Conclusion partielle
Somme toute, il s'agit d'un véritable problème
de production, car dans le contexte d'une pluviométrie de plus en plus
imprévisible, rares sont les paysans qui cultivent une superficie totale
atteignant 1ha et justifie cela par manque de main d'oeuvre mais surtout de
moyens pour un investissement réussi. Ces problèmes sont
interdépendants parfois entrelacées dans un
système. Face à cette situation les paysans et
acteurs du développement mènent de multiples tentatives
d'adaptation allant du «reflexe» à la
«réflexion»30
68
30 Nous utilisons les deux termes
«reflexe» et
«réflexion» au sens figuré,
Exemple de forme d'adaptation reflexe : migration, exploitation
forestière (dans ce cas généralement les populations,
seuls acteurs et tournent vers d'autres activités autres que
l'élevage) «réfléchis » quand il s'agit des
populations avec les différents acteurs du développement (Etats,
ONG) qui recherche une solution passant par l'agriculture.
69
3e PARTIE
LES STRATEGIES D'ADAPTATION
Différents acteurs ont joué chacun un rôle
pour faire sortir Mont-Rolland de la crise agricole. Ainsi, les paysans
eux-mêmes, à moins de se résigner, se sont convertis dans
d'autres domaines, à travers des actions parfois spontanées. De
même, d'autres acteurs du développement, tels que l'Etat, les ONG
et les organisations communautaires de base ont initié plusieurs
programmes d'adaptation, parfois insignifiants aux yeux des populations
à cause du manque de résultats estimables dans le domaine
agricole.
70
Chapitre V : Les stratégies d'adaptation
adoptées
I - La priorité à la scolarisation et
la culture des plantes fruitières Aujourd'hui, les
revenues agricoles assurent moins de 3 mois de nourriture pour les paysans de
Mont-Rolland31 ; une situation qui s'est empirée au fil des
années conduisant au découragement et renforçant l'exode
des populations. Face à cette fuite les populations locales ont
adopté différentes stratégies d'adaptations.
Si la règle était que l'enfant quitte
l'école pour les travaux champêtres, quand ces derniers l'exigent,
la crise agricole à partir des années 1970 a changé la
donne : le diplôme prime sur la «terre».
Aujourd'hui avec la transformation du CEM Brave Hyppolite construit en 1995
(avec un effectif de moins de 100 élèves au départ), en
Lycée, le rêve de tout parent est de voir sont fils devenir
salarié32 pour combler le gap des productions agricoles qui
deviennent de plus en plus faibles. En effet, le lycée Brave Hyppolite
qui polarise tous les écoles primaires de la Commune de Mont-Rolland,
comptait 1154 élèves au cours de l'année scolaire
2013/2014 avec un faible taux d'abandon de 2% (BADJI Mamadou, 2014)
33 . Ainsi la péjoration climatique, favorisant la
scolarisation des jeunes et l'exode rural, aura aussi comme conséquence
une importante perte de main d'oeuvre favorisant aussi les conditions de
l'émergence de cultures moins exigeantes en main d'oeuvre telles que les
cultures fruitières.
La culture de plantes fruitières est l'une des
activités alternatives, adoptées par les paysans. Sur les 150
ménages 98 possèdent, au moins, un verger de citrons ou de
mangues soit 65%. Parmi les avantages des plantations fruitières selon
les populations : elles n'exigent pas forcement une main d'oeuvre importante
mais aussi sont plus durables que les céréales face à la
variabilité pluviométrique. Ces manguiers et citrons constituent
parfois une source de revenu important pour certains paysans qui s'investissent
énormément, surtout pour protéger leurs champs des
divagations de bétail. Cependant les plantes sont parfois
exposées à la divagation des animaux et aux mouches des fruits
qui réduisent les potentielles productions. La commercialisation des
fruits reste moins rentable à cause des prix dérisoires qui sont
fixés par les acheteurs (bana bana). Un autre problème de
l'arboriculture fruitière est lié à l'absence
31 Pendant nos enquêtes la plupart des
familles déclarant que leurs productions vivrières
dépassent deux mois, affirment manger du riz tous les jours grâce
aux revenues provenant essentiellement des apports des migrants.
32 Ici le mot salarié exclut le domaine
agricole car l'agriculture moderne n'étant pas très
développée au Sénégal n'est pas
considéré aux yeux des paysans comme un domaine pourvoyeur
d'emploi bien rémunérée ; des domaines comme
l'enseignement, l'armée, la médecine ... sont parfois
privilégiés par les populations
33 Entretien avec le Proviseur M. BADJI du
lycée Brave Hyppolite
71
de moyens de conservation et de transformation qui obligent
parfois les paysans à vendre leurs productions, quelque soit le
caractère dérisoire des prix.
Cependant à cause des menaces réelles et
permanentes de divagation, cette culture ne réussit pas à tous
les paysans. Aussi, l'exode rural n'est pas réservé à tout
le monde et les déceptions aboutissent à un
«retour à la case de départ».
Ainsi certains paysans qui sont restés dans les villages se sont
tournés vers la nature pour survivre.
II - Les produits de la végétation
L'activité
«forestière» qui était
pratiquée à usage seul, s'est intensifiée à cause
de son caractère de plus en plus commercial et cela malgré une
végétation de plus en plus steppique. En effet différentes
plantes sont exploitées, pour être commercialisées
localement mais aussi dans des villes comme Thiès et Dakar, soit pour
leur utilité alimentaire, énergétique ou
thérapeutique. Les feuilles de baobab, les écorces de Grewia
bicolor, les fruits de Ziziphus mauritiana et les graines de
Boscia senegalensis, sont parmi les plus exploitées.
Ainsi, les feuilles le baobab, dont la coupe entière
était interdite par une loi traditionnel
«koté» qui sanctionnait tout individu
s'aventurant à la coupe des arbres, sont aujourd'hui la matière
première de l' «industrie du lalo»34
.Selon les populations, les sécheresses des années 1970 ont
dérogé plusieurs lois, car face à la sécheresse la
coupe des feuilles des arbres avait été autorisée surtout
pour nourrir le bétail. Mais aujourd'hui les feuille de baobab (Photo 2)
: c'est de l'argent avant tout. Ainsi nombreuses sont les femmes qui s'activent
dans cette activité qui leur permet d'assurer des dépenses
quotidiennes.
34 Poudre de feuilles de baobab, utilisée
comme épice dans la préparation du couscous, traditionnellement
chez les Ndut.
72
Photo 2 : Cette femme triant les feuilles de
baobab déclare sous un ton ironique «Voila ma
récolte» Cliché Mbengue G.L.S
Octobre 2014.
Quand au Ziziphus mauritiana (Pii en Ndut, Sidem en
wolof) et au Boscia senegalensis (Baagné en Ndut), elles sont
exploitées respectivement pour leurs fruits et graines. Si le
Ziziphus mauritiana parvient à pousser sur toutes les parties
de la Commune et particulièrement dans les zones peu
fréquentées à l'exemple des champs abandonnés, le
Boscia Senegalensis est en abondance dans les terres
abandonnées du Tanghor. En effet selon les populations de Colobane
Thiombane, si les fleurs des Boscia senegalensis étaient
épargnées des papillons et criquets (Photo 3) elles fourniraient
une production très importante de graine et joueraient un grand
rôle alimentaire.
Photo 3 : A gauche : zone en jachère dans
le Tanghor (où pousse un paysage de Boscia sengalensis) ,
à droite :Criquet se nourrissant des fleurs (réduisant les
chances de production selon les populations) Cliché Mbengue G.L.S
Octobre 2014, Octobre 2014
73
Concernant les Grewia bicolor, (soone en Ndut et kel
en wolof) qui sont concentrées aujourd'hui dans la forêt
classée, leurs écorces sont exploitées de manière
très intense, particulièrement, par les populations des villages
de Colobane Thiombane et de Pallo. Certaines femmes affirment leur
dépendance à l'exploitation de ces écorces de
«soone» aux vertus thérapeutiques,
qu'elles retrouvent souvent à plusieurs kilomètres de leurs
domiciles, afin de les vendre à Thiès, après
transformation, pour survivre surtout lors des mauvaises campagnes
agricoles.
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