La protection des consommateurs en droit positif congolaispar Espérance Diswekamu Kutetama Université de Kinshasa - Graduat 2017 |
§2 : Historique et évolution du mouvement consumérismeNous verrons d'abord, l'historique du mouvement consumérisme (A) et, ensuite, l'évolution du mouvement consumérisme (B). A. L'historique du mouvement consumérisme Le phénomène politique et sociale tendant à défendre les consommateurs se repose sur la mise en évidence d'un aspect de l'homme jusqu'alors lésés dans l'ombre. Force est de souligner que le consumérisme a donné lieu à de nombreuses définitions dont aucune n'a été universellement acceptée. Certains auteurs l'ont défini comme étant la défense et la promotion des intérêts des consommateurs. Aux États-Unis, il est souvent présenté comme l'effort organisé des consommateurs recherchant des réajustements, des compensations et des remèdes pour l'insatisfaction accumulée dans l'obtention de leur niveau de vie. Mais en général on dit que c'est la protection des intérêts des consommateurs par des associations20(*). Par ailleurs, une opinion trop répandue rattache la naissance du droit de la consommation à l'apparition du mouvement « Consumériste » aux USA après la Seconde Guerre Mondiale. En réalité, les règles juridiques régissant les rapports entre les professionnels et consommateurs se perdent dans la nuit des temps. C'est au Moyen Age que va s'organiser peu à peu cet ensemble de règles qui constitue déjà, sinon un droit de la consommation, du moins une protection des consommateurs, sanctionnée juridiquement, et dès l'origine, ces sanctions auxquelles fait appel cet ordre public économique, sont de nature pénale21(*). Ce droit pénal a deux sources différentes: la première réside dans ce que l'on appellerait aujourd'hui l'autodiscipline. L'on sait que de nombreuses professions sont, dans notre ancien droit, organisées en "métiers jurés" c'est-à-dire, encore que le terme soit impropre, en corporations. Ces métiers sont dotés de statuts et la grande majorité de ceux-ci comportent de nombreuses dispositions relatives à la protection du consommateur. L'autodiscipline apparaît rapidement comme ayant ses limites. C'est une ordonnance de Philippe Le Bel en 1305, qui paraît constituer le premier texte du droit pénal de la consommation, sous peine d'amende et de confiscation, toutes lesdenrées amenées à Paris, « seront vendues en plein marché ». Le 20 avril 1393, une ordonnance prohibait, ce que nous appelons aujourd'hui la vente au déballage. Mais le plus grand problème déjà, c'est la Fraude.Toute cette réglementation sévèrement sanctionnée, destinée à protéger les consommateurs contre les abus les plus fréquents et les plus graves et qui constituent déjà un véritable droità la consommation, va être vivement attaquée au XVIIe siècle par l'École des Physiocrates au nom de la liberté du commerce22(*). Seule la loi du marché doit régner. Turgot écrit : « que l'acheteur se défende lui-même et n'aille pas à tout propos attendre l'intervention du Gouvernement ». C'est une longue lutte entre les partisans de la liberté du commerce et les consommateurs qui commencent, marqué par la « guerre des farines » en 1774, cet affrontement s'achèvera qu'avec la promulgation des codes Napoléoniens23(*). C'est à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle qu'apparaissent dans les grandes villes des ligues d'acheteuses, de consommateurs et d'usagers. Le journal Le Consommateur, publié par l'une d'elles, affiche à la "une" sa devise(ironique) : "Je dépense, donc je suis". En 1927, la Confédération générale de la consommation est créée, elle exprime le rêve d'un consumérisme de masse et unifié24(*). Charles Gide notait dans son « ouvrage d'économie politique » : « ce pouvoir du consommateur est resté absolument théorique jusqu'à ces derniers temps, faute...25(*) B. L'évolution du mouvement consumérisme De tout temps, les consommateurs ont subi des injustices et notamment celle d'être trompée sur les marchandises vendues et celle des vices cachés de la marchandise achetée. Déjà en Droit romain, quelques règles tendaient à protéger l'acheteur contre pareille malhonnêteté (règles relatives au vice de consentement, garantie des vices cachés, etc.). Avec le développement de l'économie et de l'industrie, ces anciennes solutions deviennent inadéquates. La notion de protection des consommateurs est apparue aux Etats-Unis de l'Amérique. Le jeudi, 15 mars 1962, le Président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, envoya au Congrès américain un message spécial sur la protection des intérêts des consommateurs dont il lut un résumé dans la matinée pour les médias et la télévision26(*). Il crée, en 1971, l'association Public Citizen, association de consommateurs américains. Cette association, composée de 150 000 adhérents, existe toujours. Elle est depuis près de trente-cinq ans un acteur clé du mouvement social aux Etats-Unis. Son champ d'activité est la protection de la démocratie, de la santé publique, et de la sûreté pour les consommateurs par le biais d'une activité de lobby auprès du Congrès et des agences fédérales. Elle agit également envers le pouvoir exécutif et judiciaire en faveur de l'interdiction des médicaments dangereux, la fermeture de centrales nucléaires etc...27(*) En réaction à la création de l'OMC au milieu des années 1990, Public Citizen a élargi son champ d'action à l'international pour pouvoir réagir contre les conséquences désastreuses de la globalisation économique. L'Observatoire du Commerce mondial dirigé par Lori Wallach a largement participé à la prise de conscience internationale des menaces posées par l'OMC et la libéralisation commerciale.On l'a vu se mobiliser lors des sommets de l'OMC en 2000 à Seattle, en septembre 2003 à Cancun, pour dénoncer l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), l'Accord sur l'agriculture... A travers ces initiatives, Public Citizen a développé une politique d'alliance internationale, tant avec des associations de défense de l'environnement, des organisations luttant pour la justice sociale, qu'avec des organisations paysannes et bien sûr d'autres organisations de consommateurs28(*). Les dispositions juridiques liées à la protection du consommateur ont été assurées par les règles jurisprudentielles développées en matière de contrats d'adhésion (contrat dont les clauses sont fixée à l'avance et dans lequel aucune discussion n'est possible en dehors de la liberté ou non d'adhérer). Kennedy a été le premier président à mener une réflexion sur la protection du consommateur. En 1962, lors d'un discours devant le Congrès américain, il formule quatre droits de base du consommateur : - droit à la sécurité, - droit à l'information, - droit à la représentation, - droit aux choix29(*). Ainsi, aux Etats-Unis, plusieurs principes se sont développés pour protéger le consommateur considéré comme la partie faible dans les contrats : la loyauté et bonne foi dans les contrats aboutissent au régime des clauses dites "odieuses"30(*). * 20 BIHL L., Vers un droit de la consommation, Gaz. Pal. 1974, p.2. * 21Idem. * 22 BIHL L., Op.cit, p.16. * 23Idem. * 24Ibidem. * 25 GIDE Ch., Economie politique, Foyard, Paris, 1925, p.34, in www.google.fr, consulté le 12/06/2018. * 26 BOURGOIGNIE TH., Éléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruylant, Bruxelles, 1988, p.364. * 27BOURGOIGNIE TH.,Op.cit, p.364. * 28 CALAIS-AULOY J., Droit de la consommation, Dalloz, Paris, 1981, p.56. * 29Idem. * 30Ibidem. |
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