o 4.2. RAPPORT DECHETS-SANTE ETABLI PAR
LES COMMUNAUTES DE KPOMASSE.
A Kpomassè les communautés assimilent les causes
des maladies aux malédictions divines; elles
disent:«nosaïeux vivaient dans la plus grande insalubrité
mais ils ont vécu pendant des années sur la terre sans contracter
une maladie liée aux déchets». Un chef de ménage
confie:«Que toutes les maladies auxquelles notre ère est
confronté sont dues aux péchés que nous commettons et non
dues aux déchets». Quelques adeptes de vodounassimilent les
maladies à la conséquence de la colère des
divinités. Certaines personnes disent:«Combien de temps l'Homme
va-t-il vivre sur la terre pour s'entourer d'autant de précautions? Ne
nous compliquer pas l'existence avec vos histoires de déchets qui
rendent malades».
Le phénomène spectaculaire qui est
observé dans la commune de Kpomassè est que les ménages
balayent rarement leurs cours, il a été observé par
endroit des cours balayées et d'autres non. Le tableau ci-dessous
présente le taux de la propreté des cours dans les
arrondissements parcourus, (tableau 8).
Tableau8:
Propreté de la cour des ménages.
Arrondissement
|
Non
|
Oui
|
Total
|
Kpomassè-centre
|
68%
|
32%
|
100%
|
Sègbohouè
|
67%
|
33%
|
100%
|
Tokpa-Domè
|
71%
|
29%
|
100%
|
Source: Enquête de terrain,
2014
Pour certains ménages les tas d'ordures ou en
général les déchets ne constituent pas une source de
maladies mais d'autres ménages reconnaissent que les déchets
constituent une source de maladies, (tableau 9).
Tableau9: Les DSM
comme source de maladies.
Arrondissements
|
Non
|
Oui
|
Kpomassè-centre
|
90%
|
10%
|
Sègbohouè
|
97%
|
3%
|
Tokpa-Domè
|
93%
|
7%
|
Source: Enquête de terrain,
2014
Ces constats montrent que les communautés de
Kpomassè ne trouvent aucun inconvénient à cohabiter avec
les déchets ménagers. Pour elles, les déchets n'ont aucun
effet négatif sur leur santé ce qui explique le fait que, quand
elles finissent par balayer leur cadre de vie elles jettent les déchets
a proximités des concessions ou dans les rues, etc. Les investigations
sur les possibles maladies qu'on peut contracter en cohabitant avec les
déchets ont permis de recenser auprès des ménages les
diverses maladies, (tableau 10).
Tableau 10: Les
maladies recensées auprès des enquêtés.
Arrondissements
|
Autres
|
Bilharzioses
|
Choléra
|
Diarrhée
|
Dysenterie
|
Paludisme
|
Typhoïde
|
Kpomassè-centre
|
0%
|
7%
|
20%
|
20%
|
3%
|
30%
|
20%
|
Sègbohouè
|
2%
|
0%
|
51%
|
16%
|
3%
|
28%
|
0%
|
Tokpa-Domè
|
0%
|
8%
|
30%
|
25%
|
4%
|
29%
|
4%
|
Source: Enquête de terrain,
2014
A partir des données du tableau, on se rend compte que
lescommunautés deKpomassè jugent peu critique la cohabitation
avec les déchets pour leur état de santé. Les
communautés de Kpomassè hésitent à accepter que les
déchets sont les sources des maladies hydriques à savoir:
Bilharziose, choléra, dysenterie, fièvre typhoïde.
Même le paludisme n'est pas selon eux une conséquence des
déchets mal gérés, elle serait causée par le
soleil.Il est aisément compris que dans une communauté où
il existe une solidarité aussi forte entre l'homme, la terre, les
animaux et les végétaux; la vie loin des déchets est
quasiment impossible.De plus, les maladies comme la rougeole et la variole sont
des conséquences de la colère du dieu Sakpata due à la
rupture de la solidarité par l'enlèvement des déchets pour
des lieux lointains. Vivre avec les déchets c'est un fait culturel
à Kpomassè puisque pour l'Homme de Kpomassè les
déchets sont de meilleurs fertilisants des sols;ils nourrissent les
relations entre les animaux domestiques et l'homme. Les animaux
éparpillent les déchets dans les ménages, ils y
défèquent, tout ceci consolide et renforce la symbiose qui existe
entre les communautés de Kpomassè et ces derniers. Les pratiques
modernes de gestion des déchets devraient assurer l'hygiène dans
les ménages mais à Kpomassè, elles sont moins
bénéfiques pour la solidarité entre les communautés
et les animaux domestiques. Quand elles s'enfoncent dans la brousse pour
déféquer, les communautés font appel de façon
spontanée et implicite aux animaux domestiques en l'occurrence les porcs
qui perçoivent les odeurs des excréta. L'Enlèvement des
déchets créerait un déséquilibre psycho-affectif
entre les animaux et les communautés de Kpomassè parce que ces
communautés sont trop attachées à l'équilibre du
système cosmique. Les ordures ménagères sont
entreposées aux alentours de la maison pour leur réutilisation
prochaine. Et pendant ce temps les mouches s'y développent, se posent
dans les ustensiles de cuisine ou dans les plats.Le fort attachement au vodoun
fait que dans certains ménages de Kpomassè, il existe une
représentation faite du vodounlègba dont la devanture n'est
jamais propre parce que ce vodoun trouve son énergie vitale dans ces
déchets qui l'entoure. Les communautésavoisinantes de cevodoun
vivent avec les déchets mais elles affirment qu'«elles sont
à l'aise».Il est noté une rationalité
extraordinaire chez les communautés de Kpomassè, il s'agit de la
«rationalité villageoise». Selon cette
rationalité tout le baratin autour de l'hygiène et
l'assainissement observé dans les villes est une perte de temps et
d'argent.La rationalité villageoise fait que les communautés de
Kpomassè adoptent un mode de vie qui se confond à celle des
animaux; elles vivent avec les animaux domestiques qui défèquent
dans la nature. Il a étérencontré des
enquêtés qui s'interrogent dans ces termes:« Pourquoi
balaye et sarcle-t-ilrégulièrement la cour comme une
femme?Est-ce important de se laver autant de fois dans une
journée?» Tous ces questionnements ne respectent aucune
logique de la modernité mais ils respectent la logique des
communautés de Kpomassè.Mais les communautés doivent savoir que les
savoirs et habitudes sont dynamiques et pour ce fait, elles doivent mimer les
pratiques modernes de gestion de déchets afin de résoudre le
problème qui se pose à elles dans l'hygiène et
l'assainissement. Les pratiques modernes de gestion des déchets ont
d'énormes avantages quoiqu'elles demandent un investissement en
technologie et en moyen financier. Il faut alors qu'elles s'exorcisent des
pratiques populaires en matière de gestion des déchets. Si
après un brassage culturel des ménages ont pu adopter les
poubelles, il est possible qu'elles accepteront les rationalités qui
sont derrières les pratiques modernes de gestion des déchets; et
cela dépendra aussi de la méthode de sensibilisation. Il est vrai
que les communautés savent que les déchets peuvent être
utilisés dans l'agriculture sous forme de terreau ou compost. Les
rationalités des pratiques modernes sont l'utilisation des
déchets pour résoudre plusieurs autres problèmes qui se
posent au développement des communes. Certains chercheurs ont
traité de la gestion des déchets et ont trouvé que: les
communautés dont les cultures ne sont pas flexibles doivent
opérer le changement de comportement par une éducation
environnementale. Ainsi dans son mémoire de
maîtrise,DJOHY(2012) proposeque pour une gestion
efficiente des déchets solides ménagers,il faut une
éducation à la gestion de l'environnement afin de former des
citoyens responsables et soucieux de l'assainissement de l'environnement. Cette
éducation permettra aux communautés de Kpomassè de se
former aux conséquences néfastes des déchets sur l'homme
et l'environnement.LAWSON et al. (2008)renchérissent dans un
rapportque les meilleures méthodes pour une gestion efficiente des
déchets solides ménagers sont: l'Education Environnementale et la
valorisation des déchets solides ménagers. Selon le dictionnaire
le petit Larousse, «Valoriser» c'est donner une plus grande
valeur à. Alors, dire qu'il faut valoriser les déchets montre que
ces chercheurs sont convaincus del'utilité des déchets solides
ménagers à la santé des hommes et à
l'environnement. Les avantages à tirer de cette valorisation des
déchets sont énormes et du coup les communautés de
Kpomassè ont raison de penser que vivre avec les déchets ne
requiert aucun risque sur la santé. Mais, il faut qu'elles nuancent
parce que les déchets à l'état brut sont sources de
maladies et font obstacles au développement.
Ilest à retenir que la faible appréhension des
risques liés à la cohabitation avec les déchets explique
la gestion anomique des déchets solides ménagers et
excréta dans la commune de Kpomassè. La troisième
hypothèse de la recherche est confirmée.
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