6.3 Données relatives aux
facteurs liés à l'environnement de soin
Marty&al.,(2007, p.112)soulignait
que « l'hôpital accueille et soigne les malades ;
il en guérit aussi beaucoup. Parfois, il aide à mourir. La
tâche est immense, incessante, harassante pour les soignants qui oeuvrent
nuit et jour au service des malades qui leur sont
confiés ».(Pour atteindre ces différents
rôles, le personnel doit pouvoir accueillir les personnes malades d'une
manière satisfaisante, celle-ci relevant de son rôle propre. Il
ressort de notre étude que beaucoup de travail reste à faire sur
ce point. Les patients ici se sentent mieux accueillit à l'entrée
de l'hôpital par les brancardiers que dans le service. Ainsi, le mauvais
accueil au niveau du service se présente comme étant un
élément contributif à cette sortie contre avis
médical. En sa qualité d'élément clé dans le
processus de prise en soin, un accueil aimable et un intérêt
réel pour le malade pourrait l'aider à surmonter son
désarroi, favorisant son adhésion à la
thérapeutique. Cet élément n'est pas mentionné dans
la majeure partie des études sur le phénomène. Ces
études étant en majeur partie issue des régions
nord-américaines et européenne où l'évaluation de
la qualité semble systématique, l'on pourrait comprendre que la
dimension accueil ne soit pas une de leur problématique en cours
d'investigation sur ce sujet. Cette qualité jugé
« mauvaise de l'accueil » par nos participants semble avoir
pour cause un comportement inapproprié du personnel.
Le comportement du personnel est largement souligné
dans notre étude comme étant une des raisons de sollicitation de
la sortie. Nos observations rejoignent ainsi ceux de nombres d'auteurs sur le
sujet (Devpura et al., 2016; Hadadi et al., 2016; Karimi et al., 2014; Mohseni
et al., 2015; Noohi et al., 2013). Ils l'évoquent tous en termes de
comportement inapproprié du staff (infirmier et médecins). La
qualité de la relation ayant une influence significative sur le
processus de soin, une altération de celle-ci semble ici entrainer tout
simplement la sortie du patient. Des attitudes comme, « insulter,
abandonner, prendre les produits des malades à leur insu » ne
sont pas indiqués pour un personnel de santé et par
conséquent ne sont pas supportable pour le malade. Ces attitudes
remettent ainsi en question l'éthique professionnelle des soignants que
nous sommes. Le malade doit être respecté, mis en confiance,
accompagné; il doit être pour le personnel infirmier son centre de
préoccupation une fois à l'hôpital car ces derniers ont
besoin au maximum de notre attention, de notre présence à fin de
pouvoir surmonter les difficultés liées à leur maladie et
aussi à leur vécu. À un moment où la conscience du
malade se réduit à la douleur d'un corps souffrant, par son
écoute, l'infirmier peut lui permettre de se reprendre dans son histoire
(Marti et al., 2007). Ainsi, l'attitude du personnel devrait pouvoir faciliter
la communication entre ceux-ci et les soignants.
La communication ineffective est rapportée dans de
nombreuses études comme un des facteurs principal de sortie contre avis
médical (Akinbodewa et al., 2016; Hadadi et al., 2016; Muftau Jimoh et
al., 2015; Noohi et al., 2013). Il en est de même dans notre étude
où nos participants déclarent n'avoir pas reçu une
information sur les risques encourus lors de leur sortie. La prévention
se fondant sur la connaissance du risque, fournir une information
complète au patient pourrait être le moyen de lutter contre les
SCAM. Cette information doit être fournit dans le cadre de
l'accompagnement du patient. Hesbeen (2002, P.37) rapporte que les patients
attendent « simplement d'être accompagné,
éclairé, exposé au faits et recommandations. Ils attendent
que des ressources leurs soient offertes en vue de participer au
déploiement de leur santé ». L'idée
d'abandon fortement présente dans les propos de participants illustre
ainsi le fait qu'ils estiment l'accompagnement insuffisant. Ces conclusions
vont dans le même sens que ceux de Bahadori et al., (2013) qui conclut
que l'accompagnement insuffisant est la seconde cause des facteurs de SCAM en
Inde. Cette insuffisance dans l'accompagnement se trouve ainsi associé
à des délais d'attente long.
.
La majorité de nos enquêtés affirment que
le temps d'attente est assez long. Il en ressort qu'il faut attendreplus d'une
demi-heure avant de voir le médecin arriver et voir les premiers soins
être réaliser. La longue attente est un facteur de stress chez le
malade, ce qui peut conduire ce dernier à vouloir quitter
l'hôpital pour certaines structures privées de soins où
l'accès est immédiat. Les longues périodes d'attente
seront probablement dues à une charge de travail élevée,
à l'insuffisance d'organisation du personnel, ou même à un
manque de motivation des personnels soignants. Nos observations concordent
ainsi en tout point avec l'étude de Akinbodewa et al., (2016) qui
révèle que la charge de travail aux urgences au Nigéria
est un facteur favorisant les délais d'attente long. Outre cela, la
désorganisation/dysfonctionnement au sein des services occupent le
premier rang dans les causes d'allongement de ce délai (Hadadi et al.,
2016; Kueda, 2017; Sayed et al., 2016). L'existence d'une caisse unique (de
pharmacie) au niveau du CURY semble justifier ainsi le long délai
à la prise en soin. Ces longs délais d'attente semblent ainsi
contradictoires à la circulaire n°89-354 dans son article 4 qui
stipule« le professionnel médico-sanitaire doit porter
secours d'extrême urgence à un malade en danger
immédiat. » (MINSANTE, 2010, p.274). Ainsi, s'il faut
attendre le paiement avant tout soin, une interrogation demeure quant à
l'utilité des caisses d'indigences dans nos hôpitaux. Ces long
délais amènent à voir l'hôpital comme étant
un facteur de risque de décès pour `'`'McNeil, Small, Wood,
& Kerr (2014). Un des participants affirmait par ailleurs
« moi j'ai décidé de partir de cet hôpital
parce que tout allait mal là-bas. Je ne sais même pas si on peut
appeler encore ça hôpital. »
Les malades peuvent donc se demander à quoi bon
chercher à être sauver à l'hôpital si les soignants
ne doivent pas nous secourir. Cette situation de longue attente pourrait
expliquer dans une certaine mesure, le taux de fréquentation des
établissements hospitaliers au Cameroun. Cette longue durée
d'attente se ressent aussi au niveau de la caisse au moment du payement des
médicaments. Certains enquêtés déclarent qu'il
fallait passer au moins trente minutes alignées afin de pouvoir acheter
les médicaments à la caisse, et pendant cette période le
malade se trouve tout seul sans aucun infirmier car ceux-ci ne restaient jamais
en salle avec les malades. Entre qualité mauvaise de communication,
accompagnement insuffisant et long délai d'attente, la qualité de
soin ne saurait se porter au mieux.
En dépit du fait que la littérature ne souligne
pas de manière explicite la mauvaise qualité des soins comme un
facteur favorisant les sorties contre avis médical, la mauvaise
appréciation des participants à cette étude de celle-ci
semble être responsable de leur sortie. Des auteurs comme Muftau Jimoh et
al., (2015) et Sayed et al., (2016) parlent plutôt d'une insatisfaction
liés aux soins ou encore d'une insatisfaction au plan de traitement. Ils
incriminent ces éléments comme étant associés aux
SCAM. Cette mauvaise qualité de soins est ainsi lié à ce
que d'autres auteurs choisissent de nommer « inhabilité des
professionnels » (Noohi et al., 2013) ou encore
« insuffisance de personnel qualifié » (Mohseni et
al., 2015). Ces observations sont confluentes avec les nôtres en regard
de propos de nos participants. L'un d'eux souligne que son plâtre avait
dû être refait, le premier n'ayant tenu. Ceci peut s'expliquer par
le manque d'expérience de ces professionnels, les participants les
désignant le plus par les termes de « jeunes infirmiers ou
médecins ».
Un autre facteur non négligeable dans notre
étude se trouve être ce que nous avons nommé le
« capitalisme médical ». Défini ici comme
étant la recherche du profit argent dans la réalisation des
activités de soins, elle est synonyme d'un certain manque d'humanisme de
la part du personnel soignant. Un de nos participant rapportait « si
tu as de l'argent on s'occupe de toi, dans le cas contraire tu es laissé
à toi-même ». Ceci pourrait être dû à
la faible rémunération du personnel de santé, mais ne
constitue en aucune façon une attitude digne d'un service des urgences.
Outre ces facteurs sus cités, la raison majeur se trouve être tout
ailleurs.
La totalité de nos enquêtés estiment que
le coût des soins est élevé dans la structure. L'ensemble
des travaux que nous avons pu consulter sur le sujet ressorte ce facteur comme
prépondérant dans la sollicitation d'une sortie contre avis
médical. Les recherches faites par Yeye (2005) montrent que 55,55% de
patients qui ont quitté l'hôpital contre avis médical
avancé comme raison le coût élevé de soin. Celle-ci
est liée aux contraintes financières des patients tels
qu'évoqués plus haut. Les frais d'hospitalisation et des diverses
thérapeutiques aurait ainsi incité les individus à
solliciter une sortie. Dans un contexte où on estime que les individus
vivent avec moins d'un dollar par jour, l'on comprend que payer des factures
d'hospitalisation s'avère une tâche difficile. Ainsi, en l'absence
de couverture sanitaire universelle solliciter une sortie contre avis
médical semble être le dernier recours des patients. Cependant, la
solidarité Africaine nous amène à reconsidérer ces
propos d'où l'intérêt porté sur les facteurs
socioculturels.
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