INTRODUCTION
Le monde qui nous entoure est en perpétuel mouvement.
Au sein de cette dynamique globale, chacun de nous doit s'adapter. Cette
adaptation concerne non seulement l'individu dans sa sphère
privée, mais également dans son environnement professionnel. En
effet, chaque salarié est confronté plus ou moins
régulièrement à des changements. Ceux-ci peuvent
être imperceptibles (une simple modification d'une activité sans
bouleversement complet du processus concerné) ou ayant beaucoup plus
d'impacts (réorganisation de services ou mise en place de nouvelles
procédures par exemple).
Mais posons-nous la question de ce qu'est le changement. Son
étymologie nous apporte quelques informations. Vernier et
al.1 nous apprennent que le mot "changement" vient du latin
"cambiare" qui veut dire échanger, troquer . Cependant, les
auteurs précisent qu'à l'origine, dans les langues romaines,
"cambiare" avait une connotation péjorative, synonyme de
"sofisticare", c'est-à-dire falsifier. Siculus
Flaccus2, géomètre romain de l'antiquité,
déclarait : "en achetant ou en vendant, ou en changeant ou en
échangeant, on peut acquérir des genres semblables de
propriétés bornées" . Il indiquait ainsi que le
changement était lié à une certaine
homogénéité entre "l'avant" et "l'après". D'un
autre côté, s'il y avait changement, c'est que "l'après"
présentait une différence avec "l'avant".
Ce qui caractérise le changement est non seulement une
différence (faible ou grande) entre la situation présente et la
situation future (ce qui introduit la notion de rupture ou non), mais
également la notion de temps pour effectuer ce changement. Est-il rapide
ou lent ? Rapide ou lent par rapport à qui, par rapport à quoi ?
Si le temps était figé, y aurait-il du changement, à
l'image d'un film pour lequel le spectateur aurait arrêté son
défilement ? Seulement, le temps ne s'arrête pas. Notre monde ne
s'arrête pas : il évolue en permanence. Ainsi, les organisations
doivent s'adapter en continue face à ces évolutions externes qui
ont une influence non seulement sur son présent (émergence d'un
nouveau concurrent par exemple), mais également sur son devenir (ne pas
changer peut compromettre sa survie dans un monde de plus en plus
concurrentiel). Cette image de naissance, développement et mort d'une
organisation peut se rapprocher de l'évolution d'un être vivant,
comme l'indiquent Hannan et Freeman3. Pour ces auteurs, le
changement fait ainsi partie
1 Vernier E. et al. (2003), Le changement et la
gestion, SEFI Editions, Québec, Canada, p. 269
2 Ibid.
3 Hannan M.T. et Freeman J. (1989),
Organizational ecology, Havard University Press, London, cités par
Autissier D. et al. (2014), Conduite du changement : concepts
clés, Dunod, Paris, p. 161
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IMPACTS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
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intégrante d'une sélection naturelle des
organisations : pas de changement, pas d'adaptation. Pas d'adaptation, pas de
survie.
Pour Michel Crozier4, le succès des
organisations actuelles est le résultat de leur capacité à
innover non seulement dans leurs produits et leurs techniques, mais
également dans leurs rapports avec le client. Le changement
entraîne une translation d'une situation actuelle (qui va devenir
obsolète) vers une situation future (qui deviendra quotidienne). La mise
en place d'un changement s'effectue alors en appliquant une stratégie de
"conquête" dans l'organisation, car tout changement doit faire face
à des résistances, voire des oppositions. Le changement se doit
alors d'être conduit. S'il y a changement, nous devons nous interroger
sur ce qui provoque ce changement. A ce propos, Meier5 a
établi cinq grandes catégories de causes du changement : la
technologie, l'environnement de l'entreprise, sa taille, sa culture et sa
stratégie. Kurt Lewin6 a été l'un des
précurseurs dans l'étude du processus du changement
organisationnel, notamment avec l'image du dégel, de la transition et du
regel, abordant le problème de la résistance au changement,
caractérisée par une typologie des acteurs explicités par
d'Hermemont et César7. Toutes ces résistances au
changement peuvent avoir comme origine une peur de ce même changement, ce
que Kets de Vries et Miller8 qualifient même de "deuil" :
"comme pour la perte d'un être cher pour un individu, les
salariés de l'entreprise doivent apprendre à oublier les
anciennes manières d'être et de procéder, et s'engager dans
une sorte de processus de deuil pour pleurer le passé". Mais si un
organisation décide de réaliser un changement, c'est dans
l'optique d'améliorer certains points qui lui paraissent essentiels,
voire vitaux. Le changement ne peut être envisagé que pour
améliorer sa situation vis-à-vis de facteurs internes ou externes
qui ont évolué, et pour atteindre un niveau de performance. Mais
qu'est-ce que la performance au final ? Est-ce une efficacité
démontrée d'atteindre les objectifs fixés ? Est-ce la
démonstration d'une efficience dans l'utilisation des ressources mises
à disposition ? Nous pouvons également nous interroger sur les
apports de la performance pour l'organisation. Nous supposons, à juste
titre, que ce gain de performance va apporter un "plus", mais quel est ce
"plus" ? Est-il stratégique, financier, ou mercatique ? Tout cela
à la fois ? Le partage des connaissances est également un des
aspects cruciaux de la performance, de par l'enrichissement de ces
connaissances pour chaque salarié, chaque acteur de l'organisation. Nous
voyons ici poindre l'importance de la
4 Crozier M. (1989), L'entreprise à
l'écoute : apprendre le management post-industriel, Seuil, Paris,
p. 29
5 Meier et al. (2012), Management du changement ;
Changement culturel et organisationnel, Dunod, Paris, p.10
6 Lewin K., Décisions de groupe et
changement social, cité par Levy S. (1951), Psychologie
sociale. Textes fondamentaux, Dunod, Paris, p. 498
7 D'Herbemont O. et César B. (1998), La
stratégie du projet latéral, Dunod, Paris, p.39
8 Kets De Vries M. et Miller D. (2006), La face
cachée du leadership, Village Mondial, Paris, p. 166
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communication entre les différents acteurs d'un
organisation réalisant un changement pour un gain de performance.
Ce qui nous amène à nous poser cette
problématique :
"En quoi le changement organisationnel
améliore-t-il les performances individuelles ?"
En effet, interrogeons-nous sur ce qu'apporte le changement
organisationnel en terme de performance : sur quoi agit-il, apporte-t-il
quelque chose de significatif et pourquoi le réaliser ?
Pour répondre à cette problématique et
à toutes ces questions, nous allons réaliser dans la
première partie de cette étude une revue de littérature
afin de décrire les concepts clés du changement et de sa
conduite, du concept de performance, ses enjeux et les facteurs qui la
composent.
En seconde partie, nous réaliserons l'analyse des
résultats obtenus à partir d'une étude concernant le
projet "Industrialisation" de la société Sopra Banking Software
afin de confirmer ou d'infirmer cette approche théorique.
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1. ETAT DE L'ART
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