Introduction
La bonne avancée du BIM est avant tout une histoire de
collaboration et une nouvelle façon de travailler. Après avoir
explicité les généralités concernant le BIM, je
vais décrire les problèmes inhérents du BIM sous un volet
juridique et contractuel. En effet, une nouvelle façon de travailler
induit de nouvelles interrogations d'ordre juridique.
Les deux prochaines parties seront illustrées par les
avis de professionnels de professions différentes que j'ai
interrogé tout au long de ce semestre:
· Maître Benoit-Renaudin : Docteur en droit, avocate
collaboratrice dans le cabinet Martin & Associés
spécialisé en droit immobilier, et plus particulièrement
en droit de la construction et en droit de l'urbanisme.
· Monsieur Trehen : Architecte DPLG16 et
responsable BIM au sein de la multinationale Egis (Maitrise d'ouvrage et
conseil).
· Monsieur Darremont : chef de département
transition numérique bâtiment et BIM à la
Fédération Française du Bâtiment (représente
les principaux constructeurs et maîtres d'ouvrages français).
· Monsieur Celnik : architecte DPLG, directeur du
Mastère spécialisée BIM à
l'ENPC17/ESTP18 et auteur de plusieurs ouvrages
spécialisé en la matière.
Afin de mieux comprendre le fil conducteur de mon
mémoire, il m'a semblé important de développer certaines
notions juridiques de base:
· Toutes les règles de droit suivent une
échelle hiérarchique bien déterminée. Elle est
décrite dans la pyramide de la hiérarchie des normes
(ci-dessous). Elle permet de garantir la cohérence de l'Etat de Droit
qu'est la France. Toutes les normes supérieures prévalent sur
celles qui leur sont inférieures. Par exemple, un contrat ne devra pas
déroger à une loi qui lui est supérieure. Cette pyramide
des règles de droit
16 Diplômé Par Le Gouvernement
17 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
18 Ecole spéciale des TZravaux Publics
23
a été créé par Hans Kelsen
(1881-1973), théoricien de droit. Ainsi, durant la suite de mon
développement, je suivrai cette hiérarchie des règles de
droit en commençant par décrire les problèmes juridiques
à l'échelle européenne (cf sur le schéma ci-dessous
droit international et communautaire) et française (lois, décret,
etc.) puis je terminerai par les problèmes d'ordre contractuel
situé en bas de celle-ci.
CONTRAT
Fig. 9 Pyramide des Normes simplifiée [
http://stephanebernhard.franceserv.com/wp-content/uploads/2015/11/pyramide.jpg]
· Il existe deux grandes branches qui régit les
personnes entres eux:
o le Droit privé19 : régit les
relations entre personnes privées20 (particuliers,
entreprises privées, etc.).
o le Droit public21 : régit les relations
entre personnes publiques22 (l'état, les collectivité
territoriales, etc.) entres-elles et entre les personnes publiques et personnes
privées.
Lors de mon mémoire je ferai généralement
référence au droit public car le droit privé dans le
milieu de la construction y est beaucoup moins exigeant.
· Je ferai aussi référence à
différents codes juridiques où sont inscrites les lois:
o Le Code Civil23 (abrégé C. Civ. ou
CC) : Ce code régit l'ensemble des règles qui déterminent
le statut des personnes (livre Ier), celui des biens (livre II) et
celui
19 [Voir glossaire page 103]
20 [Voir glossaire page 103]
21 [Voir glossaire page 103]
22 [Voir glossaire page 103]
des relations entre les personnes privées (livres III et
IV). Il a été promulgué sous l'Empire Napoléonien
le 21 Mars 1804.
o Le Code de la Construction et de l'Habitation24
(abrégé CCH) : ce texte regroupe les dispositions
législatives et réglementaires relatives à la
construction, à la promotion immobilière, aux logements sociaux
et à d'autres questions relatives à l'immobilier.
o Le Code de la Propriété
Intellectuelle25 (abrégé CPI) : Il regroupe les lois
régissant les deux branches de la propriété
intellectuelle, que constituent la propriété industrielle et la
propriété littéraire et artistique. Il est souvent mis
à jour par le Parlement puisque nous sommes au coeur de la transition
numérique du pays, et donc, les protections évoluent sans
cesse.
· La jurisprudence26 qui est une source de
règles de droit. Je tiens à préciser qu'elle est
aujourd'hui inexistante concernant le BIM. Je n'y ferai donc pas
référence.
24
23 [Voir glossaire page 103]
24 [Voir glossaire page 103]
25 [Voir glossaire page 103]
26 [Voir glossaire page 103]
25
A - Constats législatifs
1 # Constat Législatif en France
a - Directive27 européenne du 26
Février 2014
La législation en France relative au BIM et à
l'encadrement de son utilisation dans les marchés de travaux est encore
très floue. Il n'existe aucun texte français mentionnant
explicitement l'utilisation du BIM dans les marchés de travaux. Les
marchés privés de travaux ne sont pas réglementés
au terme de BIM puisque les personnes privées entre elles restent libres
d'utiliser les outils qu'elles veulent. Ce type de marché n'obligera
donc jamais l'utilisation du BIM.
En marché public, une directive européenne
2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014
sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive
2004/18/CE a vu le jour. Celle-ci dans son chapitre II, relative aux
règles générales, cite dans son article 22 sur les
règles applicables aux communications:
«1. Les États membres veillent à ce que
toutes les communications et tous les échanges d'informations
effectués en vertu de la présente directive, et notamment la
soumission électronique des offres, soient réalisés par
des moyens de communication électroniques, conformément aux
exigences du présent article. Les outils et dispositifs utilisés
pour communiquer par des moyens électroniques, ainsi que leurs
caractéristiques techniques, ne sont pas discriminatoires, sont
communément disponibles et compatibles avec les TIC
généralement utilisées, et ne restreignent pas
l'accès des opérateurs économiques à la
procédure de passation de marché.
Nonobstant le premier alinéa, les pouvoirs
adjudicateurs ne sont pas tenus d'exiger l'utilisation de moyens de
communication électroniques lors du processus de soumission
dans les cas suivant:
a) en raison de la nature spécialisée du
marché, l'utilisation de moyens de communication électroniques
nécessiterait des outils, des dispositifs ou des formats de fichiers
particuliers qui ne sont pas communément disponibles ou pris en charge
par des applications communément disponibles;
b) les applications prenant en charge les formats de
fichier adaptés à la description des offres utilisent des formats
de fichiers qui ne peuvent être traités par aucune autre
application ouverte ou communément disponibles ou sont soumises à
un régime de licence propriétaire et ne peuvent être mises
à disposition par téléchargement ou à distance par
le pouvoir adjudicateur;
4. Pour les marchés publics de travaux et les
concours, les États membres peuvent exiger l'utilisation d'outils
électroniques particuliers tels que des outils de
modélisation électronique des données du bâtiment ou
des outils similaires. Dans ces cas, les pouvoirs adjudicateurs
offrent d'autres moyens d'accès, selon les dispositions du paragraphe 5,
jusqu'à ce que ces outils soient devenus communément disponibles
au sens de paragraphe 1, premier alinéa, deuxième
phrase.»28
27 [Voir glossaire page 103]
28
http://www.marcheCpublic.fr/Directive0144CUE/22CreglesCapplicablesCauxCcommunications.html
26
Ainsi, à l'échelle européenne, il s'agit du
seul texte mentionnant implicitement l'usage du BIM dans les marchés
publics. Les états «peuvent exiger l'utilisation» seulement
c'est à dire que chaque état membre a le choix d'imposer ou non
l'utilisation du BIM dans leurs marchés publics de travaux. Cette
directive reste donc très large et fait indirectement
référence au BIM et à la maquette numérique. De
plus, elle se réduit aux maîtres d'ouvrages publics et non au
maîtres d'ouvrages privés, ce qui réduit son champ
d'application de manière importante à tous les types de
marchés de travaux.
S'agissant d'une «directive européenne», comme
son nom l'indique, a été instauré à
l'échelle européenne c'est à dire que «ce texte lie
les États destinataires de la directive quant à l'objectif
à atteindre, mais leur laisse le choix des moyens et de la forme pour
atteindre cet objectif dans les délais fixés par
elle»29. Elle a donc une force obligatoire dans chaque pays
membre mais chacun modifie leurs textes de leur propre manière.
b # La transposition de cette directive dans le droit
français
S'agissant d'une directive européenne, la France a
dû ainsi la transposer dans son droit. Il s'agit donc de
l'ordonnance30 du 23 Juillet 2015 relative aux marchés
publics et de son décret31 d'application du 25 Mars 2016.
Comme j'ai pu le dire précédemment, la directive
n'est pas directement relative au BIM puisqu'elle se limite à
l'utilisation «d'outil électronique d'échanges et de
communication»32. S'agissant d'une directive, l'état
français pouvait transposer celle-ci de sa propre façon tant que
les objectifs y soient réalisés. Les praticiens du droit ont
ainsi voulu transposer directement celle-ci en mentionnant «la
faculté des pouvoirs adjudicateurs de recourir à l'utilisation
d'outils électroniques tels que des outils de modélisation du
bâtiment ou des outils similaires pour les marchés de travaux et
les concours»33. Ils mentionnent donc la possibilité aux
maîtres d'ouvrage public d'obliger l'utilisation du BIM indirectement
pour des projets d'ordres publics. C'est donc chaque maître d'ouvrage
public qui a le choix d'imposer ou non son usage.
29
http://www.vieCpublique.fr/decouverteCinstitutions/unionCeuropeenne/action/textesCjuridiques/quCestCceCquCdirective.html
30 [Voir glossaire page 103]
31 [Voir glossaire page 103]
32
http://www.marcheCpublic.fr/Directive0144CUE/22CreglesCapplicablesCauxCcommunications.html
33 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, p.9
27
Ce texte étant réduit à «l'appel
d'offre et aux concours» cela oblige soit les acteurs déjà
utilisant le BIM dans leur structure à participer, ce qui réduit
le choix des participants soit obliger les autres structures qui n'ont pas
encore installer le BIM à s'y mettre dans un futur proche afin de
pouvoir concourir à ce genre d'offre de marché de travaux.
Ci-dessous, l'article 42 du décret:
«I. - Les dispositifs utilisés pour communiquer par
des moyens électroniques ainsi que leurs caractéristiques
techniques ne sont pas discriminatoires et ne restreignent pas l'accès
des opérateurs économiques à la procédure de
passation. Ils sont communément disponibles et compatibles avec les
technologies de l'information et de la communication généralement
utilisées.
Les outils et les dispositifs de communication et
d'échanges d'information par voie électronique répondent
à des exigences minimales déterminées par
arrêté du ministre chargé de l'économie.
II. - L'acheteur assure la confidentialité et la
sécurité des transactions sur un réseau informatique
accessible de façon non-discriminatoire selon des modalités
fixées par l'arrêté mentionné au I. Les frais
d'accès au réseau restent à la charge de
l'opérateur économique.
Les communications, les échanges et le stockage
d'informations sont effectués de manière à assurer
l'intégrité des données et la confidentialité des
candidatures, des offres et des demandes de participation et à garantir
que l'acheteur ne prend connaissance de leur contenu qu'à l'expiration
du délai prévu pour leur présentation.
III. - L'acheteur peut, si nécessaire, exiger
l'utilisation d'outils et de dispositifs qui ne sont pas communément
disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des
données du bâtiment ou des outils similaires. Dans ce cas,
l'acheteur offre d'autres moyens d'accès au sens du IV, jusqu'à
ce que ces outils et dispositifs soient devenus communément disponibles
aux opérateurs économiques.
IV. - L'acheteur est réputé offrir d'autres moyens
d'accès appropriés dans tous les cas suivants:
1° Lorsqu'il offre gratuitement un accès sans
restriction, complet et direct par moyen électronique à ces
outils et dispositifs à partir de la date de publication de l'avis
d'appel à la concurrence ou de la date d'envoi de l'invitation à
confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle
invitation, à compter du lancement de la consultation. Le texte de
l'avis ou de l'invitation à confirmer l'intérêt
précise l'adresse internet à laquelle ces outils et dispositifs
sont accessibles;
2° Lorsqu'il veille à ce que les opérateurs
économiques n'ayant pas accès à ces outils et dispositifs
ni la possibilité de se les procurer dans les délais requis,
à condition que l'absence d'accès ne soit pas imputable à
l'opérateur économique concerné, puissent accéder
à la procédure de passation du marché public en utilisant
des jetons provisoires mis gratuitement à disposition en ligne;
3° Lorsqu'il assure la disponibilité d'une autre voie
de présentation électronique des offres.»34
Ce décret un peu «timide» dans l'utilisation du
BIM dans les marchés publics est du à plusieurs raisons. En
effet, les outils numériques permettant l'utilisation du BIM et la
34
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/3/25/EINM1600207D/jo#JORFSCTA000032296577
28
création de la maquette numérique ne sont pas
«communément disponibles». Les outils ne sont pas encore
suffisamment développés et coûtent chers à l'achat
et l'utilisation. Ce serait discriminatoire d'obliger l'utilisation de
matériel informatique que tout le monde ne pourrait obtenir car certains
marchés seraient seulement accessibles par les grosses structures qui
ont les moyens de payer ce genre de nouveaux outils informatiques. Les textes
n'obligent pas l'utilisation du BIM mais ne l'interdit pas non plus. Chaque
maître d'ouvrage public est donc libre ou non d'obliger son
utilisation.
c#La Loi MOP
La loi MOP35 du 12 juillet 1985 relative à la
maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la
maîtrise d'oeuvre privée est une loi française qui
régit les relations entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise
d'oeuvre. Elle très importante dans le droit français. Mais
faudrait-il la modifier pour faire avancer l'apparition de ce nouvel outil de
travail dans les marchés de construction publics?
Elle n'interdit en aucun cas l'utilisation du BIM. C'est pour
cela, qu'il existe déjà plusieurs cas d'opérations
publiques qui ont vu le jour en France. «Lors de la phase de mise en
concurrence qui est régit par de forts principes de liberté
d'accès, d'égalité de traitement et de transparence des
procédures»36 ne peut obliger tous les candidats
à recourir au BIM lors de cette phase car cela créerait des
discriminations. Ce qui n'incite pas forcément les acteurs qui veulent
postuler à des offres de se mettre au BIM.
La modifier permettrait sans doute d'améliorer plusieurs
points afin d'incorporer cette nouvelle façon de procéder. La loi
MOP a 30 ans. Lui apporter une certaine souplesse juridique serait
sûrement judicieux afin de l'adapter aux nouvelles technologies:
· Tout d'abord cela permettrait de l'adapter aux types de
rendus attendus avec le BIM et à prendre en compte une plus grande
complexité des acteurs induite par cette nouvelle façon de
travailler. En effet, dans un processus BIM les exigences de rendu sont
différentes et la phase de conception y est beaucoup plus poussée
et arrive plus tôt dans le processus contrairement à un processus
non «Bimé». «Les textes doivent
35 [Voir glossaire page 103]
36 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin
(2016), Le BIM Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p.,
p.14
29
donc être assouplis pour éviter une distorsion entre
les exigences réglementaires et la réalité du processus de
conception».37
· La loi MOP n'adapte pas son application à des
marchés qui demandent des livrables autres que des plans 2D. Or, ici
nous parlons de niveaux de détail (se référer à la
première partie). Avant les livrables étaient
séquencés de ESQ à DET. La loi MOP indiquait donc le
rapport entre les acteurs en fonction de la phase d'exécution du
marché. Avec l'arrivée du BIM, nous parlons de
séquençage par niveau de détail, ce qui change beaucoup de
choses quant à la succession des tâches et rend le rapport entre
les acteurs bien plus complexe.
· De plus, certains législateurs estiment important
de réglementer la mission de BIM Manager38. En effet, il
s'agit du nouveau chef d'orchestre du processus BIM et il faut donc
régulariser au moins dans ses grandes lignes, ses responsabilités
et ses limites de «pouvoir» dans un projet pour qu'il n'y ait pas
d'immixtion fautive39 en cas de problème. Je reviendrai plus
précisément sur ce nouvel acteur dans ma dernière
partie.
· De plus, elle doit être adaptée afin de
rendre possible le rendu exclusif en BIM sur un projet, ce qui est difficile
à l'heure actuelle.
d # Les autres initiatives de l'état
français
De grands acteurs du secteur de la construction (Maîtres
d'ouvrage, constructeurs, etc.) se sont mobilisés avec la demande de
certains ministères afin d'aider et d'accélérer en
quelques sortes l'émergence du BIM dans la filière. Il en existe
un certain nombre dont je vais faire l'état des lieux:
· Rapport de la mission «Numérique du
Bâtiment» de 2014
Ce rapport de mission lancé à l'initiative du plan
de relance de la construction lancé par Sylvia Pinel, Ancienne Ministre
du logement, de l'égalité des territoires et de la
ruralité divulgué le 2 Décembre 2014 et dirigé par
Monsieur X. Delcambre (Président du CSTB40) nommé
«ambassadeur du numérique» a été lancé.
Ce rapport partait du constat que la
37 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.15
38 [Voir glossaire page 103]
39 [Voir glossaire page 103]
40 [Voir glossaire page 103]
30
construction de logement devait être
améliorée, en particulier par l'utilisation du numérique
pour produire des logements de meilleure qualité et satisfaisants aux
enjeux environnementaux actuels. Ce rapport a permis à plusieurs
dizaines d'acteurs, qu'ils viennent du secteur privé ou public, de
donner leurs avis. Tous les acteurs attendent de l'état français
qu'il mette en oeuvre une mécanique afin de faciliter l'utilisation du
BIM dans le secteur. Il faut qu'il «fixe le cap en montrant la voie,
l'Etat peut mobiliser et entraîner l'ensemble des acteurs dans une voie
de progrès majeure pour le monde du bâtiment»41.
L'état doit donc être un chef d'orchestre dans la bonne
avancée du secteur. Il s'agit en quelque sorte d'un état des
lieux et d'une feuille de route permettant aux différents acteurs de
savoir comment avancer dans le numérique au niveau de leur structure. Il
permet de définir «les perspectives de gains liés à
l'usage du numérique dans le bâtiment en matière
d'économie pour les travaux de construction, d'entretien, de maintenance
et d'exploitation des bâtiments, de productivités liées
à une meilleure maîtrise de l'information, et de création
d'emplois»42.
Ce rapport suit quatre axes:
· Convaincre et donner envie à tous les acteurs
· Répondre aux besoins d'équipement et de
montée en compétences numériques des acteurs, notamment
des TPE/PME
· Développer des outils adaptés à la
taille de tous les projets
· Installer la confiance dans l'écosystème du
numérique Français
Grâce à ce rapport, le plan Transition
Numérique dans le Bâtiment (PNTB) vise donc à
accélérer le déploiement des outils numériques
à l'échelle de l'ensemble du secteur du bâtiment et ainsi
convaincre les acteurs sceptiques de s'y mettre. Il correspond donc à
une première initiative du gouvernement dans le but de lancer la
révolution numérique dans le bâtiment en France.
L'année 2014 peut donc être considéré comme
l'année «0» du BIM en France.
41 B. Delcambre, Rapport Delcambre, Mission Numérique du
Bâtiment, 2 Décembre 2014, p.5
42 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.11
31
Le rapport de la mission «Droit du Numérique
& Bâtiment» de 2016
Ce rapport, plus conséquent que le
précédent, a été lancé en 2009 et a
été publié le 31 Janvier 2016. Il a été
présenté par le groupe de travail constitué par Xavier
Pican, Avocat Associé chez Lefèvre Pelletier et Associés
et présenté au Président du Conseil supérieur de la
construction et de l'efficacité énergétique et au
Président du Plan Transition Numérique du bâtiment. Ce
rapport s'inscrit dans la continuité du plan Transition numérique
du bâtiment mais «se fixe plus précisément sur les
implications juridiques de l'entrée du secteur du bâtiment dans le
numérique»43. L'étude de ce rapport est
importante pour la suite de mon mémoire puisqu'il fait l'état des
lieux des problèmes juridiques du BIM quant aux règles
contractuelles, aux données de la maquette numérique, aux
responsabilités, etc.
Le PUCA44
La Plan Urbanisme Construction Architecture est un organisme
d'état dépendant du ministère de la transition
écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des
territoires qui oeuvre beaucoup sur la question du BIM. Il a été
créé en 1998 et développe à la fois des programmes
de recherche incitative, des actions d'expérimentation et apporte son
soutien à l'innovation et à la valorisation scientifique et
technique dans les domaines de l'aménagement des territoires, de
l'habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine.
Concernant le BIM, il oeuvre depuis 2013 à proposer des cadres de
référence contractuels visant à sécuriser les
échanges dans les processus Bimés, le programme « BIM -
Maquette numérique » entre dans une phase où il s'agira de
démontrer l'apport du BIM sur l'amélioration du ratio
coût/bénéfice du projet et sur le développement du
travail collaboratif.
Le MIQCP45
Il s'agit de la Mission Interministérielle pour la
Qualité des Constructions Publiques composé d'architectes
conseils et initié par le PTNB. Ils ont mis au point un rapport servant
de guide aux maîtres d'ouvrages publics souhaitant se lancer dans le BIM
dans leurs projets de construction. Il a pour objectif, en plus de mettre en
avant les nombreux intérêts qui
43 F. Hovorka et P. Mit, Plan Bâtiment Durable,
Rapport groupe de travail BIM et Gestion du patrimoine Mars 2014, Un avatar
numérique de l'ouvrage et du patrimoine au service du bâtiment
durable: le « Bâtiment et Informations Modélisés
» (BIM)
44 [Voir glossaire page 103]
45 [Voir glossaire page 103]
32
doivent conduire un maître d'ouvrage à mettre en
place une démarche BIM sur les
opérations qu'il lance, de donner des
éléments pragmatiques des actions qu'il doit mener à cette
fin.
· Charte d'engagement volontaire de la
filière du bâtiment «Objectif BIM 2022»
Le PTNB porté depuis 2015, a largement initié la
transition vers le numérique avec l'ensemble de la filière autour
de trois axes essentiels:
· Faire connaître et donner envie de recourir au
numérique,
· Accompagner les acteurs dans leur montée en
compétences,
· Donner et créer un écosystème de
confiance.
La charte marque l'engagement volontaire opérationnel de
l'Etat et de l'ensemble de la filière du bâtiment à viser
la généralisation du BIM en 2022 pour la construction neuve.
L'objectif est aussi d'accorder une attention particulière à
l'adaptation du BIM à toutes les tailles d'entreprises pour une
durée de 5 ans.
· L'association Medi@construct
MediaConstruct représente l'association BuildingSMART en
France. Elle s'occupe de généraliser le partage de données
dématérialisées dans la construction (Open-BIM) et
facilite l'émergence de nouvelles méthodes de travail
collaboratives. Elle a mise en place une «convention BIM» type
permettant les acteurs à préparer leurs projets BIM.
2 - Et les autres pays : où en
sont#ils?
Les pouvoirs publics français ont été un
peu « timides » et aurait pu aller beaucoup plus loin dans cette
transposition en s'inspirant de ce qui se fait dans d'autres états
membres comme le Royaume-Uni, Les Pays-Bas, le Danemark, etc. En effet,
certains d'entres eux ont «voulu rendre l'utilisation du BIM obligatoire
pour les projets de constructions publics»46 de grandes
envergures, permettant ainsi de donner l'exemple.
46 Anne-Marie Bellenger et Amélie
Blandin (2016), Le BIM Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions,
192p.
33
Les pays du monde ont ainsi adoptés différentes
stratégies dans la mise en place du BIM au sein de leur territoire.
· En ce qui concerne les pays scandinaves, connus pour
être souvent plus en avance dans de nombreux secteurs, imposent le BIM
depuis plusieurs années, chacun de manières
différentes:
o La Finlande a rendu obligatoire son utilisation dans toutes
les constructions (privés et publics) qui ont un coût
supérieur à 2 millions d'euros depuis 2007.
o En Norvège, le ministère s'occupant de la
gestion du patrimoine l'a imposé en 2010 pour tous les projets de
construction.
o Les Pays-Bas ont rendu obligatoire le BIM depuis 2011 dans
tous ces grands projets publics.
· Le Royaume Uni, considéré comme le leader
en Europe, a rendu obligatoire législativement le BIM Niveau 2 depuis
2016 pour tous les projets gouvernementaux (marché public) et a mis en
place un protocole national «contrairement au guide Medi@Construct, qui
relève, lui, d'une initiative essentiellement
privée»47 afin de montrer que l'on peut diminuer le
coût des construction de 20% en utilisant le BIM. Mais cet objectif est
encore loin d'être atteint.
· D'autres pays, hors Europe, sont également plus
avancés qu'en France:
o Hong Kong, le BIM a été rendu obligatoire en
2014 pour tous les marchés publics.
o Singapour a rendu obligatoire le BIM dans toutes les
constructions. Pour cela, l'état a mis en place des subventions, des
formations et depuis 2011 la soumission électronique du permis de
construire.
o En Corée du Sud, le BIM est obligatoire pour tous les
projets de plus de 50 millions d'Euros.
o Les Etats-Unis, depuis 2007, impose son utilisation pour tous
les projets d'ordre public. La ville de New-York, par exemple, a
créé son propre «guide BIM».
47 D. Richard, «BIM : analyse et perspectives de l'immeuble
numérique», Construction-urbanisme N°12, Décembre
2017
· Concernant les autres pays comme l'Espagne, l'Italie,
l'Allemagne et les pays d'Europe de l'Est ils sont plus en retard que la France
mais commencent à se rendre compte de l'importance d'effectuer cette
transition numérique dès maintenant.
volution du pourcentage des entreprise
Évolution du pourcentage des entreprises
e la construction avec pus de 30 % de projets BM
de la construction avec plus de 30 % de projets BIM
ntre 2013 et 2015 ((c) McGraw-Hill 2013)
entre 2013 et 2015 ((c) McGraw-Hill, 2013)
|
ombre dannées dexpérience des maîtres
douvrage Nombre d'années d'expérience des maîtres
d'ouvrage
utilisant le BIM (par région/pays) ((c) McGraw-Hill,
2013)
ilisant le BM (par région/pays) ((c) McGraw-Hill
2013)
|
|
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|
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|
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|
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|
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|
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|
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|
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|
|
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|
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|
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|
|
|
|
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Norvè 2005
20
États-Unis
États-Un 2006
20
Danemark
Danema 2007
20
Finlande
Finlan 2007
20
Corée du Sud
Corée du S
20120 Australie
Austra 20112 Singapour
Singapo 201220 Pays-Bas
Pays-B 201220
Émirats arbes unis 2014
Émirats arabes un 20 Hong Kong
Hong Ko 201420 Royaume-Uni
Royaume-U 201620 Russie
Russ En cours
En cou
Chili
Ch En cours
En cou
Espagne
Espag 2018-20
2018-20
Allemagne
Allemag 20
20
BIM en voie d'adoption (actions
d'implémentation sans obligation) BM en voie d'adoption
(actions dimplémentation sans obligatio
Afrique du Sud Afrique du S Autriche Autric Belgique Belgiq
Brésil
Bré
Cand
Cana
Chine
Chi
Estonie Eston
|
France
Fran
Hongrie
Hong Irlande
Irlan Islande
Islan Japon
Jap Lituanie
Lituan Malaisie
Malais
|
Nouvell-Zélande
Nouvelle-Zélan Pologne
Polog
Portugal Portug
Suède
Suè Suisse
Suis
|
|
34
Fig. 10 Série de schémas tirés du
Manifeste «conduire la transformation digitale» publié par
MediaConstruct
35
3 - La France en retard? :
Analyse critique
Comme j'ai pu le dire précédemment, la directive
européenne de 2014 laisse le choix aux états membres de l'Union
d'imposer ou non le recours au BIM dans leurs marchés de travaux. Les
législateurs français n'ont rien imposé et laissent une
totale liberté quant à son utilisation ou non. Malgré le
fait qu'il n'y ait pas de cadre juridique particulier spécifiant
explicitement l'utilisation du BIM dans les marchés de travaux, son
utilisation reste possible puisqu'il s'agit seulement d'une nouvelle
façon de travailler fondée sur la collaboration des acteurs
autour d'une maquette numérique. Cela ne doit absolument pas conduire
à écarter cette méthode de travail car les lois n'y sont
pas incompatibles. Certaines dispositions, de la loi MOP et de la commande
publique (très vieilles maintenant), restent obsolètes et ne sont
pas optimalement adaptées aux outils numériques notamment sur les
règles de transmission des documents qui est différents sous la
méthode BIM.
L'état français a donc fait le choix de ne pas
imposer. Il a principalement émis des rapports (Pican, Delcambre, etc.)
qui sont des sortes « d'audit » de l'état actuel du BIM, cela
a permis de se poser des questions sur cette nouvelle méthode de travail
et voir les problématiques que pose son apparition. Toutes ces
initiatives, en relation directe avec le gouvernement, montrent une
volonté d'effectuer cette transition numérique du bâtiment
mais non dans la voie de la contrainte législative. La France n'a pas
choisi de forcer son utilisation qui serait sûrement un peu
périlleuse et aurait sûrement engendré des problèmes
liés à la concurrence. C'est une approche plus évolutive
dans le but d'habituer petit à petit le marché jusqu'à
2022. "La faiblesse du cadre légal ne traduit pas un manque
d'intérêt pour le BIM»48. Cette approche reste
cependant très contradictoire face à l'état de droit
qu'est la France entouré du Code Civil et de son millefeuille
administratif et où l'utilisation de normes est souvent sans limite.
Voyons maintenant les avis des différents professionnels
que j'ai pu interrogé concernant la faiblesse du cadre légal en
France:
· Selon les propos recueillis par Monsieur Trehen :
« Je ne sais pas pourquoi on évolue pas plus vite
juridiquement. En effet, je suis arrivé en 2012 et avant j'étais
à l'étranger chez AutoDESK qui est une société
américaine et qui ne s'occupe pas que d'un seul pays.
48 D. Richard, «BIM : analyse et perspectives de
l'immeuble numérique», Construction-urbanisme N°12,
Décembre 2017
36
Quand je suis arrivé chez EGIS, c'est la
première chose que j'ai remarquée. J'étais vraiment
étonné qu'il ne fasse pas plus de loi pour que cela avance parce
que si cela reste au bon vouloir des uns et des autres on sera prêt en
2035. Et oui, c'est très français ! Je ne sais pas ce que l'Etat
attend. C'est dans la culture française à mon avis.
Cela ne se fait pas de faire la version 2 de quelque chose qui a
été fait en version 1 par quelqu'un d'autre. En fait, si un tel
fait quelque chose, cela ne viendrait pas à l'idée de faire la
version 2 de celui qui a fait la version 1. C'est ça le fond du
problème en France, c'est totalement sidérant, alors que dans
tousles autres pays du monde lorsque quelque chose est bien faite les gens le
prenne et l'enrichisse. En France, lorsque une chose est bien faite,
tout le monde va commencer à dire que ce qui a été fait
est mauvais et on va recommencer nous-même. C'estfou mais c'est
comme ça ! [...] Inspirer, faire connaître, solliciter, conseiller
mais au bout du compte, on a rien. Le manifeste qu'ils viennent de créer
et signer en début d'année avec le gouvernement, c'est une charte
numérique dans le cadre de la transition numérique qui inscrit en
dur que d'ici 2022 : on ne fera rien ! C'est vraiment une catastrophe
numérique pour la France. Ce rapport s'intitule «Objectif BIM
2022». Ce qui est étonnant c'est que tout le monde est content de
cela et tout le monde se réjouit de cela. Cela montre encore une fois
que cela impose que chacun fasse ce qu'il veut en matière de BIM. [...]
On va évoluer mais chacun dans son coin. On est encore chez les
Gaulois. Cela augmente le fait qu'il y a encore rien de
normalisé. Voilà le fond du problème. Au jour
d'aujourd'hui des gens se plaignent parce que tel BIM Manager fait ceci, tel
BIM manager fait cela, telle assurance veutfaire ceci, telle assurance
veutfaire cela, tel syndicat veutfaire ceci, tel syndicat veutfaire cela, etc.
Il y a donc rien de cohérent, tout le monde fait ce qu'il veut. Un
maître d'ouvrage peut dire ce BIM manager il est bien mais celui
là l'est moins. Il ne peut pas puisque de toute façon chacun fait
ce qu'il veut. C'est donc du copinage, cela induit des erreurs et on perd du
temps. [...]
- Stanislas Audibert : La France n'impose donc rien alors que
d'autres pays le font dans les marchés publics selon certains
critères. On ne pourrait pas obliger par exemple les constructions de
plus de 10 millions d'euros à utiliser le BIM. C'est ce que je trouve
étonnant au niveau de l'Etat français. Qu'en pensez-vous?
- Monsieur TREHEN : La notion d'imposer le BIM selon
certains critères est toujours délicat. On ne peut pas l'imposer
en France parce qu'on ne l'a toujours
37
pas définit. Pour imposer quelque chose il
faut le définir. En Angleterre par exemple, ils disent
il faut travailler de telle façon mais vous devez nous fournir un format
commun, vous devez fournir la base de données dans ce format là.
Et pour le fournir dans ce format là, je vous incite à travailler
en BIM. En France, c'est ni l'un ni l'autre c'est à dire que l'on
ditjuste «on fait du BIM». C'est vrai que l'on ne peut pas l'imposer
parce que on ne sait pas de quoi on parle.
- Stanislas Audibert : De grands rapports sont sorties (Rapport
Pican, etc.) sont-ils, selon vous, importants pour l'avancée du BIM en
France?
- Monsieur TREHEN : Oui bien sûr ! Il faut quand
même reconnaitre ce qui est bon de ce qui a été fait. Pour
autant, le PTNB est passé à côté de certaines
choses. Certains rapports sont initiés par le PTNB qui est en quelques
sortes la voie de la France sur le sujet. Et on a besoin d'avoir la voie de la
France. Parce que tout le monde a son opinion. C'est un bon début,
c'est un référentiel. Il faut lire le rapport de
la MIQCP venant de l'état et soutenu par le PTNB qui prend en compte la
loi MOP. C'est un outil de référence et on
attend cela dans tous les domaines ».
· Propos recueillis par Maître C. Benoît
Renaudin : « En France il y a tout simplement des
lobbies. En France, on ne peut pas faire ce que l'on veut, parce que
cela n'arrange pas tout le monde. Vous auriez été en
études d'avocats vous aurez eu des questions sur: est ce que c'est la
pratique qui précède le droit ou l'inverse ? En l'occurrence, le
législateur, dans le BIM se dit faites comme vous voulez et on verra
dans quelques années. Ce n'est pas sa priorité. On
soutient l'initiative privée et après on verra si l'on impose
quelque chose au niveau public. Par exemple, la loi MOP a mis des
années à être créé. Je crois que cela a
duré une vingtaine d'année avant que la loi MOP définitive
sorte en 1985. Pour faire une loi il faut coordonner tout le monde et
cela prend beaucoup de temps de mettre d'accord tout le monde autour d'un
texte. Surtout dans des milieux aussi sensible que le bâtiment
qui est moteur dans l'économie. Faire une loi, c'est très
compliqué. »
· Propos recueillis par Monsieur D. Darremont : «
On est en train de faire un benchmark (de l'anglais référence),
c'est à dire un audit sur tous les pays européens afin de
corriger tous ces discours qui diffèrent. C'est donc un recensement de
ce qui se fait en ce moment
38
et les différentes visions du numérique en
fonction des différents états. On va le sortir d'ici quatre mois.
C'est une vraie étude en dehors de tous les lobbies commerciaux des uns
et des autres. Pour savoir réellement comment les actions existantes ont
été faites et comment elles s'y sont mises. On dit par exemple
que l'Angleterre est plus en avance mais pas tant que ça. Ce qui a
été réellement touché par le BIM en Angleterre ce
n'est même pas 5% de leur marché, lorsqu'on parle d'obligation
bien sûr. Un document officiel est sorti: «charte engagement
volontaire de la filière du bâtiment pour la construction
numérique: objectif 2022». La France a prise une
démarche de long terme. Elle ne voulait pas d'engagement
volontaire. Toute la filière du bâtiment est concernée avec
des acteurs privés, grands groupes et la FFB qui s'y engagent.
En France, on ira vers l'avant par le volontariat. Au niveau
de l'état, c'est donc un engagement au long terme jusqu'à 2022
puisqu'il la signé.
- Stanislas Audibert : Les lois ne vont pas être
changées par conséquent?
- Monsieur Darremont : Ah non ! Il n'y aura aucune
modification de la loi ni de la loi MOP en particulier. En tous cas ce n'est
pas du tout prévu. On fait bien du BIM sans modifier la loi donc la loi
n'a pas à être modifié pour faire du BIM. [...] La plupart
des maîtres d'ouvrage ont signé notre charte pour l'horizon 2022.
Si cela marche nous seront en avance sur les anglais par exemple et
pourtant on n'aura pas fait de loi.
- Stanislas Audibert : Et concernant les pays scandinaves,
où en sont-ils?
- Monsieur Darremont : Alors c'est différent,
le Danemark par exemple a légiféré en 2005 pour
inciter les pouvoirs publics à y aller. Ils obligent à utiliser
le BIM dans les contrats publics mais seulement si cela coûte moins cher
que sans l'utiliser, une démarche très intelligente.
»
Selon les propos recueillis par Monsieur O. Celnik :
- Stanislas Audibert : « J'ai lu que beaucoup de pays
européens essayaient déjà d'imposer le BIM sur certains
projets publics. Et pourquoi la France n'impose rien? On voit même
maintenant des objectifs à 2022. Quand pensez-vous?
39
- Monsieur Celnik : La loi en France ne les impose pas. Du
moins, ce n'est pas imposé par la loi mais la loi permet aux acteurs qui
le souhaitent de l'imposer. C'est le sens de la directive européenne. Je
suis un peu sceptique par rapport à cela. Cécile Duflot disait ce
sera obligatoire en 2017 mais le PTNB ne le rend finalement pas obligatoire. Le
PTNB veut avant tout convaincre et donner envie, renforcer les
compétences, développer les outils adaptés, créer
la confiance sans l'imposer. Mais ce ne sont que des bonnes intentions qui
n'engagent personnes. Même les signataires ont dit qu'ils vont faire du
BIM en 2022.
- Stanislas Audibert : On reste donc au même point, tout
le monde fait ce qu'il veut?
- Monsieur Celnik : Oui exactement, il ne se passera rien
avant 2022. C'estjuste un engagement moral. Alors que si on avait dit, pour des
opérations de plus de 10 millions ou 5 millions, pour les bailleurs
sociaux, les collectivités locales...même cela aurait pu
faire avancer les choses. La RT 2012 par exemple, a été
imposé par la loi. Tout le monde à ce moment là a
grogné en disant que c'est un truc de plus, c'est juste administratif,
cela ne sert à rien... Mais cela oblige à se remuer.
Donc avoir un seuil minimal comme la Grande Bretagne n'aurait pas
été mal je trouve. Qu'on n'oblige pas les petits acteurs mais
pour un gros projet pourquoi pas. Mais il faut prouver les réels
avantages du BIM sur les projets.
La France a donc fait le choix de ne pas imposer le BIM et tous
les acteurs interrogés le regrettent un peu. Ils reviennent souvent sur
le côté bien typique des « gaulois » qui évolue
toujours de leurs propres manières : « En France, lorsque une
chose est bien faite, tout le monde va commencer à dire que ce qui a
été fait est mauvais et on va recommencer nous< même.
»49 ou bien « en France il y a des lobbies
»50. « La France a fait exprès de prendre une
démarche au long terme [...] En France, on ira vers l'avant par le
volontariat. Au niveau de l'état, c'est donc un engagement au long terme
jusqu'à 2022 puisqu'il la signé [...] et si cela marche nous
seront en avance sur les anglais par exemple et pourtant on n'aura pas fait de
loi.»51.
49 Entretien avec J. P. Trehen, Directeur BIM chez EGIS
bâtiment, Janvier 2018
50 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin, avocate
au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés (Paris),
Janvier 2018
51 Entretien avec D. Darremont, Chef de département
transition numérique bâtiment et BIM à la
Fédération Française du Bâtiment (FFB), janvier
2018
40
L'état français aurait pu l'imposer comme tout le
monde avec certains critères déterminés et moins
contraignants mais selon Monsieur Trehen « la notion d'imposer le BIM
selon certains critères est toujours délicat. On ne peut pas
l'imposer en France parce qu'on ne l'a toujours pas définit. Pour
imposer quelque chose il faut le définir. » Cela aurait pu
mettre une première vraie vitesse. C'est normalement à
l'état de montrer l'exemple surtout pour des révolutions aussi
importantes que la Transition écologique et numérique que l'on
vit dans tous les secteurs. Monsieur Celnik donne un très bon exemple de
la RT 2012 permettant d'expliciter le fait de mettre un critère
d'obligation: « Tout le monde à ce moment là a
grogné en disant que c'est un truc de plus, c'est juste administratif,
cela ne sert à rien... Mais cela oblige à se remuer
»52. Maître C. Benoît Renaudin a un avis plus
pragmatique en matière de droit. En effet, selon elle « les
législateurs soutiennent l'initiative privée et après ils
verront si ils imposent quelque chose au niveau public. Pour faire une loi il
faut coordonner tout le monde et cela prend beaucoup de temps de mettre
d'accord tout le monde autour d'un texte. Faire une loi, c'est très
compliqué »47. Les lois ne sont donc pas
prêtes à être modifiées.
La France n'a tout de même pas rien fait mais a sorti
depuis 2014 une succession de rapports qui ont été initié
autour du PTNB. Ceux-ci sont des « référentiels ».
« Il faut quand même reconnaître ce qui est bon de ce qui
a été fait »46.
En comparaison avec les pays d'Europe, on ne peut pas encore
savoir si le cas typique français et des autres pays est finalement
mieux ou pas. Nous n'avons pas encore assez de retour sur expérience. La
France aurait certes pu mieux faire mais il faut quand même raisonner
comme un français. Le Gaulois n'aime pas aller trop vite, il est
indépendant d'esprit, il faut lui laisser le temps d'agir. Et
personnellement je trouve que ce n'est pas une mauvaise chose. On n'est pas
tant en retard que ça finalement en matière de BIM. Attendons
2022 pour en juger réellement. Selon Monsieur darremont : « La
plupart des maîtres d'ouvrage ont signé notre charte pour
l'horizon 2022. Si cela marche nous seront en avance sur les anglais par
exemple et pourtant on n'aura pas fait de loi »53.
52 Entretien avec O. Celnik, Architecte, Directeur du cabinet
d'architecture Z-Studio, professeur et directeur du Mastère
Spécialisé BIM de ENPC/ESTP, Janvier 2018
53 Entretien avec D. Darremont, Chef de département
transition numérique bâtiment et BIM à la
Fédération Française du Bâtiment (FFB), janvier
2018
41
B - Les sources d'interrogations du BIM
Après fait vu le constat législatif du BIM en
France et dans les autres pays du monde, je vais essayer de décrire les
sources d'interrogations qu'engendre l'arrivée du BIM. En effet, le BIM
est nouveau dans ses aspects collaboratifs par conséquent il apporte de
nouvelles interrogations en terme de propriété intellectuelle de
la maquette numérique, de responsabilités,
etc. et oblige à se
réinterroger sur les façons de travailler et de communiquer avec
les autres intervenants.
1 - Notion de propriété intellectuelle et
de droits d'auteur a - Dans un processus classique
Il me semble important de définir quelques notions
juridiques inhérentes au droit d'auteur afin de comprendre ce qu'est au
sens de la loi une oeuvre d'architecture et ce qui peut être
protégé lors de la création d'une oeuvre et par la suite
essayer de comprendre comment l'adapter dans le processus BIM.
Le droit d'auteur d'une oeuvre est définie dans le code
de la propriété intellectuelle (CPI54) et fait partie
de la propriété intellectuelle et artistique. Le droit d'auteur
est« le droit des créateurs, de ceux qui pensent, imaginent,
conçoivent, formalisent et développent ce qui va être
qualifié d'oeuvre de l'esprit, compte tenu de leur apport personnel et
particulier»55. Cette création de l'esprit donne donc
des droits de propriété incorporelle à son auteur afin de
le protéger et évite toute copie de son oeuvre. Cependant, une
création qui peut être définie comme «oeuvre» et
ainsi acquérir automatiquement les caractéristiques juridiques
des droits d'auteur doit être premièrement suffisamment
formalisé et réalisé mais doit surtout avoir un
caractère «original». En effet, cette originalité doit
être une création qui a certaines caractéristiques qui
révèlent l'empreinte de son auteur.
De plus, une oeuvre peut avoir un ou plusieurs auteurs. Il
existe plusieurs types d'oeuvres en fonction de ses auteurs:
54 [Voir glossaire page 103]
55 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.96
·
42
L'oeuvre simple c'est à dire celle qui associe un
auteur unique à une oeuvre (par exemple, le Corbusier et son oeuvre La
Villa Savoye)
· L'oeuvre est dite collective lorsqu'une personne a eu
l'initiative de la création et d'autres personnes ont participé
à sa réalisation. Seul l'initiateur a un droit d'auteur sur
celle-ci et est divulgué en son nom (par exemple, l'artiste Anish
Kapoor56 qui lance une idée d'oeuvre artistique et ce sont
ces salariés qui s'occupe de la réaliser sous sa direction.
L'oeuvre est divulguée en son propre nom et non au nom des autres
participants). Ce type d'oeuvre est défini à l'article L.113-2
alinéa 3 du CPI.
· L'oeuvre dite collaborative où il existe plusieurs
auteurs lors de la création de l'oeuvre, on parlera de coauteurs (par
exemple, le centre Pompidou réalisé par Richard Rogers et Renzo
Piano, c'est une coréalisation où les deux architectes
possèdent les droits d'auteurs de manières indissociables). Ce
type d'oeuvre est défini par l'article L.113-2 alinéa 1 du
CPI.
· Enfin, l'oeuvre dite dérivée ou composite
lorsqu'une oeuvre est ajoutée à une oeuvre qui existe
déjà créées par deux auteurs différents.
Expliciter ces distinctions permettra par la suite de voir de
quel type d'oeuvre rentre la maquette numérique lors de sa
création et de son utilisation et ainsi mieux comprendre qui
possèdent les droits d'auteurs sur celle-ci.
De plus, lorsqu'une oeuvre d'architecture est
créée, il faut bien distinguer également celui qui
possède les droits patrimoniaux (c'est à dire d'exploitation),
définis aux Articles L.122 du CPI, c'est à dire celui qui peut
exploiter le bâtiment, l'utiliser sans le dégrader, en
l'occurrence le Maître de l'ouvrage (le commanditaire de l'ouvrage) et
l'architecte qui possède les droits dit moraux, définis aux
articles L.121 du CPI, et possède donc les droits d'auteurs sur le
bâtiment. Les droits moraux sont incessible57,
perpétuel58 et imprescriptible59.
Cette distinction est également importante afin de savoir
qui possède les droits moraux et les droits patrimoniaux de la maquette
numérique.
56 Anish Kapoor, né le 12 mars 1954 à Bombay en
Inde, est un artiste plasticien (principalement sculpteur) britannique
mondialement connu.
57 [Voir glossaire page 103]
58 [Voir glossaire page 103]
59 [Voir glossaire page 103]
43
De plus, lorsqu'on parle d'oeuvre «architecturale» la
loi la définit à l'article L.112-2 du CPI par «les oeuvres
de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, etc., mais
également les oeuvres graphiques, les plans, croquis et ouvrages
plastiques relatifs à la géographie, à la topographie,
à l'architecture, etc.» Par conséquent, une oeuvre
architecturale rassemble la construction en elle-même mais
également ces plans, coupes et la maquette numérique qui
définit le bâtiment et a permis de le construire. Les droits
d'auteur s'appliquent donc à tous ces éléments. Les droits
patrimoniaux (d'exploitation) et moraux portent sur tous ces points
là.
b - Dans un processus BIM
Dans le cadre d'un processus BIM, on se pose la question des
droits inhérents de propriété intellectuelle de la
maquette numérique mais également de sa base de données et
de sa protection. Celle-ci doit posséder donc des systèmes
juridiques de protection et donne des droits aux auteurs de celle-ci. Le BIM
est avant tout un nouvel outil collaboratif et qui dit collaboration dit
partage de données entre les différents acteurs. Le BIM n'est pas
encore encadré sur ces questions de droits d'auteur en particulier.
Ce qui rend plus complexe la question de droit d'auteur de la
maquette est l'interopérabilité, les niveaux de
définitions et la phase dans lequel on est dans le projet (phase
conception, travaux et exploitation). Il faut également distinguer les
droits d'auteurs des rendus exigées mais qui semble, selon moi,
inchangée car imposée par la loi (loi MOP en particulier) et de
la maquette numérique qui est un problème en fonction du niveau
d'information dans lequel on se situe.
De plus, nous avons vu que le droit d'auteur était
applicable seulement si il y avait la notion d'originalité. Chaque
projet d'architecture étant unique, la maquette numérique et le
processus BIM l'est également. Ce principe semble respecté et le
droit d'auteur semble applicable à la maquette. La maquette
numérique présente plusieurs auteurs puisqu'ils vont venir petit
à petit rajouter leur «oeuvre intellectuelle». Par
conséquent, en fonction de son degré de collaboration et
d'interaction numérique, la maquette numérique pourra être
une oeuvre collaborative, collective ou composite. Le contrat devra notifier de
quel régime la maquette numérique appartient.
·
44
En BIM niveau 2, sachant qu'il n'y pas encore de collaboration
sur la maquette numérique, c'est l'oeuvre dite composite qui pourrait
être la plus adaptée. En effet, «l'oeuvre créé
par le premier intervenant sera incorporée dans l'oeuvre nouvelle du
second. Seul le dernier contributeur aura la qualité d'auteur de
l'oeuvre composite, mais chaque intervenant gardera la qualité d'auteur
sur sa propre contribution prise individuellement»60.
· En BIM niveau 3, nous pourront parlé d'oeuvre
collaborative puisque plusieurs acteurs travaillent en collaboration et
participe à celle-ci mais ce régime de droit commun61
est «difficile à gérer en présence de nombreux
intervenants»62. Il peut également être
prévu que l'oeuvre soit collective. Ce cas pourrait être possible
lorsqu'un promoteur, personne physique63 ou morale64, qui
coordonne tous les acteurs et se verra donc attribuer le droit d'auteur de la
maquette finale. Ce cas sera possible lorsqu'un groupe d'immobilier par exemple
et qui s'occupe de la conception au sein de son groupe. L'entreprise se verra
attribuer les droits d'auteurs de la maquette finale.
En phase exploitation, il faudra que le contrat notifie que la
maquette soit cessible par exemple au syndic de copropriété ou au
maitre de l'ouvrage à titre onéreux ou gratuit. Cela lui
permettra d'utiliser la maquette numérique lors de l'exploitation et
l'entretien du bâtiment sans devoir contacter les acteurs initialement
auteurs de la maquette lors de la conception du bâtiment.
C'est le contrat qui devra définir les auteurs de la
maquette et ceux qui peuvent la modifier. La maquette numérique
étant par nature évolutive, le contrat devra également
spécifier les cessions et concessions de droits patrimoniaux sur
celles-ci notamment lors de la phase exploitation où d'autres acteurs
devront intervenir sur la maquette alors qu'ils ont pas participé
initialement à sa création.
Ces soucis de droits d'auteur doivent être
gérés contractuellement car chaque projet et ses acteurs sont
différents. La protection des données de la maquette
numérique devra être spécifié dans le contrat
également un responsable et les conditions de sa protection
d'après «l'article 34 de la loi «informatique et
libertés», le responsable du traitement, qui devra être
60 Cyril Croix et Danielle Da Palma (Avocats Seban &
Associés), «travailler en mode BIM : Quels risques
juridiques?», publié en Octobre 2016 sur
www.lemoniteur.fr/opeCimmo
61 [Voir glossaire page 103]
62 Cyril Croix et Danielle Da Palma (Avocats Seban &
Associés), «travailler en mode BIM : Quels risques
juridiques?», publié en Octobre 2016 sur
www.lemoniteur.fr/opeCimmo
63 [Voir glossaire page 103]
64 [Voir glossaire page 103]
45
désigné en amont et qui pourra être le BIM
Manager, devra prendre toute précaution utile afin de garantir la
sécurité des fichiers, de leur accès et de leur
stockage»65. Nous y reviendrons plus tard sur les
spécificités du contrat.
ci-dessous, un tableau tiré du rapport Pican sorti en
Janvier 2016 qui résume parfaitement la situation explicitée
précédemment:
Niveau de BIM utilisé/ Type de
protection
|
BIM de niveau 0
|
BIM de niveau 1
|
BIM de niveau 2
|
BIM de niveau 3
|
Protection par
le droit des
bases de données
|
Ne répond pas à la définition de la base de
données
|
Ne répond pas à la définition de la base de
données
|
Protection sui generis de la base de
données
Protection de la structure et de
l'organisation de la
base de données
|
Protection sui generis de la base de
données
Protection de la structure et de
l'organisation de la
base de données
|
Protection par
|
OEuvre protégeable
|
OEuvre protégeable
|
OEuvre composite :
|
OEuvre de
|
le droit
|
par le droit d'auteur :
|
par le droit d'auteur :
|
|
collaboration:
|
d'auteur
|
|
|
|
|
|
Il s'agit d'une oeuvre
|
Il s'agit d'un fichier 2D
|
|
|
|
créée par l'assistance
|
ou 3D. Cette oeuvre est
|
L'auteur de la première
|
Régime de
|
|
d'un ordinateur. Cette
|
protégeable au titre du
|
contribution conserve
|
copropriété entre les
|
|
oeuvre est protégeable au titre du droit
|
droit d'auteur selon l'article L.121-1 du
|
ses droits sur sa contribution qui est
|
auteurs,
l'exploitation totale
|
|
d'auteur selon l'article
|
CPI. Le créateur de
|
incorporée dans la
|
de l'oeuvre n'est
|
|
L.121-1 du CPI. Le
|
fichier est titulaire des
|
seconde contribution et
|
possible qu'avec le
|
|
créateur de l'image est
|
droits d'auteur sur ce
|
ainsi de suite. Les
|
consentement de
|
|
titulaire des droits
|
fichier. Il peut céder les
|
contributeurs peuvent
|
chacun des auteurs.
|
|
d'auteur sur cette
|
droits patrimoniaux sur
|
céder leurs droits
|
|
|
image. Il peut céder les
|
le fichier et donc le
|
successivement pour
|
|
|
droits patrimoniaux sur
|
droit d'exploitation et
|
plus de simplicité.
|
|
|
l'image et donc le droit
|
le droit de
|
L'oeuvre composite
|
|
|
d'exploitation et le
|
reproduction, mais il
|
devient alors la
|
|
|
droit de reproduction, mais il restera toujours
|
restera toujours titulaire des droits moraux. Une
|
propriété du dernier contributeur. Les
|
|
|
titulaire des droits
|
atteinte à ses droits
|
cessions de droit
|
|
|
moraux. Une atteinte à
|
moraux est imaginable
|
peuvent intervenir au
|
|
|
ses droits moraux est
|
s'il n'est pas fait
|
fur et à mesure. Les
|
|
|
imaginable s'il n'est
|
référence à son nom
|
cessions doivent
|
|
|
pas fait référence à son
|
dans le projet final
|
respecter le formalisme
|
|
|
nom dans le projet
|
(atteinte à son droit de
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prévu à l'article L.131-
|
|
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final (atteinte à son
|
paternité) ou si son
|
3 du Code de la
|
|
|
droit de paternité) ou si son oeuvre est
dégradée (atteinte à l'intégrité de
l'oeuvre).
|
oeuvre est dégradée (atteinte à
l'intégrité de l'oeuvre).
|
Propriété Intellectuelle.
|
|
|
OEuvre collective (si
|
OEuvre collective (si
|
OEuvre collective (si
|
OEuvre collective (si
|
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divulgation de
|
divulgation de
|
divulgation de
|
divulgation de
|
|
l'oeuvre par un BIM
|
l'oeuvre par un BIM
|
l'oeuvre par un BIM
|
l'oeuvre par un
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Manager ou par un
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Manager ou par un
|
Manager ou par un
|
BIM Manager ou
|
|
tiers en son nom et
|
tiers en son nom et
|
tiers en son nom et
|
par un tiers en son
|
|
pour son compte
|
pour son compte
|
pour son compte
|
nom et pour son compte
|
|
65 Cyril Croix et Danielle Da Palma (Avocats Seban &
Associés), «travailler en mode BIM : Quels risques
juridiques?», publié en Octobre 2016 sur
www.lemoniteur.fr/opeCimmo
46
2 - La traçabilité des informations et
traitement des données
Comme la maquette numérique est modifiée par
plusieurs acteurs, cela pose également la question de la
traçabilité des modifications des informations contenues dans
celle-ci. En effet, en BIM niveau 2, la question ne se pose pas
particulièrement car il y a une maquette par intervenant et on sait par
conséquent qui la faite et qui peut la modifier. En BIM niveau 3, c'est
une réelle question car une maquette unique sera placée sur un
serveur unique et pourra être modifié par plusieurs acteurs
(simultanément ou successivement). Plusieurs spécialistes parlent
d'un problème résolvable par les éditeurs. En effet, si
l'éditeur fournit un outil performant avec des codes permettant de
tracer efficacement l'information il n'y aura pas réellement de
problème. Les acteurs pourront également « définir un
cadre de bonnes pratiques qui pourra être intégré à
l'environnement juridique et administratif de
l'opération »66. Il s'agit donc de
définir rigoureusement ces modes de gestions collaboratives. C'est donc
l'approche contractuelle qui permettra de définir encore une fois ces
spécificités en fonction du projet.
De plus, les données misent sur le serveur peuvent
être de deux natures différentes:
· Personnelles lorsque les personnes sont directement
identifiables. Ce type de donnée est définit par l'article 2 de
la loi « informatique et libertés » comme les données
qui permettent « d'identifier directement ou indirectement une personne
physique ». Ces données sont utilisables par les personnes qui sont
inscrit à la CNIL67 pour tel projet. Si une personne doit
accéder aux informations, elle devra être notifiée au sein
de cette organisme. Un responsable de ces données pourra être
désigné, il s'agira du BIM Manager. Il sera le garant, le
protecteur de la maquette numérique. J'y reviendrai par la suite dans la
partie III relative au rôle de ce nouvel acteur).
· Non personnelles : il faut également qu'elles
soient protégées. Il s'agit dans ce cas du ou des
créateurs de la base de donnée de la maquette numérique.
L'article L. 341-1 du CPI dit que : « le producteur d'une base de
données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque
des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du
contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la
66 N. Hoyet, F. Duchene & M. De Fouquet, BIM et
Architecture, Editions Dunod, 2016, 224p.
67 [Voir glossaire page 103]
47
présentation de celui-ci atteste d'un investissement
financier, matériel ou humain substantiel ».
Les avis des professionnels interrogés:
· Selon Maître C. Benoît Renaudin :
«Concernant la protection des données personnelles, le BIM ne
pose pas tant de souci que cela. En effet, si j'interviens sur un espace
protégé et que vous pouvez intervenir sur tout et n'importe quoi
et que les modifications cause des problèmes, là cela peut
être dangereux. Si dans le cloud vous intervenez sur une maquette
numérique et que l'ordinateur vous indique que vous sortez de votre zone
de modifications possibles sur la maquette, l'ordinateur devra vous indiquer
que vous avez violé votre domaine d'intervention. Le logiciel vous
indiquant cette violation, tous les acteurs en seront au courant et le
problème devra être résolu. Tout est donc un
problème de logiciel et de cloud qui soit bien développé
et sûre en terme de d'utilisation»68.
· Selon Monsieur O. Celnik : « Il fautjuste
rappeler ce qu'est la propriété intellectuelle. Pour moi donner
des plans AutoCAD et une maquette numérique c'est pareil. C'est
simplement plus facile. Le droit d'auteur, que l'on donne des plans papiers ou
une maquette. Le droit d'auteur et le droit de propriété
intellectuel font que l'on n'a pas le droit de faire n'importe quoi. Le maitre
de l'ouvrage qu'il ait des plans papiers ou une maquette, un maitre de
l'ouvrage n'a pas le droit de dénaturer le projet de l'architecte, n'a
pas le droit de le construire ailleurs... La maquette numérique
appartient à celui qui la paie tout simplement! Quand on regarde les
caractéristiques des droits moraux, il est incessible. L'auteur d'un
bâtiment ou l'auteur d'une oeuvre artistique, c'est celui qui la
créé. Il ne peut pas vendre se droit moral. Par contre, il peut
vendre ses droits de reproduction ou qui les cède. Je vous donne le
droit de dupliquer, d'interpréter... C'est le contrat qui le notifie.
C'est le maitre de l'ouvrage qui dit qu'on livrera une maquette à chaque
étape qui aura telles caractéristiques... Mais la question est
qu'est qu'ils ont droit d'en faire en rappelant les droits d'auteur ? Je la
cède mais le maitre d'ouvrage peut l'utiliser seulement pour la gestion
de l'immeuble par exemple. L'un des critères du droit d'auteur, c'est
l'originalité. La maquette a aussi son côté original car
elle à une
68 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin, avocate
au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés (Paris),
Janvier 2018
48
valeur ajoutée et à ses
spécificités. Il y a une façon originale de fabriquer cet
objet maquette numérique»69.
3 - Les
responsabilités
a# Les acteurs et les missions
Une opération de construction est toujours
composée de trois grands acteurs:
· Le Maitre de l'ouvrage : celui pour lequel l'ouvrage est
construit (le commanditaire).
· Les Maitres d'oeuvre: représentent ceux qui
s'occupent de concevoir le projet architecturalement (architectes), et
techniquement (Bureaux d'études techniques).
· L'entrepreneur ou entreprise générale:
celui qui construit l'ouvrage.
Les deux derniers ont des missions de conception et
réalisation de l'ouvrage, ils vont donc avoir des rôles et
responsabilités majeures dans la création de la maquette
numérique et dans le processus BIM. Le Maître d'ouvrage est
également important mais il aura un rôle plus satellitaire dans la
conception de la maquette numérique. Il faut savoir, que l'on soit en
projet BIM ou pas, que les rôles et missions dans leurs contenus de
chaque intervenant reste globalement inchangés.
· Selon Monsieur Trehen : « le BIM ce n'est pas
faire le métier des autres »70.
· Selon Maître C. Benoît Renaudin : «
Les missions de chaque acteur ne se retrouvent pas particulièrement
modifiées. En tous cas dans ses limites car chacun garde ses
compétences propres »71.
Mais il faut quand même les déterminer
préalablement et précisément. En effet, les acteurs ne
peuvent aller au-delà de leurs compétences propres. Le BIM est
avant tout un nouvel outil de travail sur lequel les acteurs doivent se former
mais ne change en aucun cas leur missions propres : «les moyens, les
outils utilisés pour produire, diffuser et partager les études,
plans,
69 Entretien avec O. Celnik, Architecte, Directeur du cabinet
d'architecture Z-Studio, professeur et directeur du Mastère
Spécialisé BIM de ENPC/ESTP, Janvier 2018
70 Entretien avec J. P. Trehen, Directeur BIM chez EGIS
bâtiment, Janvier 2018
71 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin, avocate
au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés (Paris),
Janvier 2018
49
documents, etc. qui évoluent, dans le sens d'une
efficacité accrue sans modifier la répartition des tâches
et des fonctions»72.
En BIM niveau 3, c'est principalement l'échelonnement des
tâches autour de la maquette numérique qui est différente
avec le processus des interventions qui seront simultanées ou
collaboratives. Ceux-ci dépendront du niveau d'informations de la
maquette. Cette collaboration ne modifie pas les limites de compétences
des acteurs mais elle change donc plutôt «les moyens mis à
disposition pour gérer et traiter les échanges classiques et
traditionnels nécessaires entre les différents professionnels au
fil de l'évolution du projet»73. Ces questions de
tâches collaboratives qu'apporte le processus BIM induit une
traçabilité des auteurs des tâches plus compliqué
à délimiter. Ce qui provoque en conséquence des
problèmes de responsabilités. Si une erreur est
détectée il va falloir savoir qui en ait le ou les
responsables.
b - Les responsabilités en processus
BIM
Une opération de construction induit des
responsabilités selon chaque acteur du projet et selon leurs
compétences. Si une faute est commise lors de la construction, en
processus BIM ou non, il faut savoir à qui revient la faute et sous quel
régime de garantie celle-ci doit être réparée. Si
nous partons sur le principe que le BIM permet de diminuer très en amont
les erreurs de conception sur une maquette numérique bien
précise, nous pouvons en déduire d'un certain point que les
responsabilités des acteurs seront identiques voire
atténuées : «La cause et conséquence des performances
et des atouts de la maquette est de nature à appréhender
différemment les responsabilités des
intervenants»74. Pour bien connaître les
responsabilités de chaque acteurs du projet, il faut déterminer
précisément, dès le début du projet, les limites de
compétences de chacun, l'enchaînement des prestations et des
intervenants et de décrire leur actions dans le processus et les
tâches collaboratives. C'est la convention BIM (que l'on verra en partie
III) qui permettra de mettre au clair les relations entre les acteurs et leur
collaboration (nous y reviendront plus précisément en
troisième partie). Cela permettra de connaître les
responsabilités de chacun et ainsi les bénéficiaires des
garanties mise en jeu en cas de sinistre. Certaines tâches seront donc
effectuées par un seul acteur et d'autres de manière
collaborative ce qui entrainera des
72 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.49
73 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.53
74 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.69
50
soucis de recherche du fautif si un problème intervient et
mettre en oeuvre les garanties associées. Les différents
intervenants devront répondre des fautes ou des erreurs par rapport aux
caractéristiques des contrats qu'ils ont signés et donc notamment
des erreurs effectuées sur la maquette numérique si cela
était indiqué sur le contrat. Leur responsabilité
contractuelle peut être donc encourue.
La question est également de savoir si ceux qui modifient
la maquette ont une obligation de moyen75, c'est à dire qu'il
doit mettre en oeuvre tous les moyens pour une mission en particulier ou une
obligation de résultat76, c'est à dire qu'il doit
obtenir le résultat décrit contractuellement pour satisfaire
à obligations. Cette question est à déterminer dans le
contrat et dépendra de chaque intervenant. Le contour exact des
responsabilités que vont engendrer l'utilisation du BIM qu'il soit en
niveau 2 ou 3 est encore flou et incertain.
De plus, d'après Maîtres Bellenger et Blandin,
montre dans leur livre également que le devoir de conseil des
intervenants est très important notamment. «Celui-ci résulte
qu'indirectement des tâches confiées et relève plutôt
de la connaissance que le professionnel a de l'opération et du projet,
compte tenu de l'exécution de cette mission, et qui doit le conduire
à alerter et conseiller le maître d'ouvrage quand il
détecte, ou devrait détecter, des particularités
susceptibles de conduire à des prises de décisions ou des choix
faute desquels des retards et/ou des préjudices sont
prévisibles»77. La responsabilité des
contractants peut donc être mise en jeu par le Maître d'ouvrage
s'il prouve la faute relative à un manque de devoir de conseil. La
précision de la maquette numérique en trois dimensions induit que
ce devoir de conseil intervient certes tout au long du projet mais arrive bien
plus tôt et peut conseiller plus précisément le
Maître de l'ouvrage avant la construction.
c - Les garanties légales et autres
régimes de responsabilités sous le BIM
Rappelons quelques notions concernant les responsabilités
dans le droit français et ainsi voir ce qu'induit le BIM sur celles-ci.
Chaque intervenant du projet sont tenus à deux types de
responsabilités : celles dites de droit commun (contractuelle,
délictuelle et pénale) et des responsabilités
spécifiques liés aux « constructeurs », au sens de la
loi, dites garanties légales des constructeurs.
75 [Voir glossaire page 103]
76 [Voir glossaire page 103]
77 Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin (2016), Le BIM
Sous L'angle Du Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 192p., p.71
51
Les responsabilités légales sont composées
de trois types de garantie:
· La garantie décennale définie à
l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage en est
responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage ou
l'acquéreur de l'ouvrage; des dommages, même résultant d'un
vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui,
l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses
éléments d'équipement, le rendent impropre à sa
destination ». Elle concerne tous les constructeurs, le désordre
doit avoir une certaine gravité et dure 10 ans après la date de
réception des travaux.
· La garantie de bon fonctionnement (ou biennale)
définie à l'article 1792-3 du code civil par : « les autres
éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une
garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à
compter de sa
réception ». Les constructeurs en sont
redevables.
· La garantie de parfait achèvement (GPA) est
définie par l'article 1792-6 alinéa 2 du Code Civil par : «
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est
tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception,
s'étend à la réparation de tous les désordres
signalés par le maître d'ouvrage, soit au moyen de réserves
mentionnées au procès verbal de réception, soit par voie
de notification écrite pour ceux révélés
postérieurement à la réception ».
Vont-elles être modifiées avec l'utilisation du
processus BIM ? Tout d'abord, « toute évolution dans l'acte de
construire, ses méthodes et ses techniques, se traduit donc par une
interrogation en terme de responsabilités et d'assurances des
constructeurs »78.
· Concernant les responsabilités contractuelles
elles dépendent de la précision des tâches et de leurs
limites afin de voir les limites de responsabilités des acteurs. Les
responsabilités dépendent donc du contrat relatif à chaque
projet.
· Les responsabilités délictuelle et
pénale n'ont pas à être fondamentalement être
modifiées.
78 J. Roussel, «Quelles responsabilités et
quelles assurances pour les intervenants dans le cadre d'une opération
BIM?', J.Roussel, Balises N°21, Octobre 2017
·
52
En ce qui concerne les garanties légales des
constructeurs, elles n'ont pas été modifiées avec
l'arrivée du BIM mais elles pourront par la suite l'être en
fonction des cas de sinistralités rencontrées.
· En effet selon Maître C. Benoit-Renaudin:
« Elles vont être modifiées mais plus tard. Cela va
dépendre de la sinistralité. Le but du BIM c'est
d'améliorer la construction. Moi quand j'expliquais le BIM à mes
collègues qui font que des désordres et des conflits liés
à des post-construction,je leur avais dit, vous allez voir il y aura
plus de désordres. Ils m'ont regardé bizarrement en me
répondant que ce sont quand même des hommes et il y aura donc
toujours des problèmes et des personnes qui vontfaire n'importe quoi. Le
but est donc d'améliorer la chose. Le but du BIM c'est
d'améliorer la qualité. Donc si vous améliorez la
qualité vous diminuez le risque de
contentieux»79.
· Selon Monsieur TREHEN : « Oui elles vont
être profondément modifiées. En BIM 2.0, on est encore en
fichiers séparés donc la source de la responsabilité est
parfaitement identifiable. En 3.0 le problème est que la
responsabilité sera déléguée et cela peut
être très grave. C'est comme la responsabilité qui est
déployée lorsqu'on installe un logiciel. Lorsqu'on l'installe, on
a toujours un texte qui nous demande si on a compris. Je ne suis pas
propriétaire du logiciel mais j'ai simplement le droit d'usage. La data
que vous allez rentrer dans le logiciel, j'en suis le seul responsable et que
la solidité de l'information mise dans le logiciel n'est pas de la
responsabilité de l'éditeur. Donc si je ne suis pas capable de la
relire, ce n'est pas de sa faute »80.
d - La traçabilité des données
ou comment connaître le fautif
La traçabilité des données (data) est
très importante pour savoir à qui retourne la faute. Plus cette
traçabilité sera efficace plus les limites de
responsabilités de chacun seront cadrées et permettra de
protéger le bon fonctionnement du processus collaboratif.
79 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin, avocate
au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés (Paris),
Janvier 2018
80 Entretien avec J. P. Trehen, Directeur BIM chez EGIS
bâtiment, Janvier 2018
53
Il faut savoir si la faute «incombe à celui qui donne
le fichier erroné ou à celui qui le traite sans voir que l'erreur
existe déjà»81.
Il faut également savoir ce qui incombe si l'erreur
provient d'une mauvaise manipulation du logiciel ou d'un mauvais choix
technique. Si c'est dans le premier cas, cette faute engage la
responsabilité contractuelle de la personne responsable et dans le
deuxième, met en oeuvre les garanties légales (notamment
décennale qui porte sur la solidité de l'ouvrage). Mais en
pratique, cela reste peu probable qu'une faute grave arrive. En effet, le BIM
sert en principe à réduire les erreurs en aval de la construction
et donc diminue les sinistres.
e - Une mauvaise
interopérabilité : L'éditeur
responsable?
Se pose également la question de responsabilités
concernant l'interopérabilité entre le logiciel et
l'éventuelle responsabilité des éditeurs de logiciels.
Les éditeurs qui fournissent des logiciels aux
utilisateurs permettant de créer la maquette numérique peuvent
connaître des problèmes lors de son utilisation et ainsi avoir des
répercutions sur l'ouvrage construit au regard notamment de la garantie
de performance énergétique ou acoustique par exemple.
Un bonne «interopérabilité des données
est ainsi essentielle pour permettre l'utilisation optimale du BIM et la
fluidité des échanges. Cette interopérabilité est
également une
garantie supplémentaire pour les acteurs dans leurs
relations contractuelles».82 Le BIM est un échange de
données. Pour passer d'un logiciel à un autre, il faut convertir
les fichiers sources en un fichier type IFC. On parle ici
d'interopérabilité. Par exemple, le passage entre une maquette
ArchiCAD vers Revit se fera en deux conversions successives. La première
sera la conversion du fichier ArchiCAD sous le format .pln vers .ifc et la
deuxième conversion du fichier .ifc vers Revit. Cette étape en
deux temps pose des problèmes car peut créer des erreurs. Il faut
tout d'abord savoir si l'erreur de conversion vient de la première
conversion ou de la deuxième. L'éditeur peut-il être
responsable?
81 Marie-Alexandra Vankemmelbeke et Wanda Bellaiche, « les
craintes juridiques autour du BIM sont elles justifiées ?, Batiactu,
février 2017
82 Manifeste: «Conduire la transformation digitale pour
la construction, l'immobilier et l'aménagement urbain»,
publié par l'association MediaConstruct,
www.mediaconstruct.fr,
2016
·
54
Selon les propos recueillis par O. Celnik : «Si on prend
un logiciel comme ArchiCAD qui est très au point sur l'IFC, est ce que
les utilisateurs d'ArchiCAD y compris aguerri savent correctement
paramétrer en import et en export le configurateur en IFC, le
réponse est plutôt non mais c'est un peu paradoxale car c'est un
langage universel et quand on fait importé en IFC, on nous dit, tu veux
de l'IFC pour Tekla, pour REVIT...? Comme si on me disait qu'il faut me
traduire ton texte en anglais mais tu le veux pour l'Angleterre,
l'Australie...? Et ce ne sera pas le même anglais car on change les mots,
les accents... Il y a déjà le fait que cela soit
compliqué. Le langage et la norme JFC évolue de version
en version ne contiennent pas toute l'information utile et que certains
logiciels ne savent pas correctement utiliser ce langage et notamment
REVIT. Pendant longtemps, on importait même assez mal un IFC qu'il avait
lui-même produit. REVIT exporte pas trop mal et encore il faut beaucoup
de soin. Il a des bugs d'imports dans certains cas »83.
· Selon Monsieur Trehen : « C'est comme la
responsabilité qui est déployée lorsqu'on installe un
logiciel. Lorsqu'on l'installe, on a toujours un texte qui nous demande si on a
compris. Je ne suis pas propriétaire du logiciel mais j'ai simplement le
droit d'usage. La data que vous allez rentrer dans le logiciel, j'en
suis le seul responsable et que la solidité de l'information mise dans
le logiciel n'est pas de la responsabilité de l'éditeur.
Donc si je ne suis pas capable de la relire, ce n'est pas de sa faute.
[...] En cliquant sur la charte d'utilisation en installant un
logiciel, l'éditeur se dédouane de toutes responsabilités
même en cas de bug du logiciel qui entraine des retards sur le
projet »84.
83 Entretien avec O. Celnik, Architecte, Directeur du cabinet
d'architecture Z-Studio, professeur et directeur du Mastère
Spécialisé BIM de ENPC/ESTP, Janvier 2018
84 Entretien avec J. P. Trehen, Directeur BIM chez EGIS
bâtiment, Janvier 2018
55
III - Vers un «
contrat BIM » ?
A - Les modalités contractuelles
La législation étant encore un peu bancale et
incertaine en terme d'utilisation du BIM, les spécialistes du BIM sont
d'accord sur le fait que le «contrat85»
serait le moyen le plus efficace afin de résoudre les interrogations
qu'il pose et même si cela « complique une appréhension du
BIM par le juriste, dont le raisonnement se structurerait plus facilement
autour d'une loi »86. «L'effort doit porter sur
l'appropriation par la filière de nouvelles pratiques contractuelles. La
pratique immobilière doit se transformer et se familiariser avec de
nouvelles règles et pratiques pour permettre sa transition
numérique tout en respectant les règles de droit
classique»87. Le contrat est un outil efficace afin de
répondre à tous les questionnements qu'engendre l'arrivée
de ce nouvel outil (propriété intellectuelle de la maquette
numérique, de responsabilités des acteurs, de rôle des
acteurs et leur processus d'organisation autour de la maquette
numérique, etc.). Il faut adapter le schéma contractuel actuel
aux spécificités techniques du BIM.
Le BIM est légal et son utilisation n'est interdit par
aucune loi ni code en France. Le « Contrat BIM » a proprement
parlé n'existe pas. Comme il s'agit d'un nouvel outil de travail, il est
adaptable dans les contrats de Maîtrise d'oeuvre et de marchés de
travaux existants. Il faut donc adapter ce qui existe afin qu'il puisse bien
fonctionner.
Encore faut il savoir sur quel cadre contractuel se
référer pour incorporer ce nouvel outil. Il existe plusieurs
solutions possibles :
· « insérer au sein du contrat principal les
aspects afférents au BIM
· ériger un document contractuel propre
intitulé : protocole BIM
· prévoir un protocole BIM, sans pour autant le
prévoir dans la hiérarchie des documents contractuels
· ou bien prévoir un contrat spécifiquement
consacré au BIM »88
85 [Voir glossaire page 103]
86 D. Richard, «BIM : analyse et perspectives de
l'immeuble numérique», Construction-urbanisme N°12,
Décembre 2017
87 X. Pican, Rapport de mission de X. PICAN : "Droit du
numérique & bâtiment", Janvier 2016, 77p.
88 L. Bouneghida, «Comment sécuriser le recours
au BIM dans le bâtiment?», L'usine nouvelle, Juillet 2015
56
Un contrat est régi par le droit des obligations et des
contrats qui a eu une évolution majeure suite à l'ordonnance du
10 Février 2016. Le contrat BIM devra donc répondre à
l'article 1128 du Code Civil et ainsi comporter:
· Le consentement des parties c'est à dire que ceux
qui contractent le contrat BIM devront être sains d'esprit (majeures ou
mineurs émancipés).
· L'objet du contrat c'est à dire l'ouvrage à
construire conforme à la maquette numérique. Il y ici une
dualité de l'objet entre la volonté d'avoir une maquette conforme
aux exigences prévus dans le contrat et un bâtiment conforme
à la maquette numérique.
· La cause du contrat: par exemple, «la livraison d'un
ouvrage ayant une performance énergétique garantie en fonction
d'un usage déterminé, ce qui a pour conséquence de rendre
indissociable l'ouvrage de son modèle virtuel avec l'obligation de mise
à jour de la maquette numérique. La théorie de la cause
est le meilleur ciment pour laisser unies de façon indissociable la
réalité virtuelle et la réalité
concrète»89.
Le contrat est avant tout fait pour protéger ces
contractants et « permet à tous les acteurs du projet de rester
maître de leur relations contractuelles avec les autres contributeurs de
la maquette numérique »90. Cela permet également
aux acteurs de faire évoluer leur relations durant tout un projet car un
contrat a par nature une grande flexibilité que l'on appelle la
liberté contractuelle91. En effet, chaque projet de
construction étant différent cela permet à chaque partie
de négocier chaque point entre cocontractants. Un contrat est donc
là pour s'adapter en fonction des particularités de chaque
projet, ce qui n'est pas le cas pour une loi.
Or, lorsque certains maîtres d'ouvrage veulent utiliser
le BIM dans leurs marchés, ils ne savent pas encore à quoi se
référer et ne se protègent pas en conséquence. Si
des
contentieux voient le jour lors de la construction du
à un dysfonctionnement quelconque du processus BIM ils pourraient se
trouver attaquer et avoir de lourdes sanctions. Si un contrat est bien mis en
place, il sera là pour protéger ses contractants et
résoudre plus efficacement les litiges.
89 Olivier Celnik et Éric Lebègue (2015), BIM
& Maquette Numérique pour l'architecture, le bâtiment et la
construction, deuxième édition, coédition Eyrolles/CSTB,
p.638
90 X. Pican, Rapport de mission de X. PICAN : "Droit du
numérique & bâtiment", Janvier 2016, 77p.
91 [Voir glossaire page 103]
57
Selon le rapport Pican, plusieurs options ont été
discutées afin de savoir sous quelle forme il pourrait naître:
· soit la mise en place d'un protocole BIM (nous y
reviendrons par la suite)
· soit la diffusion de modèles de contrats en ligne
par des organismes extérieurs (Ex : Contrats types de maîtrise
d'oeuvre de la MAF)
· La diffusion de « bonnes pratiques contractuelles
» ou guides permettant d'aider les acteurs voulant se lancer dans un
projet BIM puisse s'y référer (Ex : BIM et maquette
numérique : guide de recommandation à la maîtrise d'ouvrage
publié par la PTNB et le MIQCP)
· Aucun modèle imposé
Il y a donc une liberté mais le rapport Pican «
recommande la création de référentiels contractuels non
contraignants pour aider les acteurs du BIM dans la contractualisation de leur
accord »92.
Comme on a pu le voir précédemment, le BIM
étant un nouvel outil, cela ne change rien aux missions des
différents acteurs mais offre seulement de nouveaux moyens et
opportunités.
Les interlocuteurs que j'ai interrogés ont beaucoup
parlé de l'importance de bien codifier, hiérarchiser et
connaître la terminologie des termes utilisés dans le langage BIM:
Protocole BIM, charte BIM, convention BIM... Elle est garante de la
sécurité des contractants pour que les choses soient clairement
définies. C'est au Maître d'ouvrage de les clarifier. Cette
terminologie est encore un peu flou et certains acteurs comme la FFB ou le PTNB
s'occupe en ce moment de mettre de l'ordre à ce niveau.
· Selon Maître C. Benoît-Renaudin : «
le Plan de Transition Numérique voulait proposer des conventions
types, non pas pour quelles s'imposent, mais pour que les gens qui
n'ont pas les moyens d'aller voir un avocat, aient des conseils juridiques et
un outil de base et de référence [...], C'est juste au
maître de l'ouvrage de l'imposer. Aujourd'hui le BIM n'est pas
imposé, c'est juste une faculté. Il ne fait pas ce qu'il
veut
92 X. Pican, Rapport de mission de X. PICAN : "Droit du
numérique & bâtiment", Janvier 2016, 77p.
58
mais il faut quand même respecter les règles de
la commande publique. Aujourd'hui c'est la loi MOP qui s'impose
»93.
· Selon Monsieur Darremont : « Le
défaut du langage BIM est de confondre un peu tout. Pour
clarifier un peu les choses et vous donnez une idée par exemple la
charte BIM. Un document a été créé au sein du PTNB
qui est le document appelé: BIM et maquette numérique : guide de
recommandations à la maitrise d'ouvrage. A la fin de ce rapport il y a
un lexique. La charte BIM c'est ce que veut le maitre
d'ouvrage, la convention BIM c'est comment les gens
travaillent ensemble. La charte c'est ce que veut le maitre d'ouvrage, c'est
son cahier des charges et la convention c'est la réponse. Une charte
c'est forcément dans l'appel d'offre par rapport à sa maitrise
d'oeuvre. Il faut avoir la charte dans les dossiers d'appels d'offres
»94.
· Monsieur TREHEN : « Le BIM aura une
réelle importance le jour où l'on pourra faire une recherche en
responsabilité sur le BIM. Or pour faire une recherche en
responsabilité sur la maquette numérique il
faut voir comment les contrats
s'enchaînent. Si une personne me dit: «de quoi
vous me parler? En effet vous me citez des documents mais ceux-là ne
font pas parti de mon contrat...». Aujourd'hui, chacun fait ceux qu'il
veut. Des BIM Manager vont arriver vers un maître d'ouvrage de nos jours
et lui dire «je vais au moins vous mettre un protocole BIM. Ah bon parce
que on m'avait parlé d'une charte. Les uns appellent cela une charte et
d'autres les protocoles. Ils vont dire que c'est la même chose alors que
c'estfaux. En ce moment ils disent «mais Monsieur c'estjuste une
convention? Ah mais non vous avez utilisé un guide donc cela ne peut pas
marcher !». On ne sait pas de quoi on parle en ce moment
car on ne sait pas sur quels documents s'appuyer et on ne sait pas non
plus ce qu'il y a dedans. Ce qui donc important c'est donc l'enchainement des
pièces contractuelles du BIM qui ne sont pas définit aujourd'hui
»95.
· Selon Monsieur Celnik : « Il y a une
terminologie aujourd'hui à respecter. Par exemple, côté
maîtrise d'ouvrage on parle d'une charte pour le document
général stratégique, le cahier des charges, c'est le
cahier des charges d'une opération. La convention estfaite
93 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin, avocate
au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés (Paris),
Janvier 2018
94 Entretien avec D. Darremont, Chef de département
transition numérique bâtiment et BIM à la
Fédération Française du Bâtiment (FFB), janvier
2018
95 Entretien avec J. P. Trehen, Directeur BIM chez EGIS
bâtiment, Janvier 2018
59
par la maîtrise d'oeuvre ou l'équipe de
conception-réalisation et ensuite l'entreprise (on peut aussi
appelé cela protocole même si les deux termes sont impropres,
c'est dans le langage courant). Les usages commencent quand même à
se conforter un peu. Souvent on trouve des glossaires pour essayer de
préciser le vocabulaire. Peu importe mais il faut dire sur quel
référentiel on s'applique »96.
L'étape qui va être crucial va donc être de
bien rédiger la succession des contrats spécifiques sur lequel
intervient le BIM:
· Le cahier des charges BIM du maître d'ouvrage :
document qui définit les volontés du maitre de l'ouvrage
concernant le BIM dans le projet. Le maitre d'ouvrage peut se faire aider d'un
assistant à la maitrise d'ouvrage si il n'a pas les compétences
pour le faire lui-même. Cet assistant pourra avoir la casquette d'AMO BIM
(Assistant à la Maitrise d'ouvrage spécialisé dans le
BIM).
· La charte BIM (non obligatoire mais conseillée) :
qui définit les principes et méthodes à respecter dans la
modélisation de la maquette numérique. Elle permet d'uniformiser
les méthodes de travail sur celle-ci. Elle peut être
incorporé dans le protocole BIM.
· Le protocole BIM ou convention BIM qui régit la
collaboration entre les différents acteurs autour de ou des maquettes
numériques (document primordial dont je développerai les
caractéristiques par la suite). Elle prend en compte chacune des
particularités d'un projet, chose qui n'est malheureusement pas encore
le cas sur des projets où certains acteurs recopient bêtement des
conventions types.
· Contrat entre les éditeurs de logiciels et les
utilisateurs
· Contrat relatif au stockage des données
B - Le Protocole BIM (ou convention BIM)
Utiliser ce nouvel outil collaboratif qu'est le BIM,
nécessite de prévoir et organiser cette collaboration autour de
la maquette numérique. Tous ces processus seront inscrits dans un
document contractuel appelé « protocole BIM » ou «
convention BIM ». Il est donc très important de bien le
rédiger car il permet d'avoir une approche coordonner et
cohérente
96 Entretien avec O. Celnik, Architecte, Directeur du cabinet
d'architecture Z-Studio, professeur et directeur du Mastère
Spécialisé BIM de ENPC/ESTP, Janvier 2018
60
entre les acteurs. Les acteurs doivent se mettre d'accord sur
toutes les formalités sur celle-ci afin qu'elle soit créée
dans les meilleures conditions. « Le BIM suppose la définition de
principes et de règles qui vont gouverner l'organisation et l'usage de
la maquette numérique BIM : c'est l'objet du protocole BIM ou convention
BIM, qui va formaliser les règles de production et de gestion de la
maquette BIM et/ou des maquettes métiers, tout au long du projet
»97.
Elle définit donc les règles de gestion et de
production de la maquette numérique. C'est en quelque sorte, une feuille
de route du processus BIM tout au long du projet. Elle doit être unique
à chaque projet en prenant les particularités de chacun d'eux et
des exigences du maître de l'ouvrage en terme de BIM. Elle doit
être claire et précise. Il est en principe rédigé
par le responsable du BIM Management: Le BIM Manager. Il sera par la suite
présenté au maître d'ouvrage et vérifiera si elle
est en conformité avec son cahier des charges BIM. Il la signera si il
en est d'accord ce qui la rendra opposable par les autres acteurs du projet. Le
protocole BIM est un document primordial qui doit être incorporé
au contrat principal. Ce protocole BIM servira de preuve et de
traçabilité du rôle de chacun en cas de contentieux.
Le protocole BIM permet donc de savoir : qui fait quoi, quand et
comment dans la maquette? Qui a accès à la maquette, comment et
combien de temps?
Il doit incorporer tous les éléments suivants:
· « une définition claire de l'ensemble des
termes utilisés, afin d'éviter les confusions pouvant exister car
il n'existe pour l'instant aucune nomenclature officielle.
· Les modalités et exigences concernant la maquette
numérique (conditions d'organisation de la collaboration):
o niveaux de développement98
o niveaux de détail99
o Le choix des technologies (logiciels, versions, etc.)
o processus de développement de la maquette
(Délais dans lequel les modèles doivent être mis à
disposition et le degré d'achèvement requis à chaque
étape)
o Tâches de chaque acteur et modalités de leur
rendu en fonction de l'avancée du projet
97 A.M. Bellenger & A. Blandin, Le BIM Sous L'angle Du
Droit, Eyrolles CSTB Éditions, 2016, 192p.
98 Cf Partie I
o
61
Format (interopérabilité et format IFC),
modalités et fréquence des échanges
o Conditions d'accessibilité et d'utilisation de la
maquette par chaque acteur (lecture seule, modifications de certaines partie,
etc.)
· une répartition précise des missions et un
partage de responsabilité (clauses de limitation de
responsabilités) en cas de défaillance
· des éléments quant aux évolutions de
la maquette et la manière dont chaque intervenant devront s'y
conformer
· le rôle précis du BIM Manager (nommé
par le maître de l'ouvrage) (nous y reviendrons par la suite)
· Une procédure de « détection de clash
» pour résoudre et prévenir les hypothèses de
conflits
· La propriété intellectuelle de la maquette
et de ses données
· Conditions d'utilisation de la maquette par le
maître de l'ouvrage en phase exploitation-maintenance de l'ouvrage. En
effet, Une clause pourra être notifiée permettant de
prévoir le régime de cession des droits d'auteur de la maquette
une fois la construction terminée. Mais ce type de clause existe
déjà dans les contrats de maitrise d'oeuvre. Cette clause
s'adapte juste à ce nouvel outil qui apporte une dimension virtuelle
d'un projet de construction.
· Encadrement du processus collaboratif et la
documentation des échanges, ainsi les processus de validation et de
décision
· ordre de priorité des documents BIM dans la
hiérarchie des documents contractuels
· Les obligations de chaque intervenant sur la maquette
(répartition des tâches de chacun)
· Les sanctions en cas d'inexécution du contrats
et hors contrat (délictuelle et quasi-délictuelle) et mettant en
cause les responsabilités énumérées en
deuxième partie.
· Les clauses contractuelles qui sont les dispositions
particulières d'un contrat en fonction du projet.
Voici les avis recueillis par les différents
intervenants interrogés concernant le contrat et le protocole BIM:
· Selon Maître Benoit-Renaudin : « Il
n'y a pas de « contrat BIM », a
proprement parlé, c'est à dire que dans votre marché de
travaux, l'entreprise qui devait rentrer les spécifications selon la
convention BIM. Il faut qu'il y ait quelque chose dans son
marché
de travaux qui indique cette convention et la façon
de procéder. 1... ]Moi j'ai déjà fait des conventions BIM.
Mais c'est moi qui les ai créé. L'avocat est là
pour construire le contrat en fonction du client. En droit, il n'y a
pas un modèle de contrat pour une activité. C'est le but de mon
métier de m'adapter aux projets, aux demandes des clients. Donc les
contrats MAF sont un exemple parmi d'autres. Il y a que les petits architectes
qui prennent le contrat de la MAF mais dès qu'on a un projet qui
dépasse 10 000 euros on prend des avocats qui savent s'adapter. Il y a
bien sûr une base commune. Si le contraty est mal adapté parles
avocats, nous engageons notre responsabilité. Des personnes ont pour
métier de fabriquer des modèles de contrats (de location par
exemple). Mais c'est pas parce qu'il y a un modèle que l'on y
adhère forcément. Moi, je suis là pour protéger mon
client et qu'il est le moins de contentieux possible. Je suis donc là
pour trouver des solutions et pour faire un document qui fonctionne. Les
clauses dans les contrats sont là pour adapter les contrats aux projets.
Le contrat est un acte de prévision. On est donc là pour
anticiper les problèmes et trouver des solutions. Dans le BIM,
il y a beaucoup à créer car il y a rien. Il n'y a donc pas de
solution unique. Il y a beaucoup d'effet de nouveauté mais cela se
gère assez facilement »99.
· Selon Monsieur Celnik : «On commence
à avoir les idées assez claires sur certains
projets. Si le maitre d'ouvrage n'a pas formalisé correctement le BIM
dans un cahier des charges, vous ne pouvez rien demander en face. Dire que je
veux du BIM cela veut rien dire. Dans la convention BIM, vous répondez
au cahier des charges du maitre d'ouvrage. Vous vous engagez à exposer
ces questions et vous donnez vos réponses et nous au nom de la
maîtrise d'ouvrage on dit si cela nous correspond ou pas et on signe en
conséquence. Ces deux documents signés engagent les parties. La
semaine dernière nous étions plusieurs AMOA à
immobilière 3F pour les aider à mettre en place un nouveau cahier
des charges, du moins une synthèse des différents cahiers des
charges qu'on a pu faire avec eux sur plusieurs projets depuis 3 ans. Le maitre
d'ouvrage donnait son point de vue: «je demande une convention BIM bien
entendu et on dit ce qu'il y a dedans et en disant que la convention BIM n'est
pas contractuelle». Si tu dis que ce n'est pas contractuel, cela veut dire
que cela sert à rien car cela ne sera pas opposable.
C'est la règle du jeu de bâtir cette convention BIM mais
c'est aussi la réponse de la maîtrise d'oeuvre au regard de la
demande de la maîtrise d'ouvrage si on dit que c'est pas
62
99 Entretien avec Maître C. Benoît Renaudin,
avocate au Barreau de Paris et dans le cabinet Martin et Associés
(Paris), Janvier 2018
63
contractuel il n'est pas garanti de la bonne
réalisation de son projet et il se tire une balle dans le pied. Dans le
contrat de maîtrise d'oeuvre et ensuite dans le contrat avec les
entreprises, on dit que le maitre d'ouvrage demande du BIM et que
celles-ci sont décrites dans son cahier des charges et
que l'équipe de conception ou conception< réalisation devra
produire une convention qui l'engage en décrivant ses réponses.
Il faut que le maitre de l'ouvrage s'engage à respecter cette convention
et dans les contrats de marchés de travaux
idem»100.
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