INTRODUCTION
En 2013, le projet de la gare routière
d'Aix-en-Provence, conçu par l'architecte Jean-Marie Duthilleul, a
reçu, au Congrès national des établissements publics
locaux, le prix Innovation EDF/EPL pour ses performances
énergétiques ainsi que pour sa qualité architecturale,
environnementale et technique.1 Le projet a donc été
récompensé pour son aspect esthétique mais aussi pour son
aspect environnemental. La nouvelle gare routière d'Aix-en-Provence est
donc un ouvrage représentatif des enjeux actuels de l'urbanisme et de
l'architecture : concilier qualité architecturale, harmonie de
l'édifice avec son environnement et développement durable.
Dans ce mémoire, il sera question d'architecture,
d'urbanisme et plus particulièrement de droit de l'urbanisme,
d'esthétique et d'environnement. Et avant d'aller plus loin et de
présenter les rapports entre droit de l'urbanisme et innovation
architecturale, il semble nécessaire de définir un certain nombre
de termes.
Urbanisme :
« Ensemble des mesures techniques, administratives
économiques et sociales qui doivent permettre un développement
harmonieux, rationnel et humain des agglomérations »2
« Ensemble des arts et techniques concourant à
l'aménagement des espaces urbains en fonction de données
démographiques, économiques, esthétiques en vue du
bien-être humain et de la protection de l'environnement »3
L'urbanisme suppose l'idée d'une organisation
rationnelle et donc l'idée de planification. C'est donc avec les
débuts de la planification urbaine après la Première
guerre mondiale que naît le droit de l'urbanisme.
Mais si le droit de l'urbanisme apparaît tardivement,
à la fin du XIXe siècle, les penseurs réfléchissent
depuis l'Antiquité à l'organisation que devrait avoir la ville
idéale.4 C'est le cas par exemple de Platon dans Les Lois
et La République. Et dans la lignée de
1 Dossier « Nouvelles infrasctructures de transport»,
Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, p.18 et 19
2 Dictionnaire Larousse, 2012
3 Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert,
sous la direction d'Alain Rey, Tome 4 (R-Z), 1995 « urbanisme » p.
1686
4 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme, 8ème
édition,2008, Memento Dalloz. p.1
7
l'Antiquité, la Renaissance donne lieu a plusieurs
utopies célèbres qui sont des réflexions sur la ville
idéale. On peut citer Utopia de Thomas More, paru en 1516 en
encore La cité du soleil de Tomaso Campanella (1613).
Cependant, c'est au XIXe siècle que les théories
sur la ville idéale se font les plus nombreuses. Et cela donne lieu
à deux grands courants principaux : le courant progressiste et le
courant culturaliste. Le courant progressiste se caractérise par une
croyance absolue dans le progrès et l'universalisme. Le courant
culturaliste au contraire se caractérise par l'admiration du
passé et la nostalgie de la société
pré-industrielle. Cependant, comme leurs prédécesseurs
dans l'histoire des idées, il s'agissait peu pour les intellectuels du
XIXe siècle de passer à la réalisation concrète.
Françoise Choay parle de « pré-urbanisme
».5
Le XIXe siècle voit donc apparaître des
intellectuels qui consacrent des ouvrages entiers à l'organisation de la
ville. Cela va contribuer à la naissance de la notion d'urbanisme
à la fin du siècle.
Le terme d'urbanisme, urbanizacion en Espagnol,
apparaît pour la première fois sous la plume de l'ingénieur
catalan Illdefons Cerdà dans son ouvrage Théorie
générale de l'urbanisation en 1887. En France, il a fallu
attendre 1910 et le néologisme forgé par Pierre Clerget dans un
article de la Revue neuchâteloise de Géographie pour que
le terme d'urbanisme entre dans le vocabulaire. En 1911 ensuite, fut
fondée la Société Française des urbanistes (SFU),
« société savante » selon le vocabulaire de
l'époque et enfin, en 1953 l'école des Beaux arts de Paris
commence à enseigner l'urbanisme à ses étudiants en
architecture.6
L'urbanisme est donc à la fois un champ disciplinaire
lié aux sciences humaines et un champ professionnel qui regroupe
l'ensemble des pratiques et des techniques qui découlent de la mise en
oeuvre des politiques urbaines telles que le logement et les transports par
exemple. Dans le champ professionnel, on distingue l'urbanisme
réglementaire qui consiste en la législation de l'urbanisme et
l'urbanisme opérationnel qui consiste en la mise en oeuvre d'actions sur
le terrain.
5 CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et
réalité. Seuil, 1979
6 Idem.
8
Droit de l'urbanisme
En France, comme on l'a dit, on ne parle de droit de
l'urbanisme que depuis la fin de la Première guerre guerre mondiale. En
effet, à cet époque, l'état de dévastation du pays
et la nécessité de reconstruction rendit nécessaire une
réflexion globale sur la ville et surtout la planification de la
reconstruction du pays. Cela s'accentua encore avec la Seconde guerre
mondiale.
Cependant, avant même le XXe siècle, on observe
des mesures de l'État pour encadrer la construction de la ville. On ne
parle pas encore d'urbanisme puisque le terme n'a pas encore été
inventé mais on parle de mesures de police administrative. En France ce
type de mesures relatives à la ville date du début du XVIIe
siècle.
Les premières mesures de police relative
à la ville : aménagement des voies publiques, salubrité,
sécurité et esthétique7
La première norme qu'on peut assimiler à de
l'urbanisme date de 1607 avec l'Édit d'Henry IV qui impose aux
constructeurs de respecter le principe d'alignement des rues et donne à
l'administration le pouvoir de les y contraindre. Des plans d'alignements
seront établis ensuite par différents monarques, par la
Révolution (loi de 1791), le Premier Empire (loi de 1807) et par la loi
municipale du 5 avril 1884. La première norme assimilable a de
l'urbanisme concerne donc l'aménagement des voies publiques.
Avant cela, les villes étaient construites de manières
anarchiques, les architectes n'étant soumis qu'à des exigences
matérielles et de bon sens :
« Le dessin des voies, ainsi que la dimension des
logements résultaient surtout du bon sens, et aussi du savoir faire
technique de l'époque, ainsi la largeur des habitations populaires du
Moyen-âge dépassait rarement les cinq mètres car cela
correspond à la portée maximale d'une poutre. »8
La police de la sécurité est un
élément important du droit de l'urbanisme qui apparaît plus
de deux siècles plus tard : il s'agit de contrôler par voie
d'autorisation ou de déclaration préalable les
établissements dangereux, incommodes ou insalubres. En 1810, un
décret impérial classe 3 degrés de dangerosité. Ce
décret est complété un peu moins d'un siècle plus
tard par la Loi du 21 juin 1898 relative aux immeubles
menaçant ruine :
7 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3 et 4
8 OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de
l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la
construction, 1995
9
le maire a l'obligation de faire détruire un immeuble
qui présente des dangers pour les passants ou les voisins.
Le troisième type de ces mesures de polices
administratives relatives à la ville est la police de la
salubrité : en 1852 apparaît en effet un
décret-loi qui oblige les constructeurs à aménager des
réseaux d'évacuation des eaux, d'abord à Paris, puis cela
est étendu à d'autres villes. L'idée vient du Baron
Hausmann. Puis, cinquante ans plus tard, la Loi du 15 février 1902
oblige chaque commune de plus de 20 000 habitants à adopter un
règlement sanitaire. Aucune construction ne pouvait être
entreprise sans un permis qui attestait de la conformité au
règlement sanitaire.
La protection de l'esthétique, enfin,
est le type de mesures de police administratives relatives à la ville
qui apparaît en dernier et ne se conçoit que rattachée
à la conservation du patrimoine. La conservation du patrimoine recouvre
deux choses : la protection des monuments historiques et la protection des
sites.
Un monument historique est, en France, un monument ou un objet
recevant par arrêté un statut juridique destiné à le
protéger du fait de son intérêt historique, artistique ou
architectural. La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des
monuments historiques fixe pour la première fois les critères et
la procédure de classement.
La notion de site, quant à elle, correspond au paysage
considéré sous le plan de l'esthétique. Les lois des
21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent, de même, encadrer
les critères et la procédure de classement des sites.
Enfin la la loi du 13 juillet 1911 introduit
la notion de « perspective monumentale ».
Alignement des voies publiques, sécurité,
salubrité, esthétique : tels ont donc été les
premières mesures de police administratives relatives à
l'organisation des villes. Celles ci ne ce se détachaient cependant pas
encore du droit de la construction et des objectifs de la police administrative
traditionnelle. On était dans le cadre de règles strictes de
construction imposées au particulier et pas encore dans le domaine de la
planification. Or, c'est avec les débuts de la planification que
naît réellement le droit de l'urbanisme.
10
La France dans une dynamique de planification
La première loi de planification urbaine apparaît
en France en 1919, à l'imitation de pays voisins comme la Suède
(1874), Pays-Bas (1901) et Grande Bretagne (1909) et fait suite à la
nécessité de reconstruction des villes du nord et de l'est
après la Première guerre mondiale. Il s'agit de la La loi
Cornudet du 14 Mars 1919.
Cette loi prescrivait l'établissement dans un
délai de trois ans de « projets d'aménagement
d'embellissement et d'extension des villes » dans les communes de
plus de 100 000 habitants et dans les villes « sinistrées,
pittoresque ou en extension rapide ».
Cette loi prévoyait une certaine forme de
décentralisation : en effet les plans étaient du ressort des
communes. Cependant, si le maire ne prenait pas de décision le
préfet pouvait se substituer à lui.
En pratique, la portée de la Loi Cornudet fut
limitée puisque la procédure était trop lourde pour des
communes dépourvues de moyens d'y faire face. Cependant, la « loi
Cornudet » est un apport considérable. En effet elle pose le
principe de planification à l'échelle communale : c'est donc
l'ancêtre direct des POS (Plans d'occupation des sols).
Ensuite, la loi du 1e Juillet 1924
complète la Loi Cornudet. En effet, celle-ci soumet les
lotissements à autorisation préalable.
Puis, par la jurisprudence Lainé, le Conseil
d'État admet la légalité des zonages et des affectations
du sol à des usages différents.9 C'est un principe qui
dominera l'urbanisme jusqu'au années 80 : logements, lieux de travail,
commerces et lieu de loisirs sont séparés dans des zones
différentes.
Enfin, par la loi du 15 Juin 1943,
l'urbanisme est déclaré « affaire d'État »
et doté de services propres. Avant cela le ministère de
l'intérieur avait la responsabilité de l'urbanisme mais par cette
loi, fut créé une Délégation à
l'Équipement national avec une direction de l'urbanisme. Les services
extérieurs sont placés sous l'autorité d'un inspecteur
général et aménagés au niveau régional.
Dès les débuts de la planification, l'urbanisme
avait donc vocation a promouvoir un certain équilibre entre les
territoires et à imposer des normes aux constructeurs dont font partie
les architectes.
9 Arrêt du Conseil d'État, 23 février 1934,
Lainé
11
Les enjeux de l'urbanisme et le droit de l'urbanisme
depuis 1945
En 30 ans entre 1945 et 1975, la population urbaine en France
augmente de 14 millions d'habitants sous les effets simultanés du
Baby-boom et de l'exode rural. Le grand enjeu de l'urbanisme devient donc le
logement. Il s'agit de construire vite et beaucoup : on assiste à un
doublement du nombre de mise en chantier. Pour la seule année 1970
près de 500 000 chantiers sont lancés. Cette situation est celle
des Trente Glorieuses et nécessite une politique d'envergure. Et en
même temps il s'agit de ne pas construire de manière anarchique :
les Trente Glorieuses sont donc une période de l'essor de la
planification et de l'urbanisme prospectif.10
De 1950 à 1960 il s'agit donc avant tout de
faciliter les opérations d'urbanisme. La loi du 21 Juillet 1950
crée un régime d'aide financière à la
construction et la loi du 21 Juillet 1950 élargie les
possibilités d'expropriation pour en faire bénéficier les
constructeurs privés. De plus, par les décrets du 31
Décembre 1958 sont créés les statuts de deux
opérations spécifiques d'aménagement : les ZUP (Zones
à aménager en priorité) et la rénovation urbaine.
Enfin, avec les programmes de restauration immobilière (Loi Malraux, 4
août 1962) et les Zones d'aménagement différées
(ZAD), 26 Juillet 1962), on passe à une politique de sauvegarde et de
rénovation qui rompt avec les démolitions brutales et les
« grands-ensembles » tant décriés.
Les Trente Glorieuses sont aussi l'époque de l'essor de
la planification et de l'urbanisme prospectif. En effet se
développe l'idée d'étendre à l'ensemble du
territoire l'application de documents d'urbanisme de portée
différente. Au niveau supra-communal, les Schéma directeurs
d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) jouent un rôle de
prévision et d'orientation générale. Au niveau communal,
il s'agit des Plans d'occupation des sols (POS) qui ont une fonction de
réglementation de et zonage. C'est la loi d'orientation foncière
du 30 décembre 1967 qui détermine leur
régime. Les POS était au départ uniquement fait dans les
aires métropolitaines mais bientôt, les communes rurales eurent
obligation de se plier aux POS.
Se développe aussi la concertation :
c'est à dire la rencontre et le débat organisé entre les
différents acteurs intéressés par une opération
d'urbanisme avant une prise de décision. Le but est d'atténuer le
caractère technocratique et centralisé des décisions.
Sont
10 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3
ainsi créées les Zones d'aménagement
concerté (ZAC) par la loi d'orientation foncière du
30 décembre 1967.
Vers un droit de lurbanisme plus protecteur et
qualitatif.
Par protection, on entend tout d'abord la protection
de l'environnement : comme on le verra en détail dans la
seconde partie de ce travail, les enjeux environnementaux prennent de plus en
plus d'ampleur à partir de la fin des années 1960 et occupent
dans le droit de l'urbanisme les premiers rangs dans la hiérarchie des
valeurs.
Il s'agit aussi de la protection contre une trop forte
urbanisation à travers des mesures coercitives contre la
propriété privée. Est créé le plafond
légal de densité (PLD) au dessus duquel il appartient à la
collectivité de construire et le permis de construire se
généralise.
Enfin, il s'agit de protéger les futurs
occupants contre des constructeurs malhonnêtes ou
défaillants à travers des lois sur la responsabilité des
constructeurs et des maîtres d'ouvrage, des contrats incluant de
nombreuses garanties.
Après 1983 avec la décentralisation et les
nouveaux pouvoirs donnés aux communes, la concertation sert aussi
à tempérer les nouveaux pouvoirs donnés aux communes. La
Loi du 18 juillet 1985 rend à ce titre obligatoire
l'organisation d'une concertation avec les habitants de la commune pendant la
réalisation d'un projet d'aménagement. Se développe aussi
la place faite aux associations avec les lois du 10 et
31 décembre 1995 notamment pour les
associations agréées de protection de l'environnement et les
associations foncières urbaines (AFU) inspirées des associations
de propriétaires.
Enfin, il apparaît que l'État, d'avantage que de
prendre en charge directement l'aménagement, poursuit des programme
d'incitation à l'égard des organismes publics,
parapublics et privés de l'aménagement. Cela prend la forme
d'aide financières et du développement de la
contractualisation.
Décentralisation et inflation
normative
Avec les lois de décentralisation, sont transmises
beaucoup de compétences au communes en matières
d'élaboration des documents d'urbanisme et de délivrance
12
13
d'autorisation. Cela se caractérise par une inflation
normative. Un rapport du Conseil d'État de 1992 dit Rapport
Labetoulle, pointe la nécessité de rendre le droit de
l'urbanisme plus synthétique et « plus efficace ». Le
constat est le même aujourd'hui.
La Loi SRU et les débuts de l'urbanisme de
projet
La Loi SRU de 2000, relative à la solidarité et
au renouvellement urbain, opère une « une ambitieuses
réforme de l'ensemble du système »11 La loi
SRU tente en effet d'inciter les communes, souvent regroupées au
communautés de communes, à mettre au point des Schéma de
cohérence territoriale (SCOT) « afin d'aller vers une gestion
intégrée des de l'urbanisme vers le développement durable
»12 : les documents d'urbanisme doivent ainsi devenir non
plus seulement des plans d'affectation des sols mais des véritables
projets de développement urbain prenant en compte les enjeux de
restructuration de l'existant, le développement économique, le
développement des moyens de transport, les problèmes sociaux et
les préoccupations environnementales.
La Loi SRU est donc au fondement de l'urbanisme de
projet. En effet, la Loi SRU change
profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la
procédure qui mènent à leur élaboration.
Cela a été encore accentué avec Les
lois de Grenelle (2010) et par la Loi ALUR du 20
février 2014 qui a pour but pour les nouvelles construction
outre de densifier en zone urbaine pour construire là où sont les
besoins et de lutter contre l'étalement urbain. Pour cela il s'agit de
favoriser les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) 13
Le droit de l'urbanisme est donc né après la
Première guerre mondiale de la nécessité de planifier la
reconstruction des villes endommagées par la guerre. Après la
Seconde guerre mondiale, l'enjeu principal de l'urbanisme est le logement : le
droit de l'urbanisme a donc eu pour objectif de faciliter la construction.
Cependant, dès cette époque, il s'est agit d'encadrer la
construction. Avec les crises des années 1970, les projets de sont faits
de moindres envergures et il s'est agit alors d'enjeux plus qualitatifs :
11 MORRAND-DEVILLER, jacqueline : op. Cit. :
p.8
12 Idem.
13 Site internet dédié à la loi ALUR
14
la protection de l'environnement, la lutte contre
l'étalement urbain et des enjeux plus sociaux comme la mixité
sociale. Cette évolution du droit de l'urbanisme s'est
caractérisée par un empilement de normes de plus en plus
nombreuses.
Sources du droit de l'urbanisme
Le droit de l'urbanisme est peu encadré par le droit
international. Cependant, depuis les années 1970, les liens entre droit
de l'urbanisme et droit de l'environnement n'ayant cessé de se
renforcer, la dimension internationale du second ne manque pas de se
répercuter sur le premier, créant ainsi de nouvelles contraintes
pour le secteur du bâtiment.
Outre l'environnement, on peut citer le droit de l'Union
Européenne pour ce qui est des règles de la
concurrence.
Depuis la loi de décentralisation de 1983, c'est par
ailleurs aux élus locaux qu'incombe l'essentiel des fonctions de
maîtrise d'ouvrage publique, urbaine et architecturale. C'est aussi aux
élus locaux que revient le pouvoir de police de l'urbanisme car ce sont
eux qui ont la responsabilité des documents d'urbanisme. Le droit de
l'urbanisme relève donc de règles nationales et locales.
Dans ce mémoire il sera fait mention du droit de
l'urbanisme dans une acception élargie puisque notre étude ne
sera pas limitée aux règles issues du Code de l'urbanisme mais
également des règles issues du Code du patrimoine, du Code de la
construction ou encore du Code de l'environnement, qui sont intimement
liés à l'urbanisme.
Une définition du droit de l'urbanisme
« Le droit de l'urbanisme peut être
défini comme l'ensemble des règles concernant l'affectation de
l'espace et son aménagement. »14
Il s'agit de mesures de police administrative et de servitudes
d'intérêt public . Le droit l'urbanisme est donc rattaché
de manière importante au droit administratif et également
à d'autres branches du droit public tels que le droit fiscal, le droit
de l'environnement, du patrimoine, de l'expropriation, de la
propriété des personnes publiques et mais aussi du droit
privé : droit de la construction et droit pénal notamment.
14 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1.
15
« Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit
de l'harmonie et de la conciliation entre ces diverses exigences »
: sociale : droit au logement, diversité de l'habitat,
qualité de vie, esthétisme , économique, protection de
l'environnement, de l'esthétisme, de la qualité de vie imposant
des limites à l'aménagement »
Il s'agit d'un droit parfois rigide et parfois souple et
« qui laisse une large place aux décisions
discrétionnaires en opportunité. »
Par ailleurs c'est un droit qui met en présence des
acteurs diverses souvent en situation conflictuelle. Il faut donc des
mécanismes de concertation préalable c'est à dire
convaincre et persuader plutôt qu'ordonner.
Un aussi cependant un droit« discriminatoire »
qui porte atteinte aux grands principes de liberté et de
propriété. Cependant légitimité des règles
de l'urbanisme découle du fait que la liberté consiste à
ne faire que ce qui ne nuit pas à autrui, et la propriété
n'est pas absolue : elle existe dans les limites que fixent les lois et
règlements.
De plus, on assiste à un mouvement de
développement des droits et libertés individuels notamment sous
l'influence du droit de l'Union Européenne et du libéralisme. La
jurisprudence actuelle du droit administratif défend de plus en plus les
intérêts des administrés face à l'administration. Et
il en va de même pour le droit de l'urbanisme.
Mais il est temps à présent de passer à
la définition des autres termes du sujet : architecture, innovation et
innovation architecturale.
Architecture
« Art de construire les édifices, d'en organiser
l'espace et l'apparence, extérieure et intérieure ; ensemble des
techniques qui y concourent en étant soumises au projet artistique
»15
L'architecture est donc un art. Et dans la classification
classique, l'architecture est même le premier des arts. C'est pour cela
que l'architecture dépend en France du Ministère de la culture.
L'architecture relève donc de la recherche artistique de nouvelles
techniques, de nouvelles formes. Et comme tous les arts, l'architecture est
marquée par des mouvements artistiques évoluant avec les
époques.
Le mot architecture apparaît pour la première
fois en langue française à la Renaissance dans une traduction du
De architectura de l'architecte Romain Vitruve par
15 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert,
2005, Tome 1 (A-D), sous la direction Alain Rey, « architecture » p.
468-470
16
Jean Martin. L'ouvrage fut nommé Architecture ou
l'art de bien bastir et fut écrit en 1547.
Un art de l'espace et de la construction
Le De architectura de Vitruve écrit vers -25
est le seul traité d'architecture qui nous reste de l'Antiquité.
Il s'agit d'une sorte d'encyclopédie des techniques de construction et
de conception des ouvrages architecturaux, ainsi que des machines et
instruments de mesure. Cette oeuvre a une influence importante
durant le Moyen-âge et jusqu'à l'avènement de
l'architecture classique et baroque au VIIe siècle. Pour Vitruve,
l'architecture est une imitation de la nature. L'édifice doit donc
s'insérer harmonieusement dans l'environnement naturel. L'architecte
doit par ailleurs posséder une culture vaste et notamment philosophique.
Il doit également avoir la connaissance de l'acoustique pour la
construction des théâtres, de l'optique pour l'éclairage
naturel des édifices et de la médecine pour l'hygiène des
aires constructibles. Le livre 1 en particulier donne des indications sur
l'organisation urbaine.16
D'après Vitruve, l'architecte de la Rome antique
s'occupait donc ce qu'on appellera des siècles plus tard
l'aménagement urbain. Cela reste vrai car aujourd'hui en France, de
nombreux architectes ont également une formation d'urbaniste.
L'architecte est « celui qui conçoit
l'édifice et en dirige la construction. »17 Le
métier d'architecte s'apparente donc à la maîtrise
d'oeuvre, il est celui qui maîtrise techniquement la construction des
bâtiments et surveille la mise en oeuvre des projets architecturaux. On
oppose en effet « maîtrise d'oeuvre » et «
maîtrise d'ouvrage ». Le maître d'oeuvre est celui qui
réalise le projet architectural et le maître d'ouvrage celui qui
passe la commande. L'architecture est donc un art qui est
intégrée à un secteur économique qui comporte des
enjeux financiers importants : le bâtiment.
L'innovation correspond au fait d'innover, c'est
à dire :
« Introduire dans une chose établie quelque chose de
nouveau, d'encore inconnu »18
16 Table des matières de De Architectura. Maufras, 1847
17 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert :
op. Cit. : « architecture » p. 468-470
18 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert :
op. Cit. : « innover » p. 1998
17
Innovation architecturale et droit de l'urbanisme sont donc a
priori des notions antagonistes. Le droit de l'urbanisme, en effet, est un
droit contraignant qui a pour fonction l'harmonie esthétique des villes,
quand l'architecture en tant qu'art porte en elle la recherche technique et
esthétique qui implique l'innovation, c'est à dire la recherche
de « quelque chose de nouveau » qui vient bouleverser ce qui
existe déjà.
Par ailleurs, une innovation est considérée
comme telle par rapport à l'époque à laquelle elle
apparaît. La tour Eiffel par exemple, ce prodige architectural de
l'exposition universelle de 1889 qui consiste en une tour de 300m de haut
entièrement réalisée en métal choqua les Parisiens
lorsque fut érigée. Victor Hugo lui même rédigea des
pétitions pour que la mairie débarrasse la ville de ce «
monstre de métal » qui défigurait Paris. Plus de 100
ans plus tard, la Tour Eiffel est le symbole de Paris dans le monde entier.
L'innovation d'hier peut donc devenir le patrimoine de demain.
Et un droit qui se bornerait à protéger ce qui existe ne serait
donc qu'une contrainte, quelque chose qui empêcherait toute innovation.
Il s'agit donc de se poser la question des rapports souvent conflictuels entre
innovation esthétique et droit de l'urbanisme. Mais une partie de ce
travail sera également consacrée aux règles de nature
environnementale du droit de l'urbanisme.
Environnement
« 1. Ce qui entoure, constitue le voisinage de.
2. Ensemble des éléments physiques, chimiques
ou biologiques, naturels ou artificiels, qui entourent un être humain, un
animal ou un végétal ou une espèce.
3. Ensemble des éléments objectifs et
subjectifs qui constituent le cadre de vie d'un individu
»19
La notion d'environnement rassemble tout ce qui constitue le
cadre d'existence d'un être vivant. Par ailleurs l'environnement peut
être naturel ou artificiel. Et il peut aussi s'agir
d'éléments subjectifs, c'est à dire, qui dépendent
de la perception de l'être vivant.
Depuis la fin des années 1960, la protection de
l'environnement s'est imposée comme une nécessité. Ainsi,
les enjeux environnementaux prennent une importance de
19 Le petit Larousse illustré, 2008
18
plus en plus considérable dans le droit de l'urbanisme.
Et d'autre part s'est développé depuis cette époque ce
qu'on appelle l'architecture environnementale.
Si le droit de l'urbanisme relatif à l'environnement
est une contrainte supplémentaire pour les architectes, il est aussi un
moteur de l'innovation dans le domaine technique s'agissant notamment des
matériaux et de l'efficacité énergétique.
Il s'agira donc dans ce mémoire de réfléchir
à la problématique suivante :
En quoi le droit de l'urbanisme français a-t-il
un rapport différent à l'innovation quand on se place en
matière esthétique et en matière environnementale et quels
sont les enjeux de ce rapport dans les deux domaines ?
Dans la première partie, on
s'intéressera aux rapports entre innovation esthétique et droit
de l'urbanisme. On montrera que le droit de l'urbanisme est un droit
hostile à l'innovation architecturale en matière
esthétique. On présentera les principales règles
d'urbanisme qui empêchent l'innovation esthétique puis on nuancera
cette position en montrant le caractère nécessaire et même
propice à l'innovation de la contrainte, notamment réglementaire.
Dans la seconde partie, on réfléchira aux rapports entre
innovation architecturale, protection de l'environnement et droit de
l'urbanisme : on montrera qu'en matière environnementale, le
droit de l'urbanisme à un rapport favorable à l'innovation
architecturale mais que cela ne va pas sans poser de problèmes. On verra
en effet que le droit de l'urbanisme français actuel prône une
architecture environnementale technologique. On présentera donc les
critiques que l'on peut adresser au droit de l'urbanisme actuel en
matière environnementale et enfin on présentera des solutions
pour une urbanisation plus durable.
19
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