II - La réorganisation de l'espace agricole
La terre étant un support de développement, une
structuration bien adaptée la rendrait non seulement plus valeureuse,
mais aussi y favoriserait une vie plus harmonieuse. Et pour ce, un SIG
Participatif de la localité, à partir duquel une
réorganisation du terroir avec les paysans, permettra à ces
derniers d'avoir un meilleur aperçu des potentialités de leur
Commune. En effet, un Plan d'Occupation et d'Affectation du sol (PAOS) a
été lancé le 19 Aout 2014 par la Commune de Mont-Rolland.
Ce plan visant une décision consensuelle du découpage du terroir
en zone d'agriculture, d'élevage, d'habitats, d'industrie ou d'autres
activités, pourrait permettre une meilleure gestion des terres et une
redynamisation de l'agriculture en permettant une bonne identification des
zones potentielles pour les cultures irriguées et une meilleure
prévention des échecs ; par exemple l'échec du bassin de
rétention de Mont-Rolland pourrait être évité ; mais
aussi en réglant un problème majeur : la divagation. En effet,
l'un des principaux objectifs du PAOS est de régler le conflit
agriculteurs-éleveurs à travers une charte qui sera
établie au terme du plan41. Cependant l'établissement
de chartes suffira-t-elle dans un contexte de sous exploitation des terres
à empêcher les troupeaux de pénétrer les grandes
surfaces en jachère ou bien même, réduire les dommages
causés par les oiseaux et insectes ? Ne doit-on pas aller vers une
articulation des actions, pour leur réussite ?
En effet il faudra sensibiliser les populations à la
réoccupation des jachères, pour un PAOS efficace. Autrement dit,
la sensibilisation pour la réoccupation de l'espace agricole doit
accompagner le PAOS, afin de réduire les risques d'échec. Ainsi,
l'exploitation de grandes surfaces agricoles pourrait non seulement
éviter une exposition des champs à une divagation des troupeaux,
mais aussi réduire les dommages causés par les animaux aussi bien
en période de semis qu'en période de murissement des graines,
notamment par les oiseaux et insectes
41 YVES LAMINE CISS, maire de la Commune de
Mont-Rolland (entretien Octobre 2014)
80
car cela entrainerait une diminution du ratio par unité
de surface. Ces dommages sont souvent à l'origine à la fois d'un
faible développement des plantules et de faibles rendements qui
découragent les paysans à renouveler leurs emblavures,
renforçant du coup les effets de l'irrégularité de la
pluviométrique.
De manière pratique, ce retour à la terre peut
s'effectuer par l'accompagnement de ceux qui sont disposés à
cultiver leurs champs, et pour ceux qui ne le sont pas, de trouver des
méthodes de prêts, ou d'affectations obligatoires, dont les
conditions seront fixées dans une ambiance de collaboration des
différents acteurs, car nombreux sont ceux qui disent aujourd'hui
«touche pas au champ de mon grand-père»
sans y mener aucune activité pendant une, voire des dizaines
d'années, malgré loi 64-46 du 17 juin 1964 qui déclare que
la terre est inaliénable et doit être allouée aux
sénégalais susceptibles de la mettre en valeur. Ainsi la question
du foncier demeure primordiale pour redynamiser notre agriculture.
En outre, beaucoup de projets d'agriculture privés ont
été réfutés par les paysans, qui ont refusé
de livrer leurs champs, allant des propositions les moins attractives aux plus
alléchantes. Quelques refus sur une centaine de paysans sont capables de
bloquer l'implantation d'un projet dans cette société
égalitaire où chaque individu représente presque en
lui-même un «véto».
Récemment en 2013, selon Pape Diène42, la location des
terres cultivables à Loukouss fut bloquée par le refus de
quelques paysans alors que le promoteur avait proposé
l'aménagement de deux espaces, dont l'un, équipé d'un
forage sera sous la propriété des paysans. La contradiction
réside dans le fait que ces populations qui mènent une vie
précaire, finissent toujours par regretter le non aboutissement des
projets à cause du refus de livrer les terres. Les principales causes
sont l'attachement culturel à la terre, la méfiance
vis-à-vis des promoteurs privés mais aussi la
propriété individuelle des champs qui requiert en cas de projet
une décision consensuelle de tous les propriétaires.
Aujourd'hui, face à une telle situation, la formation
d'un comité d'accueil et d'étude des projets agricoles,
composé de tous les acteurs locaux et de techniciens
spécialisés pourrait aboutir à la concrétisation
d'une première entreprise agricole privée digne de ce nom.
Ainsi l'intégration de l'agriculture d'entreprise,
à coté de l'agriculture familiale, avec la création
d'emplois, réduirait beaucoup les effets de la pauvreté. Cela
n'est pas éloigné de l'idée décrite dans une
méthode mixte consistant à recourir à l'agriculture
d'entreprise tout en
42 Résident du village de Loukhouss et ancien
Président de la Communauté Rurale de Mont-Rolland
81
sécurisant le paysan en faisant de lui un
salarié mais aussi en lui aidant à préserver sa fibre
verte ou sa ruralité par l'attribution d'un lopin de terre qui pourra
servir comme «jardin du dimanche». (A NDIAYE,
2011). En effet, une méthode semblable à ce dernier est entrain
même d'être mise en place dans le cadre d'un projet piloté
par l'Agence Nationale d'Insertion et de Développement Agricole (ANIDA).
C'est dans ce cadre que le conseil local de développement,
présidé par le sous-préfet de Pambal a adopté le 10
avril 2014 ce projet de mise en place d'une ferme agricole dans la zone de
«Yéhé» pour les jeunes de
Mont-Rolland. Ainsi ces paysans bénéficieront certes d'un
certains nombre d'emplois, mais ils auront l'occasion de mener leurs propres
activités paysannes dans d'autres secteurs qui ne sont pas
concernés par le projet. Ce projet de l'ANIDA qui concerne 100ha, dont
50ha attribués à un promoteur privé, est repris dans la
même zone du Projet CARITAS qui avait échoué et a aussi
suscité quelques refus : deux oppositions sur une vingtaine
d'intervenants lors de son adoption (Commune de Mont-Rolland, 2013). Des
oppositions qui justifient que le débat n'est pas encore clos sur le
foncier qui doit être étudié et statué au niveau
local dans la mesure où les lois nationales auront toujours la
difficulté de prendre en compte de manière scrupuleuse les
particularités locales. Cependant, ce projet apprécié par
une grande majorité de la population va démarrer par une phase
expérimentale sur une surface de 6 ha, avec la création d'une
trentaine d'emplois au moins, dont les aménagements viennent de
débuter.
|