2.3 Les différents niveaux d'intellectualisation de
la ville
2.3.1 Ville sensuelle
La « smart city » par essence doit permettre
d'inscrire le citoyen au coeur des décisions, grâce aux outils
numériques. Pour Antoine Picon, une ville qui s'oriente vers ce type de
gérance est une ville sensuelle qui « s'adresse directement aux
individus ne serait-ce parce qu'il faut les persuader de consommer. ».
Ici, la collaboration est de mise. La ville sensuelle induit une
démultiplication des interactions entre les individus et le
numérique et les individus entre eux par le numérique. Cette
approche de la « smart city » permettra d'analyser les mesures qui
ont été mises en place ou mériteraient d'être mises
en place afin de rendre les touristes « hyper-réactifs » dans
le sens où l'entend Picon. Complémentairement à ce
concept, Picon dresse le profil d'une ville sensible laquelle intervient sur la
perception de ses usagers à travers les écrans qui ponctuent son
agencement urbain. Parmi ces usagers de la ville, on s'intéressera au
cas des touristes urbains. Les touristes peuvent être
considérés comme les héliastes inavoués de la ville
sans pour autant en être des experts. La relation intermittente qu'ils
entretiennent avec les villes qu'ils visitent sur une courte ou longue
durée leur suffit à définir l'identité propre
à chacune de celles-ci. La ville est par nature sensible comme le
défini Picon, en ce sens qu'elle fait appel à la
sensorialité de ses usagers.
2.3.2 Ville sensible
L'odorat, la vue, l'ouïe, le toucher et le goût
sont les cinq vecteurs qui nous permettent d'adjectiver les ressentis que nous
avons d'un espace public. Aujourd'hui, la prégnance des écrans
dans cet oxymorique paysage urbain interfère dans cet échange
perceptif qui nous relie à la ville et ses réalités. Qu'il
s'agisse de notre smartphone, des gps, des montres intelligentes, des
écrans publicitaires, etc. les écrans nous enferment dans des
14
microsphères qui transforment nos perceptions. Quel
type de relation les touristes peuvent-ils nouer avec une ville si leurs sens
sont embués par les écrans ? Quelle place pour
l'altérité si la « smart city » implique une
standardisation de la trajectoire touristique ? Ainsi nous nous
intéresserons aux travaux d'Antoine Picon qui critiquent cette vision
idéaliste de la « ville intelligente ». Il explique en effet
que la « smart city » accroît cette dimension sensible des
villes où tout est filtré par les écrans et que ces
dernières prennent des allures de villes-événement,
où se multiplient les occurrences et où historicité et
patrimoine sont en quelque sorte mis au rebus. Ces faits répondent
d'ailleurs à l'une des hypothèses qui est que
l'hyper-modernisation induite par le concept de « smart city »,
altérerait la particularité dont joui chaque ville, chaque
territoire de par son histoire, sa culture. Si cette vision de la « smart
city » est reliée au rôle que jouent les touristes dans les
villes, c'est parce que justement, les touristes lorsqu'ils se rendent dans un
ailleurs, c'est bien parce qu'ils sont à la recherche de la
différence (Rachid Amirou), de l'altérité qui se situe
dans l'événemential (Alain Mons).
|