Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.( Télécharger le fichier original )par Laura Lemaire Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014 |
§2) Les excès de la protection des sites et des espaces naturels1) La sacralisation des paysages et des espaces naturelsOn a, dans le titre précédent, présenté les principaux outils qui ont pour but de protéger des paysages et les espaces naturels, auxquels on reconnaît une valeur particulière. On fait ainsi de certains paysages et de certains espaces naturels un patrimoine. Et ainsi, on limite fortement voire on prohibe toute construction nouvelle. Cela semble légitime quand on parle d'espaces qui ont réellement un attrait particulier, ce qui est le cas des espaces naturels protégés ou de certains paysages. 66 « L'architecture, un acte politique » :Interview de Andrew Todd pour cafébabel.com, Le magazine européen, 2008 67 « L'architecture, un acte politique » Interview de Andrew Todd : op. Cit. 43 La sacralisation du paysage en tant que tel est cependant plus contestable. Je parle ici du paysage commun, sans attrait particulier, que le droit de l'urbanisme protège pourtant. La loi la plus contestable est donc la loi du 8 Janvier 199368 qui oblige le constructeur à fournir un aperçu visuel du bâtiment en vue de l'obtention du permis de construire, la condition de l'obtention étant que le bâtiment se fonde dans le paysage. Cette loi est un frein majeur à la création architecturale car l'architecture se doit alors d'être discrète. Cette loi fige le site dans l'état où il se trouve. La question se pose du bien fondé de cette obligation dès lors qu'on se place dans un paysage sans intérêt particulier. En effet, le bâtiment ne peut-il pas donner un intérêt à un paysage qui n'en a pas ? 2) Différentes façon d'introduire une construction dans le paysageIl n'y a en effet pas qu'une seule façon d'introduire une construction dans un paysage69 et il semble ici nécessaire d'en apporter la preuve par l'exemple en présentant trois façons différentes. La première façon d'intégrer un édifice dans un paysage est l'intégration : l'architecture s'efface devant le paysage ou se fond dans celui-ci. On peut penser par exemple à la gare TGV d'Aix-en-Provence conçue par Jean-Marie Duthilleul. En effet, la forme du bâtiment rappelle celle de la montagne Sainte-Victoire, que l'on aperçoit lorsqu'on est sur le quai. De plus, la hauteur du bâtiment n'excède volontairement pas une certaine hauteur pour ne pas rompre avec le paysage de montagne.70 Il en va de même pour le Palais Omnisports de Bercy71 : la volonté des architectes Michel Andrault et pierre Parat fut de fondre l'édifice dans le site : il s'agit d'un site urbain qui forme un plan horizontal avec la Seine. L'idée fut donc de faire des « blocs obliques qui diminuent l'aspect visuel d'un bloc important »72 . Cela se traduit par un bâtiment d'une hauteur limitée et avec du gazon qui recouvre les blocs obliques. Ainsi, le bâtiment n'occulte pas l'horizon et s'intègre dans le paysage de Paris. 68 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme 69 OGIER, Magali : op. Cit. : p.22 à 25 70 Annexe 5, figure n°2 71 Annexe 5, figure n°3 72 Faits d'architecture (2) / 7 émissions TV conçues par Catherine Terzieff ; divers réalisateurs Ministère de la culture : images de la culture, architecture et design, 2000 : émission consacrée au Palais Omnisports de Bercy 44 Une autre façon d'intégrer un édifice dans un paysage est l'encadrement : dans ce cas là, l'architecture, découpée, met en scène le paysage. On peut citer comme exemple le centre d'entraînement d'aviron sur les rives du Douro au Portugal.73 Le bâtiment semble en effet séparé en trois ensembles et met ainsi en scène un paysage de vallée qui n'avait pas un grand intérêt esthétique. Enfin, la provocation correspond à une situation où c'est le paysage qui s'efface devant l'édifice. On peut prendre comme exemple celui de la salle de rock « Stadium » de Vitrolles conçue par l'architecte Rudy Ricciotti74 en 1990. Le bâtiment a été construit sur l'emplacement d'une ancienne friche industrielle, un paysage qui n'avait donc aucun intérêt esthétique. Dans ce cas là, c'est l'édifice qui va donner au paysage son esthétisme. Dans la technique de l'encadrement et de la provocation, c'est donc la construction, du fait de l'innovation architecturale, qui donne son intérêt esthétique au paysage dans lequel il est intégré. Il ne s'agit aucunement de dire que l'architecture devrait toujours s'imposer par rapport au paysage mais de critiquer une certaine sacralisation du paysage, même banal. |
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