· L'offre de poisson d'eau douce élevé
Sans faire référence à l'équilibre
économique classique offre-demande, il est évident que la
consommation finale observée du poisson d'eau douce élevé,
résulte de la confrontation entre l'offre à disposition chez les
pisciculteurs et la propension à consommer chez les populations.
Celle-ci est déterminée par les préférences du
consommateur et de sa capacité d'accès à ce produit
alimentaires achetées ou servi. Déclinons tout d'abord les
déterminants de cette offre.
L'offre, qu'elle résulte d'une propre production
paysanne en tant que produit de son activité agro-piscicole, ou produit
des exploitations familiales agricoles ou encore qu'elle soit vendue sur le
marché local, dans les réseaux de grande distribution
(marché urbain), au domicile du producteurs ou fait tout simplement
l'objet d'un don, est caractérisée par une certaine
disponibilité et plus ou moins de variétés. Les
denrées alimentaires, pour parler ici du poisson d'eau douce
élevé, présenteront des caractéristiques
spécifiques et des prix qui influenceront les choix des consommateurs. A
travers un graphique inspiré du modèle de Bricas, Padilla, Khaldi
et Haddad (2002), nous représentons ci-dessous les déterminants
de l'offre de poisson d'eau douce sur le site d'étude.
1. La disponibilité et la
variété
Les facteurs déterminants la disponibilité et la
variété du poisson d'eau douce élevé sont de
différents ordres, selon qu'il est à l'état frais
(fraichement sorti de l'étang), transformé (fumé ou
séché) ou cuisiné et servi hors domicile (restaurant ou
gargote).
Pour le poisson frais, la disponibilité et la
variété dépendent tout d'abord des capacités
locales de production. En milieu rural, l'alimentation de la population est
traditionnellement basée en grande partie sur l'autoconsommation ou sur
les aliments largement disponibles localement. La gamme des produits
consommés est souvent limitée mais les agriculteurs/pisciculteurs
consommateurs ont souvent une connaissance fine des différences de
qualité des produits qu'ils cultivent (ou des poissons qu'ils
élèvent). Dans le cas où les disponibilités locales
c'est-à-dire le poisson d'eau douce élevé sur place
s'avèrent limitées en quantités ou en
variétés en raison de conditions agro-écologiques
défavorables ou des pratiques magico religieuses néfastes, les
possibilités de recours à des approvisionnements plus
éloignés sont alors déterminantes. C'est le cas de
certains approvisionnements qui s'effectuent à Santchou, un village
voisin où la pisciculture est également pratiquée. Pour le
consommateur, l'offre est alors conditionnée par les modalités de
transport, particulièrement pour ceux résidant en zone
urbaine.
Pour permettre un étalement de l'approvisionnement dans
l'espace et dans le temps, la transformation d'une partie du poisson
pêché est nécessaire. Cette transformation de
l'alimentation contribue de plus à accroître la
variété car elle autorise la consommation de produits
jusque-là inconnus dans le répertoire local. La diversification
des produits transformés est alors largement liée aux
capacités d'innovations des pisciculteurs dans un contexte où les
moyens financiers sont dérisoires et la technologie nécessaire
pour ces opérations est rudimentaire.
Disponibilités et variétés sont aussi
déterminées par les capacités de restauration hors
domicile. En effet, parmi les producteurs que nous avons interrogés,
deux d'entre eux (des femmes) possèdent un restaurant où elles
cuisinent et vendent le poisson d'eau douce issu de leurs étangs. Elles
affirment faire des bénéfices substantiels, car certains poissons
sont très prisés, comme en témoigne Madame Tessa, l'une
des tenantes de restaurant :
« Quand j'ai une bonne récolte, c'est
ça que je prépare pour vendre au restaurant. Les gens
apprécient beaucoup ces poissons, surtout le silure et le tilapia. Ils
aiment le tilapia parce que je le sert en entier, sans couper, puisqu'il n'est
pas très gros ».
Cette forme de restauration favorise une connaissance et une
certaine vulgarisation du poisson d'eau douce élevé chez des
populations parfois sceptiques. Mais encore, la restauration n'est pas qu'un
lieu de prise de repas, c'est aussi un lieu de socialisation alimentaire
permettant d'une part des rencontre et d'autre part de découvrir et
accéder à de nouvelles préparations culinaires qui ne font
pas partie du répertoire familiale.
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