Rendu au terme de cette étude sur l'eau et la
santé dans les campagnes des hautes terres de l'Ouest du Cameroun : le
cas de Babadjou, nous pouvons retenir suite à la vérification des
hypothèses que :
Le relief favorable au drainage des eaux, l'existence des
sols facilitant l'infiltration des eaux, le climat tropical humide ainsi que la
densité du réseau hydrographique sont autant de facilités
naturelles d'accès à l'eau à Babadjou. Cependant cette
localité souffre d'une insuffisance voir d'une absence des
infrastructures d'approvisionnement en eau potable fonctionnelles. De plus, les
contraintes telles la dégradation du couvert végétal, la
rigueur du climat en saison sèche, l'importance des distances à
parcourir pour avoir de l'eau de même que les activités
agro-pastorales entravent l'accès à l'eau.
Sur 44296 habitants en 2008, seuls 3580 disposent de l'eau
provenant des adductions d'eau potable. Face à l'absence de l'eau
potable, les populations consomment les eaux de rivière, des pluies, des
puits et des sources non aménagées. Après les analyses
physique et bactériologique de quelques points d'eau de boisson des
quartiers Bametogoung, King-place et Nso'h, il ressort que les eaux
consommées par les populations de ces quartiers ne sont pas potables.
Physiquement, elles comportent des particules en suspension, elles sont acides
(PH de 5,4 à 6,0), colorées, inodores, fraîches (14-
15°C), insipides et ne contiennent pas de larves d'insectes. Pour ce qui
est de l'analyse bactériologique, dans des échantillons de 100ml,
ces eaux présentent pour la rivière Tchi-Meloung de Bametogoung,
une concentration de 30 E-coli, une concentration de 10 E-coli pour Tchi-Malou
de King-place et de 3 E- coli pour le puits non aménagé de
Nso'h.
La conséquence de la consommation de ces eaux est
l'existence des maladies hydriques à transmission orale que sont la
gastro-entérite 27%, l'amibiase 26%, la typhoïde 19%, l'ascaridiase
18%, et la diarrhée 10%. Les enfants de moins de 5 ans et les personnes
âgées sont les couches les plus vulnérables. Ces maladies
sont récurrentes en saison sèche et au début de la saison
des pluies et le nombre de victimes est plus élevé dans les
quartiers sans eaux potables que dans ceux qui en disposent. Il n'y a pas
encore eu de cas de choléra, il n'y a pas de poliomyélite, mais
le risque est permanent.
A côté de ces maladies causées par
l'ingestion des eaux sales, on a le paludisme qui est une maladie hydrique
à transmission vectorielle. Cette affection est entretenue et soutenue
par des facteurs tels que le climat pluvieux, les sols hydromorphes des
bas-fonds, des fûts d'eau et les puits non protéges,
l'omniprésence de la végétation, des porcheries et
pépinières à
105
proximité des maisons ainsi que par des trous d'eau
réalisés pour l'irrigation en saison sèche et
abandonnés durant toute la saison des pluies. Par contre, les cours
d'eau, les hautes altitudes et les eaux usées n'y favorisent pas le
développement des moustiques. Avec la présence de ces facteurs
d'endémicité, le paludisme en 2007 et 2008 représente
38,50% du nombre total de patients reçus dans les établissements
de santé de Babadjou. Dans ces conditions, à Babadjou, le
paludisme est la première cause de consultation et d'hospitalisation.
Les personnes les plus vulnérables étant les enfants de moins de
5 ans soit 28,24% et les adultes représentés par la tranche
d'âge 15-45ans avec 34,66% du nombre de paludéens. Le paludisme
à Babadjou est récurrent aux intersaisons.
En vue de résoudre ces problèmes de
santé causés par l'eau à Babadjou, les actions visant
l'équipement en adduction d'eau potable et la lutte contre le paludisme
sont entreprises par des acteurs institutionnels et la communauté.
Ainsi, pour avoir de l'eau potable, des forages on été
réalisés, mais ils n'ont qu'une faible durabilité. Trois
grands projets d'adduction d'eau ont été entrepris dans trois
quartiers notamment Bamelo, Nguékong et Balépo. Seuls les deux
premiers ont réussi le troisième étant très
coûteux. Les adductions d'eau de la Scanwater, fruit de la
coopération camerouno-danoise sont aujourd'hui non fonctionnelles. En ce
qui concerne la lutte contre le paludisme, l'on retient ici que l'Etat a mis
sur pied des stratégies de lutte à travers le PNLP, il y a une
prise en charge de la maladie par le personnel sanitaire de Babadjou à
travers la distribution des moustiquaires imprégnées et la
formation des relais communautaires, mais ces mesures demeurent
insuffisantes.
Pour répondre à leurs besoins de santé,
les populations de Babadjou essayent tant bien que mal de traiter leurs eaux de
boisson. Elles utilisent les méthodes suivantes : la décantation,
l'ébullition, la javellisation, le sel de cuisine et la chloration.
Elles construisent des puits. Cependant, elles sont confrontées à
de nombreuses difficultés liées au fait qu'elles ne
maîtrisent pas assez les techniques de traitement de l'eau et la nature
du sol qui rend difficile l'élaboration des puits. En
conséquence, les maladies hydriques à contamination
féco-orale persistent dans les ménages. En 2007 et 2008 elles ont
été à l'origine du décès de 24 personnes
dont 75% étaient des enfants de moins de 5 ans. Pour lutter contre le
paludisme, les populations utilisent peu les méthodes préventives
car 62% de cette population n'utilisent aucun mode de prévention. Les
principales méthodes utilisées pour prévenir cette
affection sont : l'usage des moustiquaires 10%, les médicaments
(pharmaceutiques et traditionnels) et les insecticides 5% et 3% respectivement.
Pour se soigner, ces populations font recours à l'automédication,
à la pharmacie de rue, aux guérisseurs et terminent leurs courses
dans les établissements de santé lorsque la maladie a atteint des
proportions critiques pouvant
106
conduire à la mort. Ainsi, au CMA de Babadjou, le
paludisme a occasionné la mort de 14 et 17 personnes respectivement en
2007 et 2008. La faiblesse des moyens financiers des populations
couplées à la peur des ordonnances coûteuses, la permanence
du paludisme et la possession d'un médicament à la maison et
l'importance des distances à parcourir expliquent le fait que les
ménages ne font pas recours en premier lieu dans les
établissements de santé en cas de maladie.