6.4. Présences humaines et risques de
dégradations agricoles
Cette partie visera à établir si les signes de
présence humaine tendent à augmenter les risques perçus
par les herbivores sauvages et donc réduire les risques de conflits.
Plusieurs auteurs abondent en effet dans ce sens et indiquent que la plupart
des animaux sauvages évitent s'ils le peuvent le contact avec l'homme
(Pozo et al., 2017 ; Guerbois et al., 2012, Rangarajan et
al., 2010).
Dans cette optique, la relation entre la fréquence de
venue de la faune sauvage et la présence de voisins et de routes entre
la bordure de l'AWS et les foyers sera donc étudiée.
Le nombre de voisins a été calculé en
comptabilisant le nombre d'habitations se trouvant entre un foyer et le refuge
sur QGIS. Pour cela, l'outil « Join attributes by location (summary)
» a été utilisé à partir de la «
couche des habitations », représentant l'ensemble des habitations
digitalisés se trouvant à moins d'un kilomètre de l'AWS,
et de la « couche des lignes foyers/forêt »,
représentant les lignes tamponnées (100m de large) les plus
courtes entre les foyers et la forêt. Cet outil a permis d'obtenir le
nombre d'habitations se trouvant dans chacune de ces lignes
tamponnées.
Un peu moins d'un quart des foyers interviewés de la
zone de la PRA (23%) n'a pas ou qu'un seul voisin entre leur habitation et la
forêt. Un peu plus d'un quart (26%) a 2 ou 3 voisins. Ceux ayant entre 4
et 6 voisins représentent également 26%, alors qu'un dernier
quart de foyer a plus de 7 voisins. 9 foyers n'ont pas de voisins et celui qui
en a le plus en a 16.
Carte du nombre de voisins entre les foyers
interviewés et la forêt
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Figure 15: Carte du nombre de voisins entre les foyers
interviewés et la forêt
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Source : Map Data @2018 Google (27/05/18)
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L'hypothèse de risques supérieurs ressentis par
les animaux en présence d'une forte densité d'habitations a
ensuite été testée statistiquement par espèce
animale.
Dans un premier temps, l'analyse des tableaux de contingence a
montré une tendance faible à relation inverse entre les venues de
la faune sauvage et le nombre de voisins. Cependant, l'occurrence de
dégradations agricoles ne montre pas de relation avec le nombre de
voisins.
La corrélation entre le nombre de voisins et,
respectivement, la fréquence de venue des animaux et les
dégradations agricoles, selon chaque espèce animale, a ensuite
étudiée. Une corrélation significative a été
trouvée entre les venues des sangliers et le nombre de voisins
(rho=0,246 ; p=0.024 ; n=84). Les sangliers ont
ainsi tendance à moins s'aventurer quand la densité d'habitations
augmente.
Globalement, les trois autres espèces animales montrent
également cette tendance, bien que faiblement : le test de
corrélation n'a pas de résultats significatifs (valeur p
variant entre 0,11 et 0,16). Les tests de corrélation entre
dégradations agricoles et nombre de voisins sont beaucoup moins
significatifs.
Les routes sont également des éléments
pouvant augmenter les risques perçus par les animaux sauvages et les
décourager de traverser. Seules les routes principales et les plus
larges sont considérées ici. Elles opèrent en effet une
séparation abrupte et absente de végétation, ce qui ne
laisse pas de couverts accessibles directement. De plus, le trafic, bien que
faible, peut induire un sentiment de danger supplémentaire pour les
animaux. Les routes et chemins secondaires ont été
délaissées car elles ne traduisent pas forcément un
sentiment de séparation et ne semblent plus inclus dans
l'environnement.
Pour calculer le nombre de routes entre la forêt et les
foyers interviewés, l'outil « Join attributes by location
(summary) » a été utilisé dans QGIS à
partir de la « couche des routes », représentant les routes
digitalisées, et de la « couche des lignes foyers/forêt
», représentant les lignes tamponnées (100m de large) les
plus courtes entre les foyers et le refuge le plus proche.
Il n'existe aucune route principale entre les habitations et
la forêt pour la moitié des foyers ayant participé à
l'enquête sociale. Un tiers est séparé par une route
principale et le reste (16,33%) par 2 ou 3 routes.
En analysant les tableaux de contingence, les routes semblent
légèrement réduire la fréquence de venues des
éléphants dans la zone de la PRA, mais pas pour les autres
animaux. Le test d'hypothèse statistique n'a pas
révélé d'association significative entre la
présence de
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routes et la fréquence de visites de la faune sauvage,
ainsi qu'avec l'occurrence de dégradations agricoles.
Contrairement à ce qui était attendu, les signes
de présence humaine ne semblent pas intimider fortement les
éléphants, les macaques et les sambars dans la zone de la PRA.
Les sangliers montrent cependant une certaine disposition à
côtoyer en priorité les espaces les moins denses en habitations
humaines. La distribution des données sur les visites et les
dégâts des sangliers et des sambars étant fortement
asymétrique, les résultats obtenus sont à prendre avec
prudence.
Ces résultats semblent aller à l'encontre de
Rohini et al. (2016) et Gubbi (2012), qui trouvent une
corrélation entre le nombre d'habitations et les dégradations
agricoles au Kerala. La densité d'habitations est relativement faible
dans la zone du PRA car cette zone est divisée en parcelles de
4000m2. Les habitations sont donc un peu éloignées les
unes des autres et il n'y a donc pas de centre urbain à proprement
parler, bien que l'on puisse observer une certaine forme de regroupements dans
certaines parties. Cet étalement, additionné avec la
végétation relativement haute de la zone, peut offrir à la
faune des espaces de refuges immédiats dans une majorité des
situations favorables, d'autant plus que les incursions sont majoritairement
nocturnes. Il serait intéressant de prolonger l'étude en
comparant les résultats entre l'utilisation des lignes tamponnées
et une analyse à base d'une grille pour étudier plus
profondément le lien entre densité d'habitations et conflits. Par
ailleurs, Ananda Kumar et al. (2011) suggèrent que, dans le
contexte du Kerala, ce n'est pas tant le nombre d'habitations et la
présence de routes qui favorisent les conflits avec la faune sauvage,
mais plutôt la fragmentation de leur habitat naturel et la qualité
de la végétation à disposition.
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