Le Cameroun est un pays riche de ses atouts touristiques
naturels, l'Etat Camerounais s'est par la suite doté d'infrastructures
et de structures favorisant l'activité touristique. Dans le cadre de
notre mémoire, nous nous sommes intéressés à la
branche hôtellerie. Après avoir collecté et analysé
d'importantes quantités de données du secteur touristique, nous
avons constaté que les établissements d'hébergement
touristique au Cameroun connaissent un problème de gestion de leur
capacité en chambre : les taux d'occupation moyens annuels en chambre
sont situés entre 15,5% et 58,2%24. Dans la
littérature sur le tourisme, nous sommes tombés sur un auteur
Pierre FABRE, qui dans l'un de ses ouvrages sur le tourisme
international et projets touristiques dans les pays en voie de
développement, déclare que pour qu'un hôtel soit
rentable, son taux d'occupation moyen devrait être situé entre 65%
et 75%25. Cette situation paradoxale nous a particulièrement
marquée : « de façon générale, les
hôtels au Cameroun ne seraient donc pas rentable ! ». Nous nous
sommes ainsi décidés d'étudier au fond ce problème,
afin de trouver les raisons qui pourraient nous permettre d'expliquer ces
constats, et de proposer des mesures correctrices.
Partant de la question suivant, Comment Optimiser
les capacités hôtelières dans le marché des services
? Nous avons parcouru dans la littérature en
marketing, des théories telles que la Servuction, Le Costumer Relation
Management (CRM) et Le Revenue Management. La servuction, nous a proposé
de satisfaire le client par une amélioration de la qualité
perçue en vue de la fidélité, en jouant sur la
participation du client au service, sur le personnel en contact avec le client,
et sur le support physique du service. Nous avons aussi appris que la
satisfaction n'entraine plus la fidélité du client, et qu'il
entretien une loyauté polygame entre plusieurs marques. Dans le Costumer
Relation Management, nous avons appris qu'il faut interagir intimement avec le
client, en vue de le fidéliser, en se fondant sur une base de
données clients, et une communication relationnelle
personnalisée. Mais comme limite, nous avons aussi vu que sa mise en
oeuvre était difficile étant donnée qu'il est
transversale, aussi il est difficile d'avoir un avantage concurrentiel
pérenne avec ce système. Le Revenue management
24 D'après les chiffres tirés de l'annuaire
statistique du tourisme et de l'hôtellerie du Cameroun 2007
25 Fabre pierre, Tourisme international et projet
touristique dans les pays en développement,
ministère de la coopération de la
république française, paris, 1979, p. 1-89.
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nous a proposé d'offrir le bon produit au bon client,
au bon moment, et au bon prix, en identifiant les besoins des clients au niveau
des micromarchés, et en optimisant l'offre en jouant sur le prix et les
quantités. Nous y avons tout de même trouvé quelques
réserves notamment une segmentation sous optimale (principalement
basée sur la sensibilité au prix), et une pratique de prix
immorale. Tout compte fait nous avons retenu le Revenue Management comme cadre
théorique, ce d'autant plus qu'il intègre tout le CRM et une
bonne partie de la Servuction. Sur la base des principes du revenue management,
nous avons identifié sept hypothèses de recherche à
vérifier :
· H1 : l'équilibre de l'offre et de la
demande en attachant plus d'importance au prix qu'aux coûts stabilise le
niveau d'activité. Autrement dit, les hôtels doivent jouer sur les
prix et non sur les coûts pour stabiliser leur niveau d'activité.
Donc il existe un lien entre le principal critère de
tarification et le niveau d'activité (occupation) des
hôtels;
· H2 : la fixation du prix en fonction du
marché et non des coûts répond le mieux aux attentes du
client. En d'autres termes, il existe une relation entre le prix et le
taux d'occupation ;
· H3 : la Vente sur des micromarchés
segmentés et non sur des marchés de masse accroît les
ventes en volume (nombre de clients). Plus clairement, le degré
de segmentation de la clientèle a une influence sur le taux d'occupation
de l'hôtel ;
· H4 : la réservation des produits aux
meilleurs clients accroît les ventes en valeur (chiffre d'affaires). En
d'autres termes, la règle de service appliquée par
l'hôtel a une influence notable sur le chiffre d'affaire
;
· H5 : la fondation des décisions sur des
connaissances et non sur des hypothèses permet de saisir les
modifications du comportement du consommateur. Ou encore, la base des
décisions joue sur le taux d'occupation hôtelier
;
· H6 : l'exploitation du cycle de la valeur de
chaque produit maximise le chiffre d'affaire dans chaque segment de
marché. En d'autre terme, il y a un lien entre la fluctuation
intelligente des prix le chiffre d'affaire de l'hôtel ;
· H7 : la réévaluation constante des
opportunités de développement du chiffre d'affaire
améliore la pro activité des commerciaux, en d'autres termes,
le degré de
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décentralisation des décisions
Commerciales a un lien avec le taux d'occupation des
hôtels.
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons fait
appel à la statistique, à sa technique d'enquête par
sondage stratifié, à un degré. Nous avons retenu comme
strates les villes de Douala et Yaoundé, avons mis au point une base de
sondage constituée de 109 hôtels, et avons calculé la
taille de notre échantillon avec un seuil d'erreur acceptable de 10%, ce
qui nous a donné un échantillon de 52 hôtels. Nous avons
calculé notre pas de sondage (Pas = 2), et tiré simplement les
hôtels cibles de notre enquête. L'outil de collecte des
données était le questionnaire. Le modèle d'analyse
utilisé pour notre recherche est le Multinomial Logit, en raison de la
nature de nos variables (discrètes) et la facilité de sa mise en
oeuvre, notamment à l'aide du logiciel SPSS. Pour y parvenir nous sommes
d'abord passés par la statistique descriptive, pour connaître
notre base de données, et tirer les soupçons de réponses
à nos questions de départ, puis avons testé le lien entre
notre variable à expliquer (taux d'occupation moyen annuel), et chacune
de nos variables explicatives tirées du Revenue Management. Nous avons
en fin de compte mis en oeuvre la modélisation pour construire un
modèle de Revenue Management propre au contexte camerounais.
Les résultats de nos analyses nous ont permis de faire
quelques constats et de tirer des conclusions. Comme principales raisons pour
expliquer les mauvais taux d'occupation, nous avons constaté que les
hôtels tarifient les nuitées principalement en fonction du
coût de revient des chambres (40,4%) et en fonction des tarifs
pratiqués par les concurrents (26,9%), et que seulement 13% des
hôtels le font en fonction de la valeur perçue par le client, tel
que préconisé par la théorie du Revenue Management. Nous
avons aussi constaté que 3 hôtels sur 10 pratiquent la
segmentation de sa clientèle, alors que la segmentation de la
clientèle au niveau des micromarchés est un principe essentiel
dans l'amélioration du niveau d'occupation des capacités. La
règle de service « premier arrivé premier servi » est
légion dans 85% des hôtels, alors qu'elle va à l'encontre
du Revenue Management, qui accorde la priorité au bon client. De
façon générale, 53,4% des hôtels prennent les
décisions commerciales et marketing sur la base de l'intuition ou de
l'observation, par opposition au Revenue Management qui recommande que ces
décisions soient basées sur des données réelles
issues de données statistiques. 88,5% des hôtels
enquêtés disposent de données sur les clients, mais
58,7%
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de ces archives sont consignées sur du papier
(registre de police), répondant beaucoup plus à une contrainte
administrative, qu'à un besoin d'information marketing, ce qui entre
également en désaccord avec les principes du Revenue Management,
qui serait très difficile, voir impossible de mettre en oeuvre, s'il
n'est pas automatique. Dans 69% des hôtels enquêtés, les
commerciaux participent aux prises de décisions, tandis que dans 23%
c'est le chef qui prend les décisions et l'annonce. Les commerciaux
prennent les décisions en toute indépendance dans seulement 1
hôtel sur 10. Alors que le Revenue Management recommande qu'on mette
à la disposition des commerciaux toutes les informations dont ils ont
besoin, de sorte qu'ils puissent prendre les décisions en toute
indépendance. Ce constat est une suite logique de l'insuffisance que
nous avons observée au niveau de la base de données clients.
Nous avons par la suite testé le lien qui pourrait
exister entre chaque variable du Revenue Management et le taux d'occupation des
hôtels. Nous avons constaté que 5 de nos hypothèses de
recherche se vérifient si nous acceptions un seuil d'erreur de 20%.
Concrètement, il existe un lien entre le taux d'occupation et le prix
(au seuil de 5%), la segmentation de la clientèle (au seuil de 5%), la
règle de service appliquée (au seuil de 17%), la base des prises
de décision (au seuil de 8%), le degré de décentralisation
des décisions commerciales et marketing (au seuil de 18%). Nous avons
une hypothèse qui n'a pas été confirmé. Il s'agit
du lien entre le taux d'occupation et le principal critère de
tarification des nuitées (car sa P-Value obtenue est de 0,27).
En ce qui concerne la modélisation Multinomial Logit
de notre théorie, nous avons dans un premier temps testé les
ratios de vraisemblance de toutes nos variables explicatives, et avons
constaté qu'il était très significatif au seuil de 5% (car
saleur est de 0,017 < 0,05), ce qui signifie qu'au moins une de nos
variables explicative sélectionnées, est significative pour
expliquer les taux d'occupation moyens annuels. Ce test nous a aussi permis
d'identifier le ratio de vraisemblance de chacune de nos variables, ce qui nous
a permis de constater que au seuil de 10%, quatre variables nous permettent
d'expliquer les taux d'occupation moyens annuels : La pratique de la
segmentation, la règle de service, la base des prises de décision
et le degré de décentralisation des décisions (ces 4
variables ont des coefficients de significativité inférieurs
à 8%). Nous avons estimé les paramètres, pour ressortir
les éléments de permettant d'écrire les équations
du modèle de Revenue Management au Cameroun suivant :
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> Ln (tocc=2/tocc=1)= 21,1391 - 2,40875
segment_0 + 3,305 regle_service_1 -
2,02 base_prise_de_decision_1 - 18,7568 decentralisation_1 -
19,6563 decentralisation_2 [équation 1]
> Ln (tocc=3/tocc=1)= 21,8478 -
2,91075segment_0 - 0,38293 regle_service_1 - 2,09917base_prise_de_decision_1 -
37,9305decentralisation_1 -18,0968 decentralisation_ 2 [équation 2]
L'application de cette modélisation à une de
nos variables (par exemple : la pratique de la segmentation), nous a permis de
formuler l' Odds ratio suivant :
=0,0544
Pour ne plus faire dépendre les résultats du
choix de la référence, nous avons comparé
systématiquement les taux d'occupation deux a deux, en estimant le
modèle avec chaque référence possible, nous avons
construit un tableau récapitulant les estimations du modèle selon
les différentes modalités de référence possibles ;
ce qui nous a permis de lire les résultats suivants :
· Un hôtel qui n'a pas segmenté sa
clientèle aura plus probablement un taux d'occupation moyen annuel
compris entre 0% et 40%. Autrement, pour un hôtel qui pratique la
segmentation il est plus probable d'avoir un taux d'occupation supérieur
à 40% ;
· Un hôtel qui pratique la règle «
premier arrivé premier servi » a probablement un taux d'occupation
moyen annuel compris entre 40% et 65%. Autrement dit, un hôtel qui
accorde la « priorité au bon client » aurait très
probablement un taux d'occupation supérieur à 65% ou
inférieur à 40% ;
· Un hôtel qui prend ses décisions
commerciales et marketing sur la base des informations issues de l'intuition,
ou de l'observation aura plus probablement un taux d'occupation moyen annuel
compris entre 0% et 40%. Autrement, pour un hôtel qui prend ses
décisions sur la base de informations issues de données
statistiques, il est plus probable d'avoir un taux d'occupation
supérieur à 40%
· Un hôtel où toutes les
décisions sont prises exclusivement par le chef aura plus probablement
un taux d'occupation moyen annuel compris entre 0% et 40%.
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Autrement, pour un hôtel qui pratique les
équipes commerciales prennent les décisions en toute
indépendance, il est plus probable d'avoir un taux d'occupation
supérieur à 65%, étant donnée qu'il est très
probable que ceux des hôtels où les commerciaux participent aux
prises de décision ont un taux d'occupation moyen annuel compris entre
40% et 65% ;
Pour pouvoir généraliser nos résultats
à l'ensemble des hôtels des villes de Douala et de Yaoundé,
ou à l'ensemble des hôtels du Cameroun, nous avons calculé
le pouvoir prédictif du modèle, et avons obtenu un pourcentage de
bon classement de 68,6%, ce qui veut dire qu'en prenant au hasard un
hôtel en dehors de notre échantillon, nous pourrions être
capables de prédire son taux d'occupation moyen annuel, sur la base de
notre modèle du Revenue Management avec 68,6% de certitude.
Nous avons par la suite formulé quelques apports et
recommandations de notre recherche, sur le plan de la profession, et sur le
plan scientifique :
· Sur le plan managérial, nous avons
recommandé aux professionnels du Marketing d'entreprendre les projets
d'intégration du système du Revenue Management au sein de leur
structure, avec une forte implication de la direction générale.
Nous leur avons proposé la démarche de mise en oeuvre
constituée de 9 étapes importantes, allant de la connaissance du
marché à l'évaluation des résultats. Par la suite
nous avons proposé quelques spécificités ajustements des
éléments du Mix Marketing qu'implique ce système, pour
déboucher sur la maîtrise du RAGE (Revenu des Actifs
Générateurs d'Efficience).
· Sur le plan Scientifique, nous pensons que le Revenue
Management vient révolutionner le marketing, étant donné
qu'avant d'entreprendre toute action du Revenue Management, nous devons au
préalable quantifier les opportunités, le surcroît des
recettes. Cette théorie bouscule également les habitudes en
matière de fréquence d'étude marketing. Elle s'inscrit
dans une démarche perpétuelle, plutôt que dans une
démarche ponctuelle, améliorant au passage la technologie
informatique. En fin, le Revenue Management donne davantage de valeur à
l'information, au savoir. Nous pensons que le « capital savoir »
devrait faire parti du bilan comptable et financier des entreprises qui ont
intégré un système de Revenue Management.
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Comme toute oeuvre humaine, notre recherche comporte sans
aucun doute des limites, d'une part liées à la
représentativité de l'échantillon : la première
limite réside dans le choix et la taille de l'échantillon. La
restriction de notre échantillon non seulement aux hôtels de
Douala et de Yaoundé, mais aussi à 52 hôtels ne permet pas
d'extrapoler nos résultats à l'ensemble des établissements
d'hébergement touristiques du Cameroun. Par ailleurs pour une bonne
mesure, il aurait fallu comparer les résultats de notre étude
avec des études sur le même thème menées dans
d'autres pays rassemblant les conditions similaires au Cameroun. Toutes ces
insuffisances sont liées à la limite du budget et des
délais de notre recherche. Nous proposons donc que des études
ultérieures puissent corriger ces insuffisances.
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