1.4. Dimension humaine des conflits hommes-animaux
sauvages
L'importance de l'aspect social pour comprendre les conflits
hommes-animaux est effectivement de plus en plus reconnue (Nyhus, 2016). La
collaboration de toutes les parties prenantes est de plus
considérée primordiale pour réduire ces conflits et
améliorer les politiques
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de conservation (Larson et al., 2016; Treves et
al., 2006). Selon Dickman (2010), les facteurs sociaux peuvent avoir
une part plus significative dans ces conflits que les dommages directement
causés par les animaux.
En effet, la manière dont les hommes perçoivent
leur environnement (dont les animaux font partie) modèle leurs niveaux
de tolérance et leurs attitudes envers la faune (Lassiter, 2002). Mauz
(2002) indique que la conception de la juste place des animaux par les hommes
est liée aux représentations personnelles et collectives qu'ils
en ont. Cette représentation définit donc la démarcation
entre les aires humaines et animales, même au-delà de la place
légalement démarquée comme pour les PA, et par extension
détermine le conflit et ses conditions d'apparition. Les attitudes des
habitants locaux et des différents groupes d'acteurs envers les animaux
et les institutions de conservation influent de plus leur niveau de
coopération aux actions de conservation, la participation aux mesures de
prévention des conflits et les réactions aux situations de
conflits (Carter et al., 2014; Manfredo et Dayer, 2004). La
compréhension du contexte socio-culturel local aide aussi à
cibler les actions d'information et de sensibilisation pour désamorcer
les conflits (Marchand, 2013).
Afin de comprendre les conflits hommes-animaux, de cibler les
mesures de réduction des conflits efficaces et d'encourager la
coopération avec les acteurs locaux, il semble donc essentiel de mettre
au jour les représentations que les acteurs locaux ont des animaux et
leurs attitudes envers les politiques de conservation, ainsi que les facteurs
les déterminants.
1.4.1. Des représentations subjectives et
complexes
Selon Wolch, Emel et Wilbert (2003), la manière dont on
perçoit les animaux, et par extension les politiques de conservation, se
construisent à la fois à l'aide de facteurs personnels
(expériences vécues, préférences
particulières), locaux (sociaux, culturels, institutionnels) et globaux
(mouvements économiques et politiques).
D'après Pooley et al. (2017), la prise en
compte de cette complexité des facteurs influençant les
représentations est d'autant plus nécessaire que les
professionnels de la conservation ont tendance à les négliger.
Dickman (2010) estime ainsi que nombre de ces derniers se basent sur des
hypothèses comportementales reposant seulement sur les
expériences vécues et les faits scientifiques, et qui
s'avèrent souvent erronées. La perception des risques par les
habitants locaux et leurs réactions aux conflits sont ainsi souvent
disproportionnées. Les dommages réels occasionnés par la
faune peuvent, de plus, être inférieurs aux dommages perçus
par les victimes (Webber et Hill, 2014), notamment lorsque ces conflits
s'ajoutent à des tensions
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déjà existantes avec les autorités.
Dickman argumente que des critères de rationalité seuls ne sont
pas suffisants pour expliquer la sensibilité personnelle à une
situation de conflit avec un animal, mais qu'il faut aussi prendre en compte le
contexte socioculturel local. Les gens ont en effet tendance à valoriser
leur ressenti alors que les scientifiques privilégient les faits
(Sillero et al., 2006). Johnston (2008) estime également que
les perceptions et l'esthétisme jouent plus que les faits scientifiques
dans la conception des représentations.
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