHA) et l'acide eicosapentaénoïque
(EPA), une perte significative est constatée après la friture du
thon.
96
Des résultats similaires ont été
observés par Nurjanah et al. (2015) sur des
thons de l'espèce SKJ en Indonésie. Ces auteurs ont montré
que sur 30 types d'acides gras présents dans le thon frais, seulement 25
types sont obtenus après la friture. D'autres auteurs ont montré
également que les acides gras bénéfiques pour la
santé (EPA et DHA) diminuent respectivement de 70 à 85 %
après friture du thon (Nimish et al., 2010).
Ainsi, la friture du thon (faux thon) utilisé dans le « Garba
» entraîne aussi une perte importante des acides gras
(oméga-3) bénéfiques pour la santé des
consommateurs. Ces acides gras, indispensables, sont beaucoup plus
présents dans le thon frais (Mahaliyana et al.,
2015). Ils sont dénaturés par la chaleur de la
cuisson. Le profil en acide gras du mets « Garba »
révèle une forte proportion des AGS et AGMI contrairement aux
AGPI. La forte proportion des AGS et AGMI indique que le « Garba » ne
reflète pas un bon profil lipidique bénéfique pour la
santé du consommateur. En effet, plusieurs auteurs ont mis en
évidence l'implication des AGS dans la survenue de maladies
métaboliques (Medei et al., 2010). La
présence d'acides gras trans (C18 :1n-9t) identifiés dans le mets
proviendrait de l'huile de friture ajoutée comme ingrédient
(Ibrahim et al., 2017).
En effet, les investigations de Diabaté et
al. (2018), ont montré que la plupart des vendeurs du mets
« Garba » adoptent des pratiques de friture du thon qui constituent
une source potentielle de production de composés
néoformés. Les teneurs en composés néoformés
de ces huiles de friture de thon (25 % à plus de 75 %)
dépassaient largement celles fixées par la réglementation
formelle européenne, selon le décret n° 86-857 du 18 juillet
1986, relative au bon usage des matières grasses et huiles comestibles,
qui recommande un taux inférieur ou égal à 25 %
(Légifrance, 1986). De plus, selon Fang et
al. (2013), lorsque l'huile est utilisée à
plusieurs reprises pour la friture, sa composition nutritionnelle change.
Notamment ses éléments lipidiques, protéiniques, ses
minéraux, ses vitamines et les antioxydants. Ainsi, la présence
d'acide gras trans (AGT) dans le mets « Garba », demeure
inquiétante pour la santé des consommateurs puisque, des
études ont mis en évidence un lien entre la consommation d'AGT et
la survenue de maladies cardiovasculaires (OMS, 2018; Diabate et
al., 2019).
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