Il s'agit pour nous ici de proposer des pistes de solution
face à ce phénomène que nous avons identifié de
« forte dollarisation » qui sévit au sein de l'économie
congolaise depuis 2003.
La dollarisation en RDC devrait être qu'une solution
d'urgence, une solution pouvant permettre seulement à l'économie
de sortir de l'hyperinflation.
Nous avons estimé dans le cadre de notre travail
qu'une forte dollarisation à un taux de dollarisation strictement
supérieur à 40,77% ; or l'économie congolaise aujourd'hui
est à plus de 70%.
Une forte dollarisation constitue un frein à
l'efficacité de la politique monétaire. Avec le régime
actuel de taux de change flottants, la BCC a une certaine marge d'autonomie
pour fixer sa politique monétaire, malgré un grand nombre de
facteurs limitatifs, comme le peu de profondeur du marché de capitaux,
la forte répercussion du taux d'intérêt, la faiblesse des
institutions monétaires et la dollarisation du marché du
crédit.
En remédiant à ces faiblesses structurelles, on
pourrait inverser la tendance à la dollarisation, mais cela devrait
prendre un certain temps.
Lorsqu'un pays sous-développé comme la RDC,
avec une faible productivité, adopte la monnaie d'une puissance
étrangère qui lui est largement supérieure en termes de
productivité, la production agricole ou industrielle du pays
dollarisée pourra difficilement lui faire concurrence.
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A l'instar de l'Équateur, le Venezuela est un pays
pétrolier. En adoptant le dollar comme monnaie, il perdrait son pouvoir
d'ajuster le taux de change pour soutenir la compétitivité des
exportations non pétrolières. Rafael CORREA n'a pas pu le faire.
A long terme, le Venezuela en fera aussi les frais en renonçant à
la gestion de la politique monétaire et de change.
Une fois l'inflation résolue, le salaire réel
récupéré et le niveau de pauvreté réduit,
CORREA a voulu éliminer la dollarisation parce qu'il ne pouvait pas
soutenir le développement économique à travers la
croissance des dépenses publiques et de la liquidité
monétaire.
L'expérience d'autres pays montre également que
des mesures incitatives bien conçues qui encouragent l'utilisation de la
monnaie nationale sont plus efficaces que les mesures de dédollarisation
à marche forcée.
Les mesures d'incitation - qui bénéficieraient
aussi du développement du secteur financier - doivent privilégier
les mesures d'entrainement (« pull factors ») (mesures de
dédollarisation s'appuyant sur le marchéì, comme le
renforcement de la gestion de la liquiditéì et des instruments,
le développement de marchés monétaires et financiers
nationaux ; une plus grande commoditéì d'usage de la monnaie
nationale) plutôt que les mesures de contrainte (« push factors
») (mesures de dédollarisation forcée, comme l'obligation de
l'utilisation de la monnaie locale ou législation interdisant
l'utilisation de devises étrangères), qui reviennent à
obliger les agents à détenir des actifs en monnaie locale.
Le séquençage des mesures est important, et il
convient de prendre en compte des risques comme la perte d'efficience, la fuite
des capitaux et l'instabilitéì du système
bancaire.8
La plupart des mesures visant à encourager
l'utilisation de la monnaie nationale, outre qu'elles contribueraient à
la dédollarisation, permettraient aussi de renforcer l'économie
et d'améliorer son fonctionnement.
8 Par exemple, au Chili, en Israël et en Pologne la
dédollarisation a commencé par une stabilisation
macroéconomique qui a conduit àÌ un
différentiel de taux en faveur de la monnaie nationale, suivie d'un
changement de la composition de la dette publique en faveur de la monnaie
locale. En Égypte, la dédollarisation a
étéì réalisée par la
stabilisation macroéconomique et la libéralisation du
système financier (KOKENYNE, LEY et VEYRUNE, 2010). Dans les pays
d'Amérique latine (Bolivie, Paraguay, Pérou, Uruguay),
l'appréciation du taux de change a étéì
un élément cléì d'un recul continu de la
dollarisation ; il s'est accompagnéì de mesures
prudentielles pour internaliser les risques de change, de différentiels
dans les réserves obligatoires, du développement de
marchés financiers en monnaie nationale et de la dédollarisation
des monnaies nationales (GARCÍA-ESCRIBANO et SOSA, 2011).
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Le renforcement de la gestion de la liquidité et des
actifs, notamment la gestion de la dette, l'émission de nouveaux billets
et de nouvelles pièces ayant des valeurs mieux adaptées aux
besoins et l'approfondissement financier grâce àÌ une
meilleure supervision bancaire, permettraient de réduire les coûts
de transactions et contribueraient à la croissance.
S'il est vrai la solution la plus faisable et la plus
pratique n'est rien d'autre que qu'une dédollarisation totale de
l'économie congolaise, nous voulons signaler que cette dernière a
déjà été utilisée plus d'une fois sans pour
autant rencontrer un succès probant.
Nous parlerons dans cette section des mesures visant à
la dédollarisation de l'économie de 2012 ainsi que ses limites.
Et après nous monterons comment la RDC peut s'inspirer des
expériences des autres pays afin de dédollariser petit à
petit son économie.