Avant de déterminer l'état dans lequel se situe
notre panel face à ce processus d'hyper-modernisation de la ville dont
ils témoignent, il faut savoir que suite à sa première
visite de la ville de Bordeaux, 52.9% de notre panel a constaté un
écart entre son imaginaire de la ville, et la réalité.
Cependant, les résultats démontrent également que l'image
qu'ils avaient de la ville s'est améliorée suite à leur
visite, bien qu'il soit fait mention de son caractère « innovant
», « moderne », et « jeune ». Si la présence
des écrans est difficilement acceptée dans le milieu de la
culture, il se trouve que la modernité dans sa globalité ne pose
pas de réel problème. Dans ce cas, il pourrait être habile
de sensibiliser le public aux transformations urbaines au lieu de les y
contraindre. En effet, il semblerait que le fait même que la technologie
s'immisce dans la relation que les touristes entretiennent avec la ville par le
biais de la culture et de son architecture aille « à l'encontre
d'un ordre symbolique parfait du Pouvoir Urbain »13. Ceci
s'explique par l'une des définitions qui est faite de la ville, et plus
précisément de « l'urbanité » : « elle se
répand dans toutes les directions irrésistiblement, elle
prolifère dans l'espace, elle disperse sa texture, et émet des
messages et des images en permanence. » Cependant, « cette surface
scintillante engendre paradoxalement des abîmes, des failles, des
interstices, des ombres. [On observe parfois un] retournement
épidermique de l'espace urbain à travers ses différentes
composantes (architecture, luminosité, cops, rythmes, images...). Si
l'on se représente la ville de la manière suivante, il devient
tout de suite plus compréhensible que l'apparition du numérique
dans la sphère urbaine puisse apparaitre comme une abîme dont on
ne peut jauger la profondeur et qu'on ne peut effleurer de nos sens. Alors que
la technologie est largement tolérée par les touristes lorsqu'il
s'agit d'effectuer des déplacements comment expliquer sa mise au rebut
lorsqu'il s'agit d'aborder la culture. Cet aspect de l'urbanité vue
comme « diffuse » peut répondre à ce problème.
En effet, si le numérique est mieux accepté dans le processus de
recherche d'information sur l'offre de transport, c'est peut-être parce
que le concept même du transport, que l'on peut définir par un
échange de flux, d'un point A à un point B est lui-même
impalpable. Certes les outils permettant le transport sont palpables, tout
comme les outils qui permettent la diffusion de la technologie, mais l'action
d'être transporté, est au même titre que l'action de se
connecter à un serveur est impalpable car immatérielle.
13 Alain MONS, La ville diffuse : les images, le reste et
l'aura (p.109) dans « Les lieux du sensible : villes, hommes, images
»
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La relation que l'on entretien avec la culture est au
contraire plus charnelle si l'on puit le qualifié ainsi. De par nos
sens, nous cherchons à nous approprier des éléments
témoins du temps, de l'histoire et de la vie. Nous recherchons à
construire des liens forts et durables afin de nourrir nos souvenirs, en
feuilletant les pages d'un vieux manuscrit, en scrutant les reliefs
chaloupés d'une sculpture antique, en humant les parfums enivrant qui
émanent d'un fût de bois ayant servi à la conservation du
vin, en appréciant le craquement d'un vieux parquet de bois ou en se
délectant des trésors gastronomiques de nos régions.
Partant de ce constat, il apparaît largement concevable que la
technologie, génératrice de liens faibles soit moins bien
acceptée dans ce milieu.
Afin de comprendre de quelle manière se comporte les
touristes au contact du numérique, observons les résultats du
travail ethnographique effectué à la Cité du Vin.