1.1.2. 1960-1990 : la création de la Zone
industrialo-portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer et la mise au ban de la commune du
SAN Ouest Provence
Jusque dans les années 1960,
Port-Saint-Louis-du-Rhône est donc un pôle industriel important
à l'échelle nationale où l'emploi industriel a une place
importante. Cependant, la construction de la ZIP de Fos-sur-Mer va constituer
un tournant pour la commune, qui va être isolée sur le plan
économique et politique. D'avant-port colonial à l'importance
nationale, Port-Saint-Louis va ainsi devenir « la ville du bout du monde
», exclue de la construction intercommunale, à laquelle est
adossée la création de la ZIP.
La construction de la Zone industrialo-portuaire (ZIP) de
Fos-sur-Mer :
Au début des années 1930, le pourtour de l'Etang
de Berre est un espace aux paysages ruraux et agricoles mais en ce début
du 20e siècle, ce territoire est progressivement pensé
et aménagé comme une annexe du port de Marseille par la Chambre
de commerce et d'industrie. Le potentiel industriel du territoire est cependant
encore largement inexploité : l'industrie se limite à trois
raffineries de pétrole et deux sites industrialo-portuaires.
Au milieu des années 1950, la Chambre de commerce et
d'industrie souhaite attirer à Fos-sur-Mer des entreprises
sidérurgiques d'envergure nationale. L'idée intéresse le
gouvernement qui va prendre la main et progressivement écarter les
acteurs locaux du projet. Dans un contexte d'aménagement du territoire,
l'idée est pour l'Etat de créer un « pôle de
croissance » afin d'industrialiser la façade
méditerranéenne et de favoriser ainsi la restructuration des
grandes entreprises françaises et assurer leur insertion dans la
concurrence internationale.15
Dans les années 1960 un port en eau profonde va ainsi
être creusé dans le Golfe de Fos, puis en 1969 va être
aménagée la ZIP dans la plaine de Crau, où les entreprises
vont progressivement s'installer dans les années 1960 et 1970. On peut
citer en particulier les grandes entreprises du secteur la métallurgie
telles que SOLMER ou de la pétrochimie telles qu'Imperial Chemical
Industries et
15 CLAUX, Martin : La ville mobile gouvernée.
Intercommunalités, politiques de déplacements et trajectoires de
déplacement de la Région Urbaine Marseillaise. Thèse de
Doctorat, Aix-Marseille Université, 2014
11
ESSO, soutenues par l'Etat et qui investissent massivement
dans la zone. Fos-sur-Mer devient donc un pôle industriel important.
Une évolution démographique et sociale
:
Le développement industriel va entrainer un
accroissement démographique important et une mue sociale. En effet,
entre 1960 et aujourd'hui, la population des communes qui forment actuellement
le SAN Ouest Provence16 a été multipliée par
quatre : elle passe en effet de 25 000 à 96 000 habitants.
![](Port-Saint-Louis-du-Rhne-tente-de-reprendre-son-destin-en-main-L-exemple-de-ses-politiques-sporti4.png)
Figure 5 : Evolution démographique du SAN Ouest
Provence / source : Insee, Recensements de la population
/ Réalisation : CLAUX, Martin, 2014
A cette impressionnante croissance démographique
s'ajoute une mue sociale : en effet la majorité des emplois
créés à Fos-sur-Mer sont des emplois ouvriers.
L'installation des entreprises sidérurgiques en particulier
déclenche la migration des « hommes du fer », ces ouvriers
métallurgistes lorrains qui s'installent en masse dans les communes
autour de Fos-sur-Mer.
Cela a pour conséquence un taux de l'emploi ouvrier
très importants par rapport à la France métropolitaine, ce
qui est encore vrai aujourd'hui. Les communes de Miramas et
Port-Saint-Louis-du-Rhône en sont un bon exemple avec respectivement une
part de 30 et 40% d'emplois ouvriers en 2014.17 Le graphique
ci-dessous permet de mettre en évidence le fait qu'au moment où
la France en
16 Istres, Fos-sur-Mer, Miramas,
Port-Saint-Louis-du-Rhône, Grans, Saint-Mitre-les-Remparts
17 Insee, Recensement de la population 2012
12
général connait une désindustrialisation
(à partir des années 1970), pour les villes de l'Etang de Berre,
on observe le phénomène inverse dans les communes du SAN Ouest
Provence :
![](Port-Saint-Louis-du-Rhne-tente-de-reprendre-son-destin-en-main-L-exemple-de-ses-politiques-sporti5.png)
Figure 6 : Part des ouvriers dans la population active /
Source Insee / Réalisation Martin CLAUX, 2014
Un EPCI pour aménager le territoire :
Le développement industriel s'est accompagné de
la création d'une ville nouvelle et d'une structure intercommunale pour
aménager la zone et construire les infrastructures nécessaires
d'une part à l'accueil des activités industrialo-portuaires et
d'autre part à l'accueil des populations dans des conditions
décentes. La volonté initiale de l'Etat est de réunir 14
communes dans un Etablissement public d'aménagement.
A l'arrivée, seules quatre communes intègrent
l'Etablissement Public d'Aménagement de la ville nouvelle des Rives de
l'Etang-de-Berre (EPREB) : Istres, Fos-sur-Mer et Miramas,
intégrées au sein d'un Syndicat Communautaire
d'Aménagement (SCA) et Vitrolles en tant que commune associée
à la ville nouvelle. Il s'agit d'une alliance politique entre communes
de la majorité gouvernementale de centre droit (UDR).
13
Le périmètre de la SCA, qui devient le SAN Ouest
Provence en 1984 ne change pas jusque dans les années 2000 en
dépit des demandes répétées de certaines communes
telles que Saint-Martin-de-Crau et Port-Saint-Louis-du-Rhône
d'intégrer cet EPCI fiscalement riche.
Les communes de la SCA se voient déléguer
l'exécution des investissements communautaires dans les domaines du
logement, de la voirie, de la signalisation, des parkings, des espaces verts ou
encore des équipements culturels, sportifs ou scolaires et les frais
sont couverts par une dotation de la SCA envers les communes.
Dans un premier temps, la ville d'Istres, siège de la
SCA puis du SAN Ouest Provence et sous-préfecture des
Bouches-du-Rhône depuis 1981 capte la majorité des crédits.
Il s'agit d'une période pendant laquelle l'EPCI est au service du
développement de la ville-centre. L'idée qui sous-tend cet
état de fait est celle de « charges de centralité » et
les grands projets communautaires se font systématiquement à
Istres.18
Cette situation perdure jusqu'au début des
années 2000 avec l'entrée de trois nouvelles communes au sein du
SAN Ouest Provence : Port-Saint-Louis-du-Rhône, Grans et
Cornillon-Confoux. A partir de ce moment, le leadership d'Istres est
contesté par une coalition des pôles secondaires menés par
Fos-Sur-Mer. On passe ainsi d'un « consensus communautaire (une
intercommunalité au service du rayonnement de la centralité
Istréenne) à une autre : une intercommunalité au service
du développement d'un territoire
multipolaire.»19
Port-Saint-Louis-du-Rhône, un territoire
à la marge du développement industriel et de la construction
communautaire des communes du SAN Ouest Provence :
Ainsi, pendant les décennies 1970, 1980 et 1990,
Port-Saint-Louis-du-Rhône, comme Grans et Cornillon-Confoux, ne
parviennent pas à intégrer l'EPCI. Si les communes de
Fos-sur-Mer, Miramas et surtout Istres profitent des ressources d'un EPCI riche
qui investit en masse pour l'aménagement de la ville nouvelle, ce n'est
pas le cas de Port-Saint-Louis-du-Rhône, qui accuse ainsi un retard de
développement de la population et également un retard en termes
d'équipements, notamment sportifs, lié à sa
non-entrée dans le SAN.
18 CLAUX, Martin : op. cit. p.116 à
131 : « 3.2. Le Syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence,
la construction d'un espace industriel multipolaire»
19 Ibid : p.129
14
Le Port autonome de Marseille et la ZIP de Fos-sur-Mer
condamnent Port-Saint-Louis-du-Rhône :
Jusque dans les années 1960,
Port-Saint-Louis-du-Rhône est donc un pôle industriel d'envergure
nationale. Lorsque le Port Autonome de Marseille est créé en
1966, c'est donc naturellement que le port est intégré à
l'ensemble. Le Port autonome voyait en Port-Saint-Louis-du-Rhône la
possibilité de pouvoir naviguer sur une grande partie du territoire
national et même vers l'Europe du nord. Mais ce qui se présentait
comme une opportunité pour Port-Saint-Louis-du-Rhône de confirmer
et d'accroitre son développement économique, s'est en fait
avéré être la cause de son déclin.
En effet, le Port fonctionne jusque dans les années
1960 puis ses activités portuaires et industrielles sont
transférées vers la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer car
le tirant d'eau du Port devient insuffisant pour accueillir des bateaux
containers de 100 000 tonnes qui sont devenus la norme.20 Le port
est donc condamné car il est devenu inadapté face aux mutations
du commerce international et obsolète en comparaison avec les darses
considérables de la ZIP.
« En 1970, nouveau coup du sort, la création de
la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer avec ses darses immenses
adaptées au gigantisme des nouveaux navires, à l'automatisation
de la manutention (les porte-conteneurs) renvoie
Port-Saint-Louis-du-Rhône à l'image désuète d'un
petit port colonial dépassé. »21
Par ailleurs, les emplois de la ZIP de Fos ne parviennent pas
à remplacer les emplois perdus à Port-Saint-Louis et le
chômage atteint des records sur la commune : entre 1982 et 1999, en
effet, le taux de chômage passe de 10,5% à 23,6%.22
Cette hausse du taux de chômage est à mettre en relation avec une
perte importante de population puisqu'entre 1980 et 1999, la commune perd
21,73% de sa population.23
On peut ainsi supposer que les communes du SAN Ouest Provence
refusent l'entrée à Port-Saint-Louis-du-Rhône dans l'EPCI
car il s'agit d'une commune qui serait davantage un poids qu'une richesse pour
les autres communes. En effet, la fermeture du port signifie également
celle des usines.24
20 GIRAUD-HERAUD, Frédérique : La
Stratégie de développement local de
Port-Saint-Louis-du-Rhône 1889-2000 : Mémoire de DESS,
Université Aix-Marseille, 2000 : p.14
21 PICON, Bernard : « Une culture de
l'incertitude » in CHARRIERRE, Jean Louis : op. cit. : p.86
22 Insee, Recensements de la population : 1982 : 308
chômeurs, 1999 : 645 chômeurs
23 Insee, Recensements de la population : 1982 : 10378
habitants, 1999 : à 8123 habitants
24 GIRAUD-HERAUD, Frédérique : op. cit.
: P.15
Un retard de développement de la population
:
La commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône a connu une
hausse importante de sa population dans les années 1960/1970, du fait du
développement des emplois industriels de la ZIP, cependant, cela ne
s'est pas vérifié ensuite, s'il l'on compare avec les autres
communes du SAN Ouest Provence, comme on peut le constater sur le graphique
suivant : 25
![](Port-Saint-Louis-du-Rhne-tente-de-reprendre-son-destin-en-main-L-exemple-de-ses-politiques-sporti6.png)
Figure 7 : Comparaison de l'évolution de la
population : PSLR / SAN Ouest Provence / Bouches-du-Rhône / Source et
réalisation : Insee, Recensements de la population
La comparaison de la population de
Port-Saint-Louis-du-Rhône et de Fos-sur-Mer est particulièrement
révélatrice (graphique et tableau suivant). En effet, Fos-sur-Mer
était avant la création de la ZIP une ville moins peuplée
que Port-Saint-Louis-du-Rhône, qui compte aujourd'hui le double de
population. Cela montre bien la conséquence de la création de la
ZIP sur les communes environnantes.
15
25 Port-Saint-Louis-du-Rhône, fiche communale :
Ouest Provence, avril 2011
![](Port-Saint-Louis-du-Rhne-tente-de-reprendre-son-destin-en-main-L-exemple-de-ses-politiques-sporti7.png)
16
|
1962
|
1968
|
1975
|
1982
|
1990
|
1999
|
2007
|
Fos-sur-Mer
|
2898
|
2869
|
6709
|
9031
|
11605
|
14007
|
15832
|
Port-Saint- Louis-du- Rhône
|
6278
|
8285
|
10393
|
10378
|
8624
|
8123
|
8530
|
Figure 8 : Source : Comparaison de l'évolution de
la population : PSLR et Fos-sur-Mer / Source : Insee, recensements de la
population / Réalisation Laura Lemaire, août 2014
Cette évolution peut être corrélée
avec l'évolution du taux de chômage sur les deux communes : on
observe en effet que c'est dans les années 1990 que le chômage
augmente le plus à Port-Saint-Louis, or c'est également à
cette époque que la population diminue le plus :
![](Port-Saint-Louis-du-Rhne-tente-de-reprendre-son-destin-en-main-L-exemple-de-ses-politiques-sporti8.png)
Figure 9 : Comparaison de l'évolution du taux de
chômage à Fos-du-Mer et PSLR / Source : Insee / Réalisation
Laura
Lemaire, août 2015
17
Cette comparaison de population avec Fos-sur-Mer montre qu'un
projet national peut avoir des conséquences considérables sur le
développement d'une commune.
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