Chapitre 1 : État de la question
L'être humain dans sa quête permanente du bonheur
à besoin d'être en santé. Malheureusement, il est souvent
freiné dans sa quête par des maladies qui l'obligent à se
rendre à l'hôpital .Une fois hospitalisé, l'idéal
serait que sa sortie soit sur autorisation de son médecin traitant.
Cependant, pour diverses raisons, les malades décident parfois
d'interrompre leurs soins et de signer une décharge qui atteste leur
sortie contre avis médical. Ce phénomène les
prédispose à de nombreuses conséquences tel que la
rechute qui pourra aller jusqu'au décès.Ce chapitre traite de
quelques contextes dans lesquels le phénomène sortie SCAM se
manifeste, du problème que cela soulève, de l'état des
connaissances et de la perspective théorique dans laquelle s'inscrit
cette étude, des questions et objectifs de recherche, et de
l'intérêt qu'il y a à mener une étude sur les SCAM.
2.1 Contexte
Selon Savadogo (2011) la sortie contre avis médical
(SCAM) est un concept utilisé en médecine pour indiquer que le
patient, malgré une conscience éclairée sur
d'éventuelles complications de sa maladie, s'engage à interrompre
les soins qui lui sont proposés et de quitter l'hôpital. Ce
phénomène est différent de celui d'évasion
où le malade quitte le service surtout la nuit à l'insu du
personnel soignant. Ce phénomène est présent dans la
plupart des pays avec une certaine variabilité.
Des études américaines ont
révélé des taux de SCAM allant de 1 à 2% (Alfandre,
2009 ; Ibrahim, Kwoh, & Krishnan, 2007), tandis que certaines
études européennes ont rapportés des taux faibles allant
de 0,3% à 0,4% (Massaria et Aparo, 2000 ;Dunor& al, 2003), ce
qui montre que ce phénomène est moins amplifié en Europe
par rapport à certains pays de l'occident (ICIS, 2013). Il est
estimé aux états unis qu'environ une sortie sur soixante-dix
(1/70) est un cas de SCAM (Ibrahim et al., 2007). Contrairement à leurs
confrères (américains), Southern, Nahvi, & Arnsten(2012) dans
une étude rétrospective sur une période de six ans ont
relevé que les sorties contre avis médical représentaient
2,4% de l'ensemble des sorties sur leur pays. Cette étude qui porte sur
les données issues du système de santé nationale leurs ont
permis d'établir une association entre le phénomène de
SCAM, la réadmission et la mortalité. Ainsi, la
réadmission dans les 30 jours augmenterait de 84% et la mortalité
de 105% en cas de SCAM. Au Canada en 2011-2012, un total de 25137 patients
hospitalisés en soin de courte durée ont quitté
l'hôpital contre avis du médecin, ce qui représente 1,3% de
toutes des sorties des hôpitaux de soin de courte durée au pays
(Strangers& al, 2009). Ce chiffre est vraisemblable à celui de
Marcoux et al(2017), qui dans une étude rétrospective ont
relevé une prévalence de 1,3% de SCAM en traumatologie dans ce
même pays. Au service des urgences on a noté 60000 visites dont
près de 1% ce sont terminées par une sortie contre avis
médical. Ce phénomène varie selon plusieurs
critères ; dans la littérature, on a pensé que les
taux de sorties contre avis médical varient selon les facteurs
liés à la collectivité, y compris le lieu de
résidence du patient (la province et le contexte rural ou urbain) et le
revenu du patient (Ibrahimsa et al, 2010). La Colombie-Britannique et la
Saskatchewan affiche un taux de 1,6%, soit près du double de celui de
la Nouvelle-Ecosse et le terre-Neuve (0,9%). Dans l'ensemble une proportion
élevée de patients habitant dans les régions à
faible revenu quittent l'hôpital contre avis du médecin. Par
exemple 34% de SCAM contre 32% de sorties autorisées par le
médecin (Institut Canadien d'information sur la santé, 2012).
Au proche et moyen orient, diverses études ont
été menées sur ce phénomène. En Iran,
celle-ci varie en fonction de la structure et même au sein des
unités. En service de pédiatrie, Saravi, Zadeh, Siamian, &
Yahghoobian(2013) ont relevé une prévalence de 2,2% de SCAM. Dans
l'unité d'urgence, les travaux de différents auteurs affichent
des taux variable entre 7 et 21%. Shiranami (2010 dans Bahadori, Raadabadi,
Salimi, & Ravangard, 2013) déclare que le service des urgences
représente l'unité avec la prévalence la plus
élevée (20,2%). (Karimi et al(2014) relève dans une
étude rétrospective (2010-2014) une prévalence de 8,4%
tandis que Bahadori et al(2013) relevait dans leur étude prospective (6
mois) une prévalence de 14%. Dans leurs travaux sur les facteurs
interventionnels et non interventionnels (facteur sur lesquels les
professionnels de de santé sont susceptible d'agir ou pas pour
réduire le phénomène de SCAM), Hadadi, Khashayar,
Karbakhsh, & Vasheghani Farahani (2016) mettent en exergue une
prévalence de 12,8% dans cette unité. Cependant, dans une
méta analyse réalisée sur 17 articles, Mohseni et al
(2015) retrouvent une prévalence de 11,8% aux urgences avec un taux plus
faible en pédiatrie (3,7%).Au Liban, une étude
rétrospective menée de 2012 à 2013 dans un centre des
urgences fait état d'une prévalence de 3% en ce qui des SCAM,
9,8% des patients étant réadmis dans les 72 heures (Sayed,
Jabbour, Maatouk, Bachir, & Dagher, 2016). La prévalence la plus
faible dans cette partie du continent semble se retrouver à Oman.
Celle-ci y serait inférieure à 1% en (Al-Sadoon& Al-Shamousi,
2013). Cependant, la faible documentation du phénomène dans ce
pays peut être un biais dans cette estimation.
Dans la région Asiatique, les pays comme la Chine, la
Corée ou encore l'Inde n'échappent à ce
phénomène. Ba, Zhang, Su, Cheng, & Xu (2016) relève
dans une étude prospective (2003-2011) réalisée en Chine
une prévalence de 6,6% avec un taux de mortalité
évalué à 6,9% après cette sortie. Jeong et al
(2016) dans une étude prospective sur l'association entre la
consommation d'alcool et la sortie contre avis médical font état
d'une prévalence de 2,8% dans les centres d'urgences en Corée du
sud. Devpura, Bhadesia, Nimbalkar, Desai, & Phatak(2016) dans un
dévis mixte mentionnent une prévalence de SCAM de 25,4% en
service de réanimation néonatale en Inde. Ces chiffres qui
s'avèrent quelques peu alarmant en raison du risque morbide nous pousse
également à nous interroger sur la situation en Afrique.
L'Afrique n'échappe guère à cette
problématique. Des études telles que celle d'Ayite et al
(1995) portant sur les SCAM à l'hôpital national de Niamey (Niger)
illustre ce phénomène. Cette étude révèle
que sur 620 admis pour fracture, 122 sont sortis contre avis médical en
signant une décharge ou en s'évadant ; soit un pourcentage
de 19,39%. Au Burkina Faso, les statistiques nationales permettent de recenser
4306 cas de sortie contre avis médical en 2014 contre 1411 cas en 2006
(Ministère de la santé du Burkina-Faso, 2004). Le centre
hospitalier universitaire de Yalgado (CHUY) a enregistré en 2009 dans
toutes les unités de soin confondu 1022 cas de sortie contre avis du
médecin sur 34552 entrant soit un pourcentage de 2,06% (Annuaire
statistique, 2009). Ces statistiques varient d'un pays à l'autre et
cette différence témoigne de l'ampleur du
phénomène.
Au Nigéria, une étude menée par Muftau
Jimoh et al(2015) évalue la prévalence des SCAM à 2,1%.
Contrairement à celle-ci, une étude prospective
réalisée entre 2014 et 2015 par Akinbodewa et al (2016) fait
état d'une prévalence de 3,2%. Cette prévalence parait
plus élevée en République Démographique du Congo
(RDC) où une étude relève un taux de 6,8% de sortie
contre avis médical (Mushagalu, 2005).
Au Cameroun, à notre connaissance, les travaux sur le
sujet ne sont pas bien documentés. Mais l'absence de ces travaux
n'exclut pas l'existence de ce phénomène dans notre pays. Au
contraire la sortie contre avis médical est un phénomène
courant. Boniface et Maifa (2008) dans leurs travaux sur la prise en soin des
abcès hépatiques au Cameroun, ont relevé deux cas de
sortie contre avis médical (SCAM). Nous avons également le cas
du centre des urgences de Yaoundé (CURY) qui au mois de
janvier 2017 a recensé 17 cas de SCAM soit 2% de tous les malades
reçus avec 8 cas de réadmissions soit un tauxévalué
à 1,3% dans cettestructure. Le registre des statistiques montre
également 6 cas de décès des patients réadmis dans
cettestructureprécédemment sortie contre avis médical. Ce
phénomène n'est pas nouveau, il date depuis longtemps et reste
d'actualité. Il a des conséquences tant pour le patient que pour
sa famille et même pour la structure. Pour le patient, il entraine des
rechutes ; pour la famille elle augmente les frais médicaux et par
conséquent les appauvrit (Noohik et Freyzabady, 2013).ce
phénomène conduit au décès du patient ce qui
entraine une perturbation du dynamisme familial. Pour la structure il entraine
une réduction du taux de fréquentation de la structure et par
conséquent un faible rendement financier.
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