PREMIERE PARTIE :
LES PALMERAIES DU SUD MAROCAIN : POTENTIALITÉS
ENVIRONNEMENTALES ET PAYSAGÈRES ET OPPORTUNITÉS DU
DÉVELOPPEMENT.
CHAPITRE I : LE PROFIL ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES
OASIS DU SUD MAROCAIN
Situation géographique :
La zone d'extension des oasis du sud Marocain couvre un vaste
ensemble géographique confiné entre les massifs du Haut Atlas
à l'Ouest et le désert saharien à l'Est. Elle est
étirée sur 650 km entre la province de Féguig au Nord-est
et la province de Guelmim (Porte du Sahara) au Sud-ouest. Au sein de ce vaste
territoire, la réserve de biosphère, zone de l'étude,
s'étend sur trois provinces (Errachidia, Ouarzazate et Zagora).
Réalisée à partir de la carte
routière du Maroc.
Figure n° 1 : carte de situation de la
réserve de biosphère des oasis du Sud Marocain
Constitué d'espaces semi-arides peu peuplés et
de bandes de verdure dominées par le palmier dattier, le territoire
de la réserve se caractérise par une pluralité
paysagère et écologique
considérable et par l'importance que revêtent les
points d'eau dans un domaine semi-aride. Les trois provinces de la
réserve occupent une place stratégique dans le domaine
présaharien. Elles sont délimitées au Nord par les
provinces de Figuig, Boulmane et Khénifra, à l'Ouest par Beni
Mellal, Azilal, El Haouz et Taroudant et au Sud par la province de Tata et par
le désert algérien à l'Est.
Figure n° 2 : Situation de la zone de la
RBOSM
Administrativement, elle est subdivisée en 109 communes
dont 15 urbaines avec une densité moyenne de l'ordre de 8.7
habitants/km.2 Sur le plan démographique,
elle compte 1.438.818 habitants dont 354.472 en milieu urbain selon le
recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) de
2004, contre 1.216.994 habitants en 1994 dont 279.688 en milieu urbain. Le
tableau suivant résume le profil démographique des trois
provinces de la réserve entre les deux RGPH.
Tableau n° 01: Répartition des
populations des provinces de la réserve de biosphère selon les
résultats des deux derniers recensements de 1994 et 2004.
|
ERRACHIDIA
|
OUARZAZATE
|
ZAGORA
|
Date de recensement
|
Urbains
|
Ruraux
|
Urbains
|
Ruraux
|
Urbains
|
Ruraux
|
Répartition (RGPH 1994)
|
153725
|
368392
|
93919
|
345153
|
32044
|
223761
|
Total en 1994
|
522117
|
255805
|
414610
|
Répartition (RGPH 2004)
|
429170
|
42802
|
240566
|
601719
|
553731
|
283368
|
Total en 2004
|
439072
|
187109
|
124561
|
Sources : Données des RGPH de 1994 et 2004, Direction des
Statistiques, Rabat.
Le climat est semi-aride à forte influence
continentale. La température est caractérisée par des
écarts saisonniers et journaliers très forts avec une moyenne
annuelle de 20C°, l'écart thermique journalier peut atteindre
22C°.8 Le territoire de la réserve est
sous la dépendance de 4 grands cours d'eau allogènes (Ziz,
Ghéris, Todgha et Draa) dont le haut bassin se développe dans les
massifs humides du Haut Atlas Oriental, la plus grande chaine de montagne
au Maroc, alors qu'en aval,
l'excédent des eaux des oueds s'évapore entres
les dunes du sable aux confins du désert saharien. Trait d'union entre
le Maroc centrale et le Sahara, les palmeraies de la réserve de
biosphère dressent une dernière barrière écologique
face à la désertification. Au-delà de
phénomène de l'avancé du désert, ces palmeraies
sont confrontées à de multiples pressions humaines peu
maîtrisées dont les plus importants sont : l'extension urbaine et
l'abandon de d'habitat traditionnel qui se traduisent par la
détérioration du milieu naturel, la modification des paysages, la
dégradation du patrimoine historique et le déclin de
l'agriculture.
Le patrimoine naturel et culturel :
Les oasis du sud Marocain sont composées d'un chapelet
de palmeraies parmi les plus belles et les plus vastes à
l'échelle mondiale.
Figure n° 3 : Carte du milieu naturel des oasis de
la zone de la RBOSM
8 TROIN (Jean-François). (sous
le direction de), (2002), Maroc : Régions, pays, territoires, éd.
Maisonneuve et Larose, Paris.
Des cultures irriguées et bandes étroites
ponctuées par de gros villages en terre le long des vallées
verdoyantes, des plateaux désertiques à perte de vue, des dunes
de sable et des massifs montagneux en toile de fond tracent une
véritable mosaïque de paysages naturels et culturels
contrastés où la diversité biologique est très
riche. À traves la ville caravanière de Sijilmassa,9
la plus ancienne ville de l'époque islamique au Maroc
fondée en 775 ap-j.c, la région des oasis, fut le point
d'aboutissement des grandes pistes caravanières durant l'époque
médiévale. Comme l'indique la carte des routes commerciales
ci-dessous, avant que les oasis ne s'articulent de façon
irréversible sur
le Maroc littoral à partir des années 1930,
elles entretenaient des relations très intenses avec des foyers de
civilisation ancienne notamment le Moyen Orient, l'Andalousie par le bassin
méditerranéen et l'Afrique subsaharienne (Soudan, Mali et le
Sénégal...).10 Le patrimoine culturel
constitué essentiellement d'une architecture vernaculaire en terre, des
sites archéologiques préhistoriques et médiévaux et
des gisements de l'art rupestre raconte l'histoire du peuplement des oasis. Ce
patrimoine, témoin d'une civilisation enracinée, est reflet d'un
processus ingénieux d'adaptation au milieu hostile. Les Ksour,
appellation locale des villages historiques, qui ont joué un rôle
fondamental dans le rayonnement des oasis sont le principal héritage de
la civilisation présaharienne. 11
Figure n° 4 : Carte des routes commerciales au
début du 17ème siècle
9 Sijilmassa et l'ancien nom de la
ville de Rissani au sud de la province d'Errachidia.
10 MEZZINE L., (1981), Le Tafilalet :
contribution à l'histoire du Maroc au 17ème et 18ème
siècle, Librairie Ennajah-El Jadida, Casablanca.
11 Les « Ksour »
(Plur. de Ksar ou palais en arabe) et « Ighrem » en
tamazight sont les appellations locales des villages collectifs.
Peuplée par des sédentaires et nomades, amazighs
et arabes, le peuplement jouit d'une grande
hétérogénéité d'éléments
ethniques, de langages et de traditions et de mode de vie. L'habitat
traditionnel des « Ksour » et des «
Kasbah »,12 avec une
architecture et une structure urbaine dans la pure tradition constitue une
richesse architecturale de valeur universelle reconnue par l'inscription du
Ksar Ait Benhaddou à Ouarzazate sur la liste du patrimoine culturel
mondial de l'UNESCO en 1987.
Figure n° 5 et 6 : Vues de deux angles
différents sur Ksar Ait Benhaddou (site du patrimoine culturel
mondial)
12 La Kasbah (citadelle) est
l'appellation locale pour la demeure familiale typique à la
région des oasis. Elle sous forme d'un château fort en terre
à quatre tours d'angles.
L'habitat traditionnel des oasis est l'oeuvre collective d'une
société solidaire à économie de subsistance,
produisant par ses propres moyens en parfaite adaptation à son milieu.
Son organisation urbaine et les techniques de construction utilisées
sont le produit du génie oasien. Le système d'irrigation, la
gestion communautaire des palmeraies et des parcours traduisent une
organisation socio-économique solidaire et manifeste un savoir faire
écologique et urbanistique unique de son genre élaboré au
fil des âges afin de pouvoir exploiter le milieu semi-aride et de s'en
protéger. Au moment où le caractère pittoresque soutient
le développement économique des territoires, le patrimoine
historique des palmeraies reflète la typicité et
l'originalité des oasis et contribue à leur attractivité
touristique. Ainsi, les paysages naturel et culturel serviraient de signe
d'identification de territoire de la réserve de biosphère, de ses
spécificités socioculturelles, de valeurs de ses populations et
de ses produits. Les Ksour et les Kasbah confèrent la typicité au
paysage et contribuent à la personnalisation culturelle des palmeraies
et à leur individualisation au sein du territoire national. Comme nous
allons le voir dans la deuxième partie de ce travail, une nouvelle
configuration marque actuellement le territoire oasien. Les nouveaux centres
urbains prédominent. Ce phénomène qui avait
accompagné le processus de modernisation des oasis pose avec
acuité le problème de cohabitation entre deux modes urbains
antinomiques : Un mode hérité du passé, réduit
actuellement en héritage historique sans véritable fonction dans
la vie quotidienne et un nouveau mode urbain de facture occidentale qui
manifeste une incompatibilité flagrante avec les conditions
environnementales et les spécificités du milieu quoiqu'il
satisfasse des besoins matériels de la vie urbaine moderne.
L'incompatibilité au niveau des formes et des fonctions entre ces
deux modes urbains soulève la question des conséquences
environnementales et paysagères de l'expansion de l'urbanisation
moderne.
Une autre contrainte revient au fait que la notion du
patrimoine n'a rien de signification pour la plupart des populations, du fait
que le bien être est pour eux lié au logement moderne en
béton armé loin de l'ancien Ksar. Ceci s'explique en partie par
le d'intérêt aux spécificités paysagères et
environnementales dans les documents d'urbanisme et à la place
privilégiée accordée dans les programmes du
développement local à l'urbanisation contemporaine ce qui
accélère la dégradation des paysages naturels et
culturels. Dans le cadre de la mise en oeuvre du statut de la RB, ce
problème doit être considéré dans toutes ses
composantes socioéconomiques, écologiques et paysagères.
Il s'agit de mettre en oeuvre un processus de revalorisation et de
revitalisation du réseau des villages en prenant en considération
les mutations socioculturelles en cours et en s'articulant autour des besoins
prioritaires des populations. La sauvegarde doit s'appuyer un plan d'action
situant ce patrimoine dans sa réalité socio-économique et
prévoir la relance de son dynamisme
d'auto développement sans se borner uniquement à
la restauration des « échantillons de passé » pour
des finalités d'attractivité touristiques.
Une pluralité de paysages dictés par la
morphologie du territoire :
La principale caractéristique du territoire oasien est
sa morphologie et son organisation bien visible et identifiée, matrice
des paysages. C'est une région de collines et de vallées qui
présente une ordonnance régulière : les lignes du relief
sont orientées en axe Ouest-Est depuis les massifs du Haut Atlas
oriental jusqu'à la frontière avec le territoire algérien.
Le relief est simple et facile à appréhender : un vaste plateau
semi-aride entrecoupé de vallées parallèles, comme une
main posée à plat, les doigts bien écartés. Ce
relief induit trois grandes unités de paysage peu complexes en apparence
et sur lesquelles s'inscrivent des usages et des modes de vie bien
différenciés : (i) la montagne,
(ii) les palmeraies et (iii) les hamadas ou
les plateaux désertiques.
La montagne :
Formation topographique et géologique exceptionnelle,
symbole important dans le paysage oasien, réservoir d'eau et support de
loisirs, la montagne est un élément paysager très fort
dans les palmeraies du sud Marocain. La forte présence de la
chaîne du Haut Atlas comme toile de fond est omniprésente et
jaillit sur l'horizon, telle une barrière verticale. Cette impression
est particulièrement forte depuis les palmeraies, où elles nous
semblent « tendre les bras » pour toucher les montagnes.
Figure 7 : La zone montagneuse des oasis est
célèbre par la beauté de ces paysages
naturels.
Ici le lac Tislit à Imilchil (Errachidia). Dans cette
unité paysagère, les contraintes imposées par le relief
fort accidenté sur les versants limitent les cultures au fond des oueds,
seuls espaces cultivables, où les parcelles sont très
disséminées. L'habitat traditionnel est, en grande
majorité, composé d'une multitude de petits hameaux
différents de ceux des palmeraies par l'absence de fortifications et par
la pauvreté des décors sur les façades. Les villages de
montagne s'égrènent le plus souvent le long des lignes de
crête sous forme de grosses bâtisses avec quelques Kasbah
traditionnelles qui ponctuent le paysage. Au niveau de la province
d'Errachidia, la zone montagneuse des communes d'Imilchil et Ayt Yahia est
désignée depuis 1993 Parc National sous le nom de Parc
National du Haut Atlas Oriental (PNHO) à cheval aussi sur deux autres
provinces limitrophes : Khénifra et Azilal.
Les palmeraies :
A travers la montagne stratifiée, les oueds
présahariens en descendant des massifs du haut Atlas se sont
creusé des lits étroits et sinueux où poussent des
cultures irriguées.
Figure 8 : La palmeraie Oulad Chaker dans la
vallée de Ziz (Errachidia) est l'un des paysages emblématiques de
la réserve de biosphère.
Cette unité est composée de longs
tronçons verdoyants de vallées qui correspondent à la zone
de concentration des villages historiques (Ksour) à cause de la
disponibilité de l'eau et de l'importante des espaces agricoles. Au
niveau des palmerais, contrairement à la montagne, les versants sont
en
pente douce, densément cultivés et
habités. A côté d'une économie agraire et d'un
habitat historique très typé qui semble modeste et « hors du
temps », nous retrouvons des grosses kasbah familiales d'une finité
architecturale et décorative surprenante en forme de «
châteaux » nobles qui dictent leurs silhouettes de façon
ponctuelle dans le paysage. La caractéristique majeure de cette
unité est la présence très marquante du palmier dattier,
l'emblème des oasis. La dominance de cet arbre et de l'importance du
paysage architectural indiquent une agriculture encore bien vivace.
Les plateaux désertiques (les Hamadas)
:
Les plateaux désertiques constituent l'essentiel du
territoire oasien. Ils s'étendent, sans aucun signe de vie, sur des
dizaines de kilomètres séparent les palmeraies les unes des
autres. Cette unité est un vaste espace géographique
orienté Nord-est/Sud-ouest qui délimite le territoire de la
réserve du côté de la frontière avec le territoire
algérien. Il est marqué en son milieu par la présence des
accumulations sableuses massives dont la plus grande est l'Erg Chebbi au sud de
la commune de Merzouga à Errachidia.
Figure 9 : Dunes de sable Merzouga au Sud-est de la ville
d'Errachidia.
Ces plateaux qui contiennent des complexes de l'art rupestre
parmi les plus célèbres en Afrique, vestige d'une
sédentarisation très ancienne, sont aujourd'hui un espace
à perte de vue ponctués par quelques rares «
vestiges » arborés. Ces plateaux
considérés comme espaces « stériles
» constituent pourtant un potentiel touristique inestimable.
La région de la réserve est notamment une étape importante
dans l'un des grands Rallyes internationaux du Sahara et connaît ces
dernières années un développement grandissant du tourisme
du désert.
Le paysage périurbain : expression d'une
multiplicité de composantes
Globalement, les zones périphériques des centres
urbains importantes ont toutes connues depuis les années 70 et
connaissent encore aujourd'hui une « colonisation » urbaine sans
cesse croissante.
Figure 10 : Le développement de l'habitat
périurbain en bordure des villes nouvelles et des Ksour et un facteur de
dégradation à la fois de détérioration du milieu
naturel et de modification des paysages.
Source : Adapté à partir de Plan
d'Aménagement de la municipalité de Goulmima (Errachidia)
Tenaillés entre d'un côté le
développement de l'urbanisation et de l'autre la préservation des
espaces agricoles, ces paysages périurbains sont le reflet de
l'hybridation des espaces ruraux et urbains. Il en résulte un
mélange hétéroclite de matérialités urbaines
et agricoles s'associant en de nouveaux motifs sans totalement éliminer
les anciennes trames. Aussi, n'est-il pas rare d'observer de grandes
résidences aux formes architecturales modernes construites à
coté de vieux Ksour. Ksar Targa, noyau historique de la ville
d'Errachidia, est l'expression type de ce paysage périurbain en
formation. L'urbanisation initialement concentrée autour du village
traditionnel composé de maisons anciennes, s'est progressivement
développé le long de l'axe de liaison entre le Ksar et le centre
ville. De part et d'autre de ce cordon urbain s'étend l'espace agricole
de la palmeraie composée de petites parcelles. Les nouvelles
constructions affichent leur modernité architecturale soit sous forme
d'habitat résidentiel isolé avec jardins car construites sur une
parcelle agricole, soit en de petits lotissements linéaires
d'organisation très compacte qui grignotent la palmeraie.
L'étendue de vue :
Symbole implicite, cet élément paysage
très remarquable dans les oasis est une donnée importante car
elle liée directement au relief moutonneux, au vallonnement et
à l'étendue des plateaux
désertiques. L'idée de voir loin, sans
qu'aucun obstacle n'arrête le champ de vision, le fait de
surplomber les paysages semblent être des données importantes
à la construction d'un paysage oasien authentique et participe
à sa typicité car dans les oasis, le panorama est une clé
essentielle qui contribue à la qualité des paysages.
Le palmier dattier :
Cet arbre millénaire, emblème des palmeraies,
figure en tête des symboles évocateurs dans le territoire oasien.
Nous pouvons dire que la réserve de biosphère des palmeraies a
besoin du palmier dattier pour fonder une partie de son identité; il en
est de même pour les habitants qui accordent tout leur
intérêt à la palmeraie, leur mère
nourricière. Ainsi définit, le paysage de la palmeraie suscite et
éveille chez les populations des oasis un sentiment de bien-être
et d'appropriation spatiale. Il ne s'agit pas uniquement d'une
matérialité paysagère ou d'un symbole concret, mais ce
sentiment contribue largement à la constitution d'un paysage
enraciné dans le mémoire collective. Les populations se sentent
bien dans le paysage qui les entoure et qui les enveloppe. Le paysage de la
palmeraie peut donc jouer un rôle sécuritaire car elle apporte un
sentiment d'appartenance. Pour les touristes, le paysage de la palmeraie
correspond à un idéal de vie. Ces derniers font
référence au paysage oasien et insistent sur celui-ci comme s'ils
souhaitaient montrer leur hostilité envers la civilisation de la ville.
Nous pourrions parler ici de ruralisme, idée selon laquelle les
individus ont souvent tendance à associer aux campagnes des valeurs
dites d'authenticité qu'on ne retrouverait plus ailleurs et notamment
dans les villes dont le développement paraît très souvent
abusif et artificiel. Dans le cas présent, les villageois incluent dans
leur paysage identitaire leurs lieux de vie, plus exactement et sans exception
leurs villages et à la commune où ils résident. Le lieu
de résidence constitue pour la plupart d'entre eux le point d'ancrage et
d'appartenance ultime, l'espace privilégié de la
territorialité d'où l'importance de la qualité de cadre de
vie pour une mobilisation collective. Ils privilégient aussi le
patrimoine architectural, ainsi que des vues de leur village. Ils mettent en
avant les images des lieux dans lesquels ils ont l'habitude de vivre. Et,
malgré le caractère personnel des choix, il se dégage une
tendance générale. Le paysage identitaire est
représenté par le village, par son cadre paysager, son terroir
agricole et par son architecture. Le village et la commune est le paysage
qui incarne au mieux l'identité des palmeraies. La palmeraie et le Ksar
constituent des emblèmes territoriaux. Ils sont les icônes du
territoire de la réserve de biosphère. L'existence d'un
emblème suppose que le lieu et l'élément concernés
puissent fixer spontanément des valeurs socioéconomiques et
condenser en particulier un grand nombre de caractères et d'attributs
que les professionnels de l'aménagement du territoire prêtent
à l'espace. L'affirmation d'un emblème résulte d'une
construction sociale. Un lieu est dressé en emblème
territorial (ou paysager) en raison des buts et des fins
poursuivis par la société locale.13
De ce fait, la typologie pour présenter les
matérialités qui entrent dans la construction des
préférences paysagères des habitants des oasis, s'appuie
sur la distinction qu'ils opèrent fréquemment entre
matérialités bâties (construites) et
matérialités non bâties
(végétales).14
1.4. Les palmeraies entre « espace ressource
» et « espace de consommation » :
Pour conclure ce chapitre et expliquer en partie les rapports
que les oasiens les oasis entretiennent avec le territoire qu'ils investissent,
il semble important de souligner la différence de considération
de l'espace habité qui apparaît nettement, dans les palmeraies,
entre les habitants des centres urbains et les villageois (les Ksouriens) ou
habitants des Ksour. Ainsi, pour les uns, l'espace qu'ils habitent est un
« espace de consommation ». Pour les autres il est avant tout un
« espace ressource » qui permet de produire des marchandises et des
biens de consommation familiale. Les terroirs villageois offrent aussi un cadre
de vie d'une qualité incomparable que les urbains ne connaissent pas
dans leur lieu de travail ou de résidence : beaux paysages,
tranquillité, calme, zones récréatives. Ils se
révèlent être dans la plupart des cas très
désireux de profiter de ces avantages offerts par l'entretien des
palmeraies. La relation qu'ils instaurent avec le territoire villageois semble
portée par l'intérêt, le profit et la volonté de
consommation. De fait, les gens des villes et les touristes de manière
générale poursuivent sur ces territoires une quête de
tranquillité, de réconfort et de calme. Autrement dit, ils sont
à la recherche du bonheur agreste. Pour les Ksouriens, le territoire
habité est avant tout une terre que l'on travaille de père en
fils, une terre qui leur a permis et leur permet encore aujourd'hui de se
nourrir et ce, particulièrement sur les territoires de la palmeraie. La
relation qui les lie au territoire qu'ils habitent est plutôt
portée par un attachement historique profond et sincère à
la terre. Bien que conscient de la qualité du cadre de vie dont ils
jouissent, leurs attitudes sont empreintes d'un sentiment qui mélange
identité, besoin économique, respect et affection à
l'espace qu'ils habitent. Partout dans la réserve, des interventions de
protection de l'environnement participent à une appropriation nouvelle
des paysages, il n'en reste pas moins que certaines mises en scène
stéréotypées, l'urbanisation contemporaine en particulier,
conduisent à l'abolition des valeurs de ces lieux singuliers et à
une banalisation croissante de leurs qualités intrinsèques. Face
à ce constat, une question clé s'impose : comment peut-on
travailler le regard porté sur le paysage des palmeraies et leur
spécificités environnementales afin d'engager une
réflexion collective pour parvenir à des interventions
recueillant l'adhésion des populations à un projet d'ensemble
?
13 LEVY J., LUSSAULT M., (2003),
« Dictionnaire de la géographie et de l'espace des
sociétés », Editions Belin, Paris
14 Idem
Pour prendre en compte le rapport des populations de la
réserve à leurs paysages et leurs réalités
environnantes, et leur faire émerger les conditions d'implication
à leur préservation et leur mise en valeur, une démarche
de projet participatif s'impose. Cette démarche doit préconiser
l'association de l'environnement et de développement et mettre de
l'avant une approche collaborative de gestion des ressources locales. Sur le
plan des interactions entre le paysage et l'environnement, cette
démarche du projet favorisera la mobilisation des différents
intérêts présents sur le territoire oasien en vue de
produire des paysages de qualité et les rendre économiquement
rentables.
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