§2) Les outils juridiques de la protection du
patrimoine architectural
Dans cette partie, il s'agira donc de présenter les
principaux outils juridiques qui permettent de protéger le patrimoine
architectural et qui donc, dans une certaine mesure, sont des obstacles
à l'innovation esthétique en architecture.
1) Protection générale par le droit de
l'urbanisme
Pour commencer, la protection du patrimoine architectural, et
par là-même de l'esthétique des villes, est une composante
de tous les documents d'urbanisme à partir desquels sont
délivrées les autorisations individuelles de construire.
Le Code de l'urbanisme indique en effet que les documents
d'urbanisme visent notamment à « la sauvegarde des ensembles
urbains et du patrimoine bâti remarquable ».29
Cet objectif de protection existe aussi bien dans les
règlements nationaux d'urbanisme que dans les documents locaux
d'urbanisme tels que le Plan local d'urbanisme (PLU), le
28 VAYSSIERE, Bruno : Entretien « Pour une
patrimonialisation délibérée », dossier « Les
grand ensemble, histoire et devenir » Urbanisme n°322,
janv.-févr. 2002
29 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme
24
Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le Schéma
territorial de cohérence territoriale (SCOT) ou en encore le Plan
communal.
La principale autorisation individuelle de construire est le
permis de construire. Sa délivrance est liée au respect de
règles définies nationalement ou localement. La loi du 3 Juillet
1977 sur l'architecture et intégré au Code de l'Urbanisme expose
les objectif de protection sur lequel est fondée le permis de
construire. Parmi ces objectifs, figurent ainsi le patrimoine en tant
qu'intérêt public.30
2) Protection au titre des monuments historiques
Les lois pionnières en matière de protection du
patrimoine architectural sont les lois des 30 mars 1887 et
31 décembre 1913 qui concernent les monuments
historiques. Une telle législation apparaît car on constate une
menace pour les objets et monuments issus du passé.
Un monument historique est, en France, un monument ou un objet
recevant par arrêté un statut juridique destiné à le
protéger, du fait de son intérêt historique, artistique ou
architectural. Deux niveaux de protection existent : un monument peut
être classé ou inscrit, le classement étant le plus haut
niveau de protection.
La loi du 30 mars 1887 pour la conservation
des monuments historiques fixe pour la première fois les critères
et la procédure de classement. Elle contient également des
dispositions instituant le corps des architectes en chef des monuments
historiques.
La loi du 31 décembre 1913 constitue
quand à elle la base essentielle du droit régissant la protection
des monuments historiques et n'a été que partiellement
modifiée jusqu'à présent.
Enfin, la loi du 13 juillet 1911 introduit la
notion de « perspective monumentale » : l'article 118 de la
loi avait fait de la « conservation des perspectives monumentales
» un motif permettant de justifier le refus du permis de
bâtir.31
Ces lois anciennes n'ont été partiellement
modifiées et constituent toujours en 2014 la base essentielle du droit
régissant la protection du patrimoine architectural.32
30 Article L.431 du Code de l'urbanisme
31 Cette disposition, restée inchangée, se retrouve
aujourd'hui à l'article R 111-21 du code de l'urbanisme.
32 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 31
25
Le Code du patrimoine a été mis en place par
l'Ordonnance du 20 Février 200433 et le la section 4 du Code
de l'urbanisme est consacré notamment aux monuments historiques :
« Les immeubles dont la conservation présente
au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont
classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par
les soins de l'autorité
administrative. »34
Enfin la loi du 25 février 1943 impose
la protection des abords des monuments historiques classés ou inscrits
:
« tout immeuble situé dans le champ de
visibilité d'un tel édifice est soumis à une autorisation
spéciale pour toutes les démolitions ou transformations de nature
à affecter l'aspect. »
Dans la pratique, ce champ de visibilité se manifestait
par un rayon de 500 mètres autour de l'édifice en question. Cette
loi crée également le corps des architectes des bâtiments
de France : ce sont eux qui sont chargés de délivrer les
autorisations.
La loi du 15 Juin 1943 institue quant
à elle le permis de construire, autorisation préalable qui doit
être demandée à la mairie.
Le Code du patrimoine protège également
les abords des monuments historiques D'après sa section
4, consacrée aux monuments historiques celui-ci distingue deux types
d'immeubles potentiellement compris dans les abords des monuments historiques :
les immeubles adossés et les immeubles dans le champ de
visibilité.
Un immeuble adossé à un
monument historique est un immeuble en contact avec un immeuble classé
au titre des monuments historiques ou toute partie non protégée
au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement
classé.35
Un immeuble situé dans le champ de
visibilité d'un monument historique est quant à lui un
immeuble situé dans un périmètre de 500 mètres
autour d'un monument classé ou inscrit et visible de cet immeuble ou
visible en même temps que lui. 36 La loi du 22 Mars 2012
précise cependant qu'en fonction de la nature de l'immeuble
classé ou inscrit et de son environnement, peut être
créé un périmètre de protection adapté. La
distance de 500 mètres peut ainsi être dépassée avec
l'accord de la commune ou des
33 Ordonnance n° 2004-178 du 20 Février 2004 relative
à la partie législative du Code du patrimoine
34 Article L.621-1 du Code du patrimoine
35 Article L.621-30 du Code du patrimoine
36 Loi du 22 Mars 2012
26
communes intéressées. Ce périmètre
est créé par l'autorité administrative après
enquête publique.
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