1.1. LE CHANGEMENT ET LA CONDUITE DU CHANGEMENT 1.1.1.
Qu'est-ce que le changement ?
La vie quotidienne est faite de changements divers et
variés. Cela peut aller de simples changements anodins (changer de
vêtements) à des changements plus conséquents (brusque
évolution professionnelle, par exemple). Comme nous l'indiquent
Brénot et Tuvée9, la notion de changement est
elle-même très ancienne, puisqu'elle apparaît dans les
oeuvres de Thalès de Milet (600 ans avant Jésus-Christ) et
Héraclite (environ 550-480 avant Jésus-Christ). Le dictionnaire
Larousse10 nous apporte deux définitions du changement :
"Passage d'un état à un autre" et "Modification
profonde, rupture de rythme ; tout ce qui rompt les habitudes, bouleverse
l'ordre établi".
Autissier et Moutot11 définissent le
changement comme étant avant tout une rupture, et plus exactement, une
rupture significative des modes de fonctionnement de telle manière qu'il
y ait un effort d'adaptation. Ainsi, un changement conduit à une
obsolescence de ce qui a été au profit d'un futur synonyme
d'amélioration significative. Il y a rupture lorsque les
éléments suivants sont transformés : les pratiques
(manières de faire), les conditions de travail, les outils,
l'organisation (les zones de pouvoir et les délimitations
fonctionnelles), le métier (le savoir-faire de l'entreprise), la
stratégie et la culture. Tous ces éléments peuvent
être disposés en fonction de leurs caractéristiques
individuelles ou collectives et du temps requis pour leur transformation.
Figure 1 : les lieux de changement selon Autissier et
Moutot12
9 Brénot J. et Tuvée L. (1996), Le
changement dans les organisations, Que sais-je ? Paris, p. 7
10 Dictionnaire Larousse, 2016, p.229
11 Autissier D. & Moutot J.-M. (2013),
Méthode de conduite du changement, Dunod, Paris, p.6
12 Autissier D. & Moutot J.-M. (2013),
Méthode de conduite du changement, Dunod, Paris, p.7
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IMPACTS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
Cas du projet ``Industrialisation» au sein de Sopra
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Pour Côté et al13 , le changement est
"le passage d'un état actuel à un état
désiré, d'une situation originale actuelle, jugée
inadéquate, à une autre considérée comme
étant plus adaptée, qui répond mieux aux exigences du
milieu ou aux nouvelles aspirations des personnes
concernées».
Nous venons de définir ce qu'est le changement. Mais
existe-t-il différents changements ? 1.1.2. Les différentes
typologies du changement
Si le changement peut être synonyme de "transformation", il
est important de nuancer sa définition par l'existence de
différentes typologies.
Johnson et Scholes considèrent que le changement varie
selon son rythme (incrémental ou radical) et selon le moteur du
changement (réactif ou proactif) :
|
Changement incrémental
|
Changement radical
|
Proactif
|
Ajustement
Anticipation des besoins de
changement par un processus proactif d'ajustement des
pratiques en cours
|
Transformation planifiée
Changement drastique planifié par
anticipation grâce aux techniques d'analyse
stratégique et d'aide à la décision
|
Réactif
|
Adaptation
Réaction aux pressions
environnementales et concurrentielles
|
Transformation forcée
Remise en cause des schémas de pensée suite
à un processus de dérive stratégique
|
Figure 2 : typologie du changement selon Johnson et
Scholes14
Nous pouvons rapprocher la typologie précédente
de celle d'Autissier et Moutot qui considèrent que le changement varie
selon son rythme (progressif ou brutal) et selon le moteur du changement
(imposé ou volontaire) :
13 Côté N. et al. (1994), La
dimension humaine des organisations, Gaëtan Morin éditeur,
Montréal, p.361
14 Johnson G. et Scholes H. (2000),
Stratégique, Publi-Union, Paris, p. 533
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|
Imposé
|
Volontaire
|
Progressif
|
Changement prescrit
Réponse à des contraintes de
l'environnement
De 12 à 36 mois
Ex : projet An2000, €uro, 35h
|
Changement construit
Evolution de l'organisation amenant à
changer les manières dont les acteurs se
représentent leur entreprise
De 1 à 10 ans
Ex : culture client, qualité, processus
|
Brutal
|
Changement de crise Solution à un
dysfonctionnement De 1 jour à 3 mois
Ex : Accident, grève, plaintes de clients
|
Changement adaptatif
Transformation des pratiques et de
l'organisation
De 6 à 18 mois
Ex : nouvel outil informatique, compétences
commerciales
|
Figure 3 : typologie du changement selon Autissier et
Moutot15
Giroux caractérise quant à elle le changement selon
son étendue et les différentes formes prises :
Caractéristiques
|
Formes du changement
|
Descriptions
|
Etendue
|
Global
|
Le changement touche l'ensemble des activités et
unités de l'organisation
|
Partiel
|
Il touche une portion de l'organisation et une partie de ses
unités. Il s'avère insuffisant pour modifier la performance de
l'organisation.
|
Profondeur
|
Majeur
|
Il marque une grande différence avec le passé et
une rupture et discontinuité apparentes.
|
Marginal
|
Raffinement de la situation actuelle, du contenu, du
processus et de la mission de l'organisation.
|
Rythme
|
Lent
|
Il consiste à une démarche graduelle pour
assurer par la suite un nouvel équilibre.
|
Rapide
|
Il s'agit d'un redressement et d'une révolution contre
une situation passée.
|
Figure 4 : typologie du changement selon Giroux16
15 Autissier D. et Moutot J.-M. (2003), Pratique
de la conduite du changement, Dunod, Paris, p. 93
16 Giroux N. (1991), "La gestion du changement
stratégique", Revue Internationale de Gestion, Vol.16,
n°2, p. 10
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Pour résumer ces différentes typologies, et
comme le disent Grouard et Meston17, les trois dimensions
caractérisant le changement sont :
- La profondeur du changement : il caractérise la
manière dont le changement affecte la réalité de
l'entreprise, soit de façon "superficielle", soit en "profondeur". Les
changements dits "superficiels" peuvent porter sur l'ensemble de certaines
composantes de l'entreprise et correspondent à la
nécessité de répondre à un environnement en
mouvement. Les japonais utilisent le terme de "kaisen" pour parler de ces
petits changements continuels. Au contraire, les changements en "profondeur"
transforment fortement la réalité de l'entreprise. S'ils sont
nécessaires, ils doivent cependant rester rares, car ils sont
coûteux pour l'entreprise. Ils doivent être utilisés lorsque
les changements "superficiels" ne suffisent plus.
- La rapidité du changement : la durée doit
être la plus courte possible, du fait de la mobilisation de ressources
pour des tâches qui ne sont pas leur finalité première. De
plus, la durée du changement peut influer sur la motivation des acteurs
de ce changement. Si celui-ci dure trop longtemps, il peut être
observé des pertes de motivation, et un accroissement du scepticisme.
- Son mode d'imposition : l'initialisation du changement peut
varier d'une imposition forte à un consensus total. Du fait que le
changement n'est pas "naturel", mais est nécessaire à
l'adaptation de l'entreprise, il est dans une majorité des cas
imposé aux différents acteurs et sujets du changement. Ainsi,
l'imposition du changement peut avoir pour origine soit l'autorité de la
hiérarchie (par exemple : l'arrivée d'un nouveau dirigeant qui
veut rompre avec le passé), soit l'urgence contextuelle de l'entreprise
entraînant le fait d'agir rapidement.
Autissier et Moutot18 scindent les variables du
changement en deux catégories :
- Variable de décision
? Le rythme : il peut être brutal ou progressif.
? La cible : tous les acteurs sont concernés par le
changement ou seulement quelques-uns.
- Variables d'actions
? Le management : le changement peut être imposé ou
fait participer les parties intéressées.
? Le dispositif : le changement est porté par des projets
ou des micro-actions.
? Méthode de gestion : le changement est
déployé comme un processus balisé ou pensé comme
une action de développement humain.
17 Grouard B. et Meston F. (1998), L'entreprise en
mouvement : conduire et réussir le changement, Dunod, Paris, p.
18
18 Autissier D. et Moutot J.-M. (2013), La boite
à outils du changement, Dunod, Paris, p. 25
12
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Nous avons vu précédemment différentes
définitions et typologies du changement. Mais d'une façon
globale, le changement impacte soit une partie d'une entité, soit cette
entité dans sa globalité. Watzlawick et al.19 ont
défini deux grands types de changement :
- Le changement de type 1 : le changement ne remet pas en
cause les schémas fondamentaux de l'organisation. "Les diverses
modifications qui ont lieu à l'intérieur d'un système ne
bousculent en rien ce système". L'équilibre n'est pas
interrompu et l'action n'interfère pas dans son fonctionnement. Le
système reste stable.
- Le changement de type 2 : le changement impacte directement
les structures et l'ordre interne de l'organisation. Le système est
transformé. Il y a une remise en cause des cadres et des schémas
fondamentaux.
Pichault20 décrit différents changements
selon les objets de l'organisation impactés :
- Changement culturel : la modification intervient dans le
domaine de la culture d'entreprise, et est destinée à stimuler le
comportement des salariées dans une direction déterminée
(impératif de flexibilité, priorités au client,
références éthiques ou toutes autres valeurs
fondamentales, etc.). La culture devient alors un véritable projet
managérial.
- Changement stratégique : porté par deux grands
axes : la différenciation (visant à doter un produit d'une
attractivité particulière) et le leadership des coûts,
recherchant les économies
d'échelle et la minimisation des dépenses afin de
pouvoir faire face à la concurrence.
- Changement de politique de gestion de ressources humaines :
soit centré sur une vision collective de la relation de travail, soit
centré sur une vision plus individualiste de la relation de travail,
basée sur la valorisation pour chaque collaborateur de ses
compétences.
- Changement technologique : le changement est centré
avant tout sur le matériel et les outils de production, incluant
également les changements des techniques de production. L'impact
concernant la répartition des salariés, l'évolution de la
structure hiérarchique, et la façon dont les salariés
travaillent s'avère plus faible que dans le cadre d'un changement
organisationnel.
- Changement organisationnel : elle consiste essentiellement
en une modification du fonctionnement organisationnel (c'est-à-dire la
façon dont les salariés travaillent, le
19 Watzlawick P. et al. (1975), Changements,
Seuil, Paris, p. 28.
20 Pichault F. (2013), Gestion du
changement. Vers un management polyphonique, De
Boech, Bruxelles, p 16-32
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IMPACTS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
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découpage en unités, les différents
niveaux de prise de décision, la structure hiérarchique, etc.)
Pour la suite de notre étude, nous allons nous attacher au
changement organisationnel.
Alexandre-Bailly et al.21 définissent le
changement organisationnel comme une transformation impactant l'une des
dimensions de l'organisation (culture, structure, personnes, système
d'information, système technique, système de gestion). Une
organisation est ainsi considérée comme un système dont
l'impact en un point de ce système va retentir sur l'une des autres
dimensions de l'organisation. Pour Collerette et al.22, le
changement organisationnel est "toute modification relativement durable
dans un sous-système de l'organisation, pourvu que cette modification
soit observable par ses membres ou les gens qui sont en relation avec ce
système".
Tout changement, afin d'être efficace, doit être
piloté, ce qui nous amène à la notion de conduite de
changement. Nous allons voir de suite quelle en est la définition.
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