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La participation politique dans les bidonvilles. Les cas de Newton-aéroport et de New-bell Douala.

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par Raouto Crazzilli NANTCHA
Université de Douala - MASTER II- DEA Sociologie  2015
  

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3-2- QU'EST-CE QUE PARTICIPER A LA POLITIQUE POUR LES HABITANTS DE BIDONVILLES ?

Par participer, nous avons entendu mettre à contribution ses ressources personnelles pour agir avec les autres. La section précédente a permis de toucher du doigt les croyances et les valeurs qui orientent leur perception de la chose publique. Dans celle-ci, nous envisageons voir ce que cela donne en relation avec le concept de participation. C'est ainsi qu'à partir des considérations sur la socialisation, nous mettrons en exergue qui s'y rattache (I), afin d'en déduire la forme de participation vers laquelle ils penchent le plus (II).

3-2-1- La place de la socialisation politique dans la conception de la participation politique dans la populace.

Aborder le domaine de la socialisation politique, c'est rechercher comment se forme l'identité politique des individus ; dans le cas d'espèce, c'est celui des habitants des bidonvilles. Mais d'abord, qu'est-ce que la socialisation ?

3-2-1-1- Qu'est-ce que la socialisation politique?

Dans une approche déterministe et fonctionnaliste, la socialisation politique renvoie au processus d'inculcation des croyances et représentation relatives au pouvoir (dimension verticale) et aux groupes d'appartenance (dimension horizontale). Selon cette approche, il n'y a pas en effet de société politique viable sans intériorisation d'un minimum de convictions communes concernant la nécessité des allégeances à la communauté et la légitimité du gouvernement qui les régit. Peu importe que ces convictions soient fondées ou non en raison ; il suffit qu'elles emportent l'adhésion76(*).

Aussi, ce processus répond à deux exigences :

Au niveau des gouvernants, ils ont besoin d'imposer des croyances qui justifient l'exercice de leur pouvoir et renforcent la cohésion de la société qu'ils dirigent ; afin de faciliter l'obéissance aux lois, la régression de la contrainte directe au sens de Norbert Elias77(*)(1939), et le processus de mobilisation d'un soutien, non plus passif mais actif.

Au niveau des gouvernés, une socialisation politique efficace facilite psychologiquement l'acceptation des contraintes. Au fait, elle place devant un dilemme : se rebeller avec le risque de devoir en supporter lourdement le prix si sa résistance est brisée ou s'incliner devant la force78(*).

Les déterministes et les fonctionnalistes conçoivent la socialisation politique comme tributaire de deux concepts : l'idéologie et la culture politique. En tant qu'ils apportent les valeurs, les références et les croyances qui contribuent à constituer l'identité politique de l'individu.

En fait, l'idéologie permet de définir son offre politique, sa vision de l'organisation de la société en mettant l'accent sur les valeurs et les représentations qui doivent orienter nos attitudes politique. La culture politique pour sa part, permet aux citoyens, à partir d'un ensemble de savoirs, de perceptions, d'évaluations, d'attitudes et de dispositions, d'ordonner et d'interpréter les institutions et processus politiques ainsi que leurs propres relations avec ces institutions et processus79(*). Bref elle met l'accent sur les représentations que les individus se font de leur rapport à la société et relève trois aspects à savoir80(*) :

La dimension cognitive qui renvoie à l'ensemble des connaissances dont le sujet est capable de faire état sur les acteurs et les règles de fonctionnement de système de gouvernement ;

La dimension affective en tant que les perceptions colorées émotionnellement, dépendamment de l'environnement, des évènements et de l'histoire personnelle ;

Et la dimension évaluative relative à la capacité de porter les jugements de valeur sur ce qui s'y déroule.

Ainsi, la culture politique est un ensemble de valeurs et de connaissances en relation avec la gestion de la cité.

On ne saurait parler de processus sans évoquer les agents et milieux de socialisation ; en tant que communauté sociale structurée, au sein de laquelle s'opère l'activité d'inculcation. Au rang des milieux, nous avons la famille, les pairs (amis, voisins), l'école, les médias. Au plan spécifique, les milieux qui ne concernent pas toute la population sont : l'appartenance religieuse, l'appartenance à des organisations politiques, syndicales, professionnelles, culturelles et sportives. Pour les agents de socialisations, nous avons à l'école « les instituteurs », dans la famille « les parents » et les groupes de pairs « les voisins et amis ».

Retenons donc que l'approche fonctionnaliste et déterministe conçoit la socialisation politique comme un mécanisme de régulation qui par transmission de la culture, permet une reproduction du système politique, le maintien de la paix dans la société civile (Almond, Verba et Powel) et la reproduction de l'ordre de domination déjà établi. Elle agit comme substitut efficace de la violence physique, en légitimant aux yeux des gouvernés des systèmes de représentation, d'opinions, d'attitudes politiques conformes aux exigences des gouvernants (Bourdieu pierre (2000)81(*). Cependant, ce n'est pas la seule approche de la socialisation politique.

En effet, l'autre approche est celle des constructivistes en général et celle d'Annick Percheron (1974) en particulier ; puisque c'est la sienne qui est d'une importance capitale dans la compréhension et l'analyse de la participation politique dans les bidonvilles.

Pour elle, la socialisation politique regroupe les mécanismes et processus de formation et de transformation des systèmes individuels de représentations, d'opinions et d'attitudes politiques. En d'autres termes, elle renvoie à un processus interactif (non passif des individus) et continu (ne s'arrête pas à l'adolescence). En prenant pour échantillon les enfants (8-12) et les préadolescents (16-18), elle relève que l'identité politique se construit non seulement durant l'enfance, mais aussi tout au long de la vie des individus, en fonction des changements de leurs conditions sociales (mariage, mobilité sociale, etc.) et des évènements politiques qu'ils sont amenés à connaitre (guerres, révolutions, élections etc.).82(*)

Pour analyser la socialisation politique, elle s'appuie sur certains concepts83(*).

Le premier c'est la notion de « stade » qu'il oppose à celle d' « âge », puisqu'exprimant l'idée que le développement n'est pas une progression continue mais une suite de construction ou de reconstruction marquée par une structuration particulière à chaque fois. Partant de ce concept, il relève que l'univers politique n'est pas appréhendé spontanément de façon structurée organisée. Dès lors, parler de socialisation politique chez l'enfant c'est parler des phénomènes en formation, non stabilisés.

Le second est celui de « milieu » pour relever que l'enfant est être totalement et primitivement social. Ainsi, les phénomènes de socialisation politique sont donc le fruit d'une interaction entre l'enfant et son milieu. Le milieu étant constitué de l'ensemble des groupes au sein desquels l'enfant réalise ses expériences, ces groupes agissant les uns par rapport aux autres.

Le troisième renvoie à « la formation du moi » et lui permet de mentionner que l'enfant se développe par identification aux groupes auxquels il appartient ou qu'il s'est choisi (groupe de référence). Dès lors, la socialisation s'inscrit dans un système, un environnement, un contexte familial, régional, national qui présente des caractéristiques particulières. Aussi, la socialisation n'est pas une aventure individuelle.

Le quatrième et dernier est celui de « savoir intuitif » permettant à Annick Percheron (1974) de relever que la socialisation en général et la socialisation politique en particulier présentent un caractère latent, puisque pouvant être quelque chose d'apprise sans avoir été véritablement enseignée. Elle peut également être non intentionnelle, par conséquent, semblée plus latente que manifeste.

En définitive, elle souligne que la socialisation ne se termine pas avec le passage à l'âge adulte. Lorsqu'elle aborde les agents de socialisation, elle relève d'abord le fait que comme la sexualité, on ne parle pas de politique aux enfants, même si ces deux sujets deviennent de moins en moins tabous dans les familles aujourd'hui. Mais elle retient comme agent de socialisation les parents dans la famille ; à elle de préciser qu'en matière de transmission des préférences partisanes ou idéologiques, celle-ci sera d'autant plus forte que l'intérêt des parents pour la politique est grand, qu'ils ont un niveau d'instruction élevé, que les enfants sont capables de situer politiquement leurs parents, que le milieu familial est homogène sur le plan des préférences idéologiques84(*). De manière générale, cette situation est corrélée à la socialisation primaire. Rappelons également que le travail de discrimination du genre est entamé à ce niveau, car c'est dans la famille que la jeune fille est confinée à un rôle de femme de foyer et au jeune garçon la quasi-totalité des initiatives. L'autre agentest l'enseignant s'agissant de l'école, enseignant qu'elle rapproche aux parents, même si l'influence n'est pas la même chez les élèves ou les enfants. L'école est donc le lieu d'acquisition d'une compétence savante (langage, connaissance des faits et des institutions, formation citoyenne, apprentissage des règles et pratiques). Acquisition qui présente deux visages :

« L'acquisition d'une compétence savante et souvent formelle, la familiarisation avec certains mécanismes de participation pour les enfants des milieux privilégiés et les élèves en bonne situation scolaire ; l'apprentissage, en revanche par les enfants des milieux défavorisés en mauvaise situation scolaire, de situations d'inégalité et de moyens anomiques de contester un système qui les relègue »85(*).

Comme dernier agent, elle évoque la nature et la taille du lieu de résidence, les systèmes culturels régionaux, le niveau de développement de la commune ou de la région, la composante sociale de l'environnement et la nature du contexte politique. Tous ces éléments se rapportant au contexte.

Ainsi, l'identité politique est un construit qui prend en compte le stade, le milieu, la formation du moi et le savoir intuitif. Dès lors, comment une analyse de cette dernière dans les bidonvilles nous permettra de ressortir le sens que les habitants de bidonvilles ont de la participation politique ?

* 76Braud (Philippe), Sociologie Politique, 6ed, 2002, p.233

* 77 Elias (norbert), La Dynamique de l'Occident (1939),trad.Calman-Lévy, Réed Agora,1990,p.195 et 196

* 78Braud (philippe), op.cit. p.234

* 79 Almond (gabriel), Verba (sidney), The Civic Culture Revisited, Boston, Little Brown, 1980, p.340

* 80Nkoyock (Jacqueline), « Histoire des Idées et des Institutions Politiques », Cours Magistrale, NiveauII, année 2009-2010

* 81 Bourdieu (Pierre), Propos sur le Champ Politique, Pul, 2000

* 82 Précis de Sociologie, Edition 2004, p.137

* 83 Percheron (Annick), l'Univers Politique des Enfants, 1974

* 84 Caron (paul), Dossier Socialisation, Annick Percheron et la Socialisation Politique, Dees 128, Juin 2002, p.23

* 85 Caron (paul), op.cit. p.32

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