La protection des consommateurs en droit positif congolaispar Espérance Diswekamu Kutetama Université de Kinshasa - Graduat 2017 |
2. La recherche de l'équilibre contractuelLa théorie de la liberté contractuelle ne comporte pas que des avantages, bien au contraire, une interprétation restrictive de cette théorie et du principe de la convention-loi conduirait à placer systématiquement la partie la plus faible, en occurrence le consommateur à la merci de son cocontractant. Car, selon le célèbre formule du Lacordaire : « entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Faisant pratiquement fi des impératifs inhérents à la réalité socio-économique des temps actuels, réalité peu compatible avec l'individualisme juridique et profondément différente de celle qui prévalait au moment de la rédaction du Code Napoléon dont nous avons hérité une bonne partie du fait de la colonisation, nos juridictions persistent encore à considérer l'autonomie de la volonté et la convention-loi comme des principes sacrés : « Les parties sont liées par leurs conventions, il n'appartient pas au juge de modifier les obligations qui en découlent sous prétexte d'équité »44(*). En réalité, si l'article 33 du Livre III du Code Civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (al. 1er), il n'en demeure pas moins qu'elles « ...obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature » (art. 34). Par ailleurs, la spécificité des contrats de consommation ainsi que le déséquilibre manifeste qui caractérise les rapports opérateurs économiques/consommateurs et la nécessité de prévenir les abus de situation militent en faveur d'un « jus fraternitatis » dans les relations contractuelles et d'une interprétation souple de la théorie de la liberté contractuelle. Car, nous dit avec raison Ihering : « La liberté est au-dessus de la justice ». Et la démonstration de E. Gounot45(*) sur ce point ne manque pas d'éloquence : « En matière de contrat, il n'y a qu'un seul principe absolu : c'est la justice. La liberté n'est qu'un moyen en vue du juste ; elle ne repose que sur une présomption de justice. Lors donc que la réalité contredit la présomption, limiter la liberté au nom de la justice, ce n'est pas s'insurger contre les principes juridiques suprêmes, c'est les appliquer ». En fait, quelques dispositions de notre droit contribuent, d'une manière ou d'une autre, à sauvegarder un certain équilibre dans les relations contractuelles : la protection du consentement des contractants (a), la répression des clauses abusives - encore timide, il est vrai (b) ainsi que la réparation des vices cachés et des dommages causés par la chose qui fait l'objet du contrat (c). a. La protection du consentementLa théorie des vices du consentement qui figure sans conteste au nombre des moyens juridiques utiles à la protection des consommateurs a pour siège l'article 9 du Livre III du Code civil : « Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Pareil procédé remettrait en cause la licéité de l'engagement du consommateur car l'objet sur lequel ce dernier tend à s'engager n'emporte pas son libre consentement. * 44KALONGO MBIKAYI, Droit civil : les obligations, Notes de cours polycopiées, G2 Droit, Unikin, Kinshasa, 1999-2000, p.51. * 45GOUNOT E., cité par GHESTIN. Le contrat : principes directeurs, consentement, cause objet, Paris, L.G.D.J, 1982.p.3. |
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