DROIT CAMEROUNAIS
Le traitement juridique de la sanction pénale en droit
de l'environnement camerounais varie en fonction de la personne poursuivie. En
effet, les personnes morales se voient très souvent subir des sanctions
pénales différentes de celles subies par les personnes physiques.
En effet, certaines sanctions pénales comportent des
particularités qui rendent leur exécution impossible. C'est ainsi
qu'il est matériellement impossible de condamner une personne morale
à une peine d'emprisonnement. Face à ceci, le législateur
se trouve dans l'obligation de "compenser" cette impossibilité
matérielle d'exécution, par une autre mesure plus ou moins
équivalente. En tout état de cause, le régime
hétérogène de la sanction pénale en droit de
l'environnement camerounais ressort la rigueur du législateur
camerounais dans l'éventail de sanctions encourues pour les personnes
physiques (Paragraphe I) tandis qu'en ce qui concerne les sanctions encourues
par les personnes morales, le législateur camerounais fait preuve d'une
souplesse mesurée (Paragraphe II).
Paragraphe I : Une « rigueur affirmée » du
législateur camerounais quant aux sanctions encourues par les personnes
physiques
En matière de lutte contre les atteintes à
l'environnement, le législateur camerounais a instauré un canevas
dont le respect s'impose à tous et la transgression de ces règles
fait intervenir le droit pénal de l'environnement et en l'occurrence, la
sanction pénale. La sanction pénale est donc la
conséquence de l'atteinte à l'intégrité de
l'environnement. Le droit pénal de l'environnement a consacré
deux peines principales à savoir la peine d'emprisonnement et la peine
d'amende. Les peines d'emprisonnement sont celles qui sont le plus souvent
subies par les personnes physiques (A). Bien plus, dans la pratique, les
personnes physiques ne bénéficient pas des circonstances
atténuantes (B) et ne peuvent donc pas bénéficier d'une
transaction.
A- L'instauration de fortes peines d'emprisonnement
L'emprisonnement est la peine la plus employée par le
juge pour sanctionner les personnes physiques qui ont porté atteinte
à l'environnement certainement parce qu'elle constitue le moyen de
répression. L'emprisonnement est défini à l'article 24 du
CPC comme étant une peine privative de liberté pendant laquelle
le condamné est astreint au travail sauf décision contraire de la
juridiction. En droit camerounais, la peine emprisonnement peut être
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prononcée à l'encontre d'une personne en cas de
contravention, de délit ou de crime. En droit pénal camerounais,
il existe très peu de contraventions58 mais les délits
constituent les infractions les plus nombreuses59 au même
titre que les crimes60. C'est ainsi qu'en cas d'atteinte à
l'environnement les peines d'emprisonnement prononcées sont très
souvent supérieure à dix jours. La quasi-totalité des
contraventions en droit de l'environnement sont celles qui sont contenues dans
la loi portant régime des forêts, de la faune et de la pêche
notamment l'article 154 qui réprime la pêche dans un
établissement aquacole, domanial ou communal sans autorisation, la
provocation des animaux lors d'une visite dans une réserve de faune ou
d'un jardin zoologique, la détention d'un outil de chasse dans une aire
interdite de chasse61. Cet exemple que nous venons de montrer nous
permet d'apprécier à quel point le législateur attache un
prix au respect et à la protection de la nature.
En droit de l'environnement camerounais, la peine
d'emprisonnement va de dix jours à la prison à
perpétuité. Il en est ainsi en matière d'introduction ou
d'importation de déchets dangereux qui est possible d'une peine
d'emprisonnement à vie62. L'article 80 de la loi cadre
relative à la gestion de l'environnement punit d'une amende de cinquante
millions à cinq cent millions de F CFA et d'une peine d'emprisonnement
à perpétuité, toute personne qui introduit des
déchets toxiques et/ou dangereux sur le territoire camerounais. Il
ressort de cet article que le choix de la sanction pénale par le juge
n'est pas libre en ce qui concerne le prononcé de la peine
d'emprisonnement à perpétuité. La peine d'emprisonnement
à perpétuité doit être prononcée dès
lors que l'introduction de déchets dangereux sur le sol camerounais a
été réalisée, l'on se demande alors qui subira la
peine d'emprisonnement en cas d'infraction commise par une personne morale ? En
effet, dans la pratique, le déversement ou l'importation de
déchets dangereux est généralement réalisée
par des multinationales disposant de gros moyens financiers63 et
sont généralement à mesure de payer de montants
exorbitants face à ceci faut-il privilégier le
dédommagement ou alors l'emprisonnement. En cas de condamnation de la
personne morale qui subira la peine d'emprisonnement, est-ce le
préposé, le ou les dirigeants ou alors les fondateurs ? Quelle
peut être la portée de l'article 80
58 L'Art. 21 du CPC définit les
contraventions comme étant des infractions punies d'un emprisonnement
qui ne peut excéder dix jours ou d'une amende qui ne peut excéder
25 000 F CFA.
59 L'Art. 21 al (1) (b) CPC définit les
délits comme étant des infractions punies d'une peine privative
de liberté ou d'une amende lorsque la peine privative de liberté
encourue est supérieure à dix jours et n'excède pas dix
ans ou que le maximum de l'amende est supérieur à 25 000 F
CFA.
60 L'Art. 21 al 3 (c) du CPC définit les
crimes comme étant les infractions punies de la peine de mort ou d'une
peine privative de liberté dont le maximum est supérieur à
dix ans.
61 Ces infractions sont punies d'une peine
d'emprisonnement de dix jours, d'une amende de 50 000 F CFA, ou de l'une de ces
deux peines seulement.
62Exemple de l'affaire du Probo Koala en Côte
d'Ivoire.
63Art. 80 de la loi cadre relative à la gestion
de l'environnement.
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de la loi cadre ? A notre avis, l'article 80 a le
mérite de ressortir le régime juridique de l'infraction
d'introduction de déchets dangereux considéré comme
étant un crime écologique, cependant il faut reconnaître
que le juge pénal aura du mal à condamner une
société à une peine d'emprisonnement qui reste
réservée aux seules personnes physiques.
En matière de lutte contre les pollutions de l'air, du
sol et des sous-sols et d'altération de la qualité de l'eau, la
peine d'emprisonnement constitue l'une des sanctions pénales les plus
usitées en droit de l'environnement car une bonne partie des
dispositions pénales en la matière sont assorties de peine
d'emprisonnement dont la durée s'avère plus ou moins longue.
Signalons toutefois l'avancée significative qu'a connue le droit
pénal de l'environnement. Ces dernières années la peine de
mort était encore applicable au Cameroun en droit de l'environnement
notamment par l'article 4 alinéa 1 de la loi de 1989 portant sur les
déchets toxiques et dangereux qui punissait de la peine de mort celui
qui introduisait sans autorisation des déchets toxiques et/ou dangereux
sur le territoire camerounais. Ces dispositions ont été
abrogées par l'article 98 alinéa 2 de la loi cadre de 1996.
L'abolition de la peine de mort par le droit pénal de l'environnement
témoigne du souci du législateur camerounais de protéger
l'environnement et de sanctionner les atteintes tout en préservant et en
respectant les droits de l'homme en l'occurrence le droit à la vie.
En plus de l'instauration de fortes peines d'emprisonnement
pour les personnes physiques, la rigueur du législateur se fait
également ressentir par l'absence des circonstances atténuantes
et du sursis.
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