8.4.3. Le paradoxe
de l'Homnivore
Développée par le sociologue français
Claude Fishler dans son ouvrage L'Homnivore en 1990, la théorie
du paradoxe de « l'Hominivore » postule que l'homme
évolue dans un espace de double contrainte où il est d'une part
« poussé à la diversification, à l'innovation,
à l'exploration, au changement... Mais d'autre part, et
simultanément, il est contraint à la prudence, à la
méfiance, au « conservatisme » alimentaire : tout aliment
nouveau, inconnu, est en effet un danger potentiel. Le paradoxe de l'Homnivore
se situe dans le tiraillement, l'oscillation entre ces deux pôles, celui
de la néophobie (prudence, crainte de l'inconnu, résistance
à l'innovation) et celui de la néophilie (tendance à
l'exploration, besoin de changement, de la nouveauté, de la
variété) ».
Par ailleurs, pour comprendre le mangeur qualifié par
Claude Fischler d' Homnivore, il présente ses
principales caractéristiques :
Ø Premièrement, tous les mangeurs
élaborent un système classificatoire entre le consommable et le
non-consommable, qui n'est pas purement fonctionnel, mais qui renvoie à
des représentations, à de l'imaginaire. Autrement dit, la
rationalité des mangeurs n'est pas purement nutritionnelle ou
économique, elle inclut des valeurs.
Ø Deuxièmement, manger signifie
incorporer, c'est-à-dire s'attribuer les
qualités nutritionnelles de l'aliment, mais aussi ses qualités
symboliques, voire magiques, selon le principe « je deviens ce
que je mange » (Manger magique,
1994).
Ø Troisièmement, l'Homnivore est face à
un paradoxe, car il est en même temps néophile
(il aime tester de nouvelles nourritures) et néophobe (il a peur de ce
qui est nouveau).
Pour cet auteur, le paradoxe du mangeur est
régulé par le système culinaire (ordre du mangeable), les
modes de préparation et de consommation, qui permettent l'acceptation
d'un nouvel aliment (gustativement, associé selon l'espace culturel)
(Poulain, 2002b).
Conjointement avec le paradoxe de l'Homnivore, le principe de
l'incorporation (Fischler, 1990), démontre que l'attitude du
consommateur face à un aliment inconnu est régie par ce qu'il
pense être la conséquence possible de son ingestion. L'application
du principe de l'incorporation dans le fait alimentaire dépend cependant
du caractère rationnel ou irrationnel de la pensée du
consommateur. D'une part, ce dernier peut éprouver de l'angoisse dans la
mesure où il redoute une conséquence négative, telle
qu'une intoxication, ou alors chercher à absorber les
propriétés nutritionnelles suite à l'ingestion de cet
aliment. A ce niveau, le principe de l'incorporation est fondé sur une
pensée rationnelle, car vérifiable par objectivation. D'autre
part, si le consommateur chercher à s'approprier les qualités
symboliques de l'aliment, ou encore à se reconstruire une
identité, dès lors le principe de l'incorporation est basé
sur une pensée irrationnelle. En nous inspirant de Paul Rozin, qui a
repris la théorie de Claude Fischler, nous avons
schématisé le paradoxe de l'Homnivore de manière
synoptique
Je suis ce que je mange
Irrationnelle
(Identité)
Rationnelle
(Intoxication)
PRINCIPE D'INCORPORATION
Méfiance
Attirance
Nouveauté
NEOPHOBIE
NEOPHILIE
HOMNIVORE
PARADOXE DE L'HOMNIVORE
Figure 1 : Paradoxe de l'Homnivore selon Paul ROZIN
(1976)
Irrationnelle
(Identité)
Rationnelle
(Intoxication)
PRINCIPE D'INCORPORATION
Méfiance
Attirance
NEOPHOBIE
NEOPHILIE
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